mardi 26 juin 2018

La Passion d'Augustine et la « reprise en main du système éducatif par le gouvernement » (rediff)


L’avis du critique de cinéma Laurent Dandrieu sur La Passion d’Augustine :

La Passion d’Augustine de Léa Pool

Dispersé. Québec, années 1960. Mère Augustine (Céline Bonnier) dirige un pensionnat de jeunes filles centré sur l’éducation musicale. Tout en s’efforçant de préparer sa nièce à un prestigieux concours de piano, elle doit se battre pour sauver son couvent, menacé par la reprise en main du système éducatif par le gouvernement. Réalisé un peu platement, mais remarquablement interprété, ce récit très riche évoque la soudaine laïcisation du Québec, les tentatives de compromission de l’Église avec le monde, l’initiation musicale d’une jeune fille, la passion de la transmission... : mais pour avoir embrassé trop de pistes à la fois, le film laisse un sentiment d’inachevé.


La qualité du français, le faible accent « canadien » ont frappé ce critique méridional. Lysandre Ménard souligne que c’était à dessein pour mieux calquer l’exigence du français châtié transmise par les religieuses, cette exigence aurait largement disparu aujourd’hui

L’avis de la critique de cinéma Marie-Noëlle Tranchant du Figaro :

Les scènes musicales, vives et intenses, sont le meilleur du film. Sous les doigts de Lysandre Ménard, jeune pianiste pour la première fois actrice, Bach, Chopin, Beethoven débordent de jeunesse enthousiasmante. L’émotion musicale coule à flots, le reste est étrangement figé.

La Passion d’Augustine est un mélo sociologique qui prétend faire revivre le Québec des années 1960 passant de la tradition à la modernité, de la culture chrétienne à la sécularisation. La transition serait intéressante à suivre si elle ne se résumait à des clichés. La réalisatrice cisèle des images pieuses pour vanter la liberté laïque. Tout est joli et factice. Aucune vérité dans ces personnages dessinés d’un même trait, qui parlent toujours le langage de la réalisatrice, jamais le leur : on la voit inscrire dans leurs attitudes « autorité », « impertinence », « passion », « révolte », « liberté ». Seule scène surprenante : le changement d’habits des religieuses, où l’on sent une émotion juste. Moralité : un message progressiste ne suffit pas à éviter la fadeur académique.

Nous trouvons ces jugements un peu sévères, c’est un bon film, même s’il est vrai que l’on sent que Léa Pool se félicite en quelque sorte de l’issue. Le film n’est pas exempt de caricatures, notamment pour ce qui est du portrait de la générale ou de l’usage des saisons quand le film commence par un long hiver rigoureux (comme la religion d’alors doit-on comprendre) pour finir avec l’arrivée du printemps, symbole trop évident du passage d’une société ténébreuse à une époque progressiste.

Saluons cependant ce film qui ne juge pas pesamment, mais laisse parler des différents protagonistes. Il est de belle facture tant au niveau visuel que musical. Il trace des portraits touchants de religieuses aux personnalités diverses. Léa Pool n’appuie pas trop, elle laisse parler. On est donc libre de penser que c’est la professeur de français, la plus stricte, qui a sans doute le mieux vu ce que ce radieux avenir signifierait pour ces religieuses : « Vous ne voyez pas qu'on planifie notre disparition ? On va se retrouver à quatre-vingts ans, sans voile, sans costume, sans couvent. On va être toutes seules. Puis on va être les dernières. »



Bande-annonce

L'avis du Quotidien du médecin (français) :

Au Québec, la laïcisation de l'enseignement, dominé par l'Église catholique, a été tardive. Et, parfois, d'autant plus brutale. [Note du carnet: Visiblement, ce chroniqueur ne connaît pas son histoire de France, la laïcisation forcée en France fut très brutale... Le Québec accueillit d'ailleurs de nombreuses congrégations chassées de France par les « tolérants » républicains. Voir ici et .] C'est ce qu'évoque « la Passion d'Augustine » à travers l'histoire d'un petit couvent et de sa directrice (Céline Bonnier), qui en a fait un établissement d'excellence pour la musique.

« Ce n'est pas du tout un film sur la religiosité, mais sur la spiritualité qui s'exprime par la musique » , explique Léa Pool . C'est aussi un film sur l'émancipation féminine. La cinéaste, qui a signé une vingtaine de films, fictions et documentaires depuis 1979, souligne au passage que « faire du cinéma quand tu es une femme est déjà un acte d'émancipation. En tout cas c'était le cas il y a trente ans... ».

Mais revenons à mère Augustine et à son école de jeunes filles. Le personnage, dont on découvre les forces et les failles, est attachant, et son combat contre les forces contraires (le conservatisme de l'Église d'un côté, le progressisme et l'air de liberté de l'autre) qui conspirent à l'abattre ne manque pas de panache. Mêlant l'humour, l'émotion, et le pouvoir de la musique, Léa Pool nous le fait admirer.

Les jeunes interprètes, qui sont elles-mêmes musiciennes, sont bien choisies, comme les décors de neige, faisant contraste avec l'uniforme noir des religieuses. Malgré quelques lourdeurs vers la fin, on aura compris que la passion d'Augustine mérite d'être partagée.


Rencontre avec plusieurs artisanes du film La Passion d’Augustine et commentaire de sœur Évangéline Plamondon sur le film.


Couvert de prix au Québec et par celui du public au Festival d'Angoulême, le succès populaire de ce film a surpris, à une époque où la religion n'agit plus dans la société, où la multitude d'églises, couvents et monastères sont devenus de vastes appartements, des bibliothèques, des centres associatifs, voire des spas. La Passion d'Augustine a rejoint son public. Comme le rapporte La Croix, à chaque projection, les spectateurs sortaient émus, remués de retrouver aussi fidèlement leur passé de pensionnaires, remerciant la réalisatrice. Cette reconnaissance intervient aussi au moment où nombre d'historiens au Québec réexaminent le bilan de l'Église, établissant qu'il ne saurait être totalement confondu avec la prétendue raideur dogmatique de l'éducation qu'elle dispensait. Léa Pool apporte une pierre à cet édifice de réhabilitation.


Vu par Itélé (groupe Canal+ classé à gauche/bobo) : insiste sur l’aspect progressiste des sœurs



Madame Renée Gagnon, musicienne professionnelle, et Sr Carmen Gravel, enseignante émérite qui a travaillé à la formation de Mme Gagnon, nous partagent leurs souvenirs et ce qu’elles retiennent de leur expérience commune.


Voir aussi « La passion d’Augustine » : quand le cinéma tire vers le haut

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1 commentaire:

Vieux Phil a dit…

Très beau film sur la liberté laïque, mais détestable sur le plan idéologique. On veut nous faire avaler que les communautés religieuses furent contre la liberté. Que le Québec a eu bien raison de passer à une école publique et laïque, car là, se trouve la véritable LIBERTÉ. C'est le point de vue d'une laïciste qui prime, celui de la liberté dans le vie religieuse ou spirituelle n'est aucunement abordé parce qu'il est tout simplement inexistant ou castrant selon la scénariste. Dommage : encore un autre clou enfoncé dans le cercueil de la vie religieuse.