jeudi 11 octobre 2012

Vatican II, l'éducation et la Révolution tranquille vus par Radio-Canada

Reportage radio-canadien sur Vatican II et la Révolution tranquille (vidéo ici). Tous les clichés sont réunis, tous les invités habituels sont interrogés (pas un conservateur), aucune critique à l'encontre de la Révolution tranquille et de son héritage, si ce n'est l'influence persistante et néfaste des conservateurs de Rome.



La nationalisation de l'éducation

Le reportage souligne qu'en éducation la situation est alarmante au tournant des années 60. L'ancien ministre Claude Castonguay affirme que « l'Église est de connivence avec le gouvernement et les élites pour garder la population dans l'ignorance ». C'est un peu caricatural comme on le verra ci-dessous. Le sociologue Guy Rocher pour sa part déclare que « C'était la province du Québec qui était la moins scolarisée dans l'ensemble du Canada et c'était les Canadiens français qui étaient le moins scolarisés au Québec. C'était le grand scandale des 1960 quand on s'est rendu compte de cela ».

C'est exact. Les Canadiens français affichaient un faible niveau de scola­risation : 63 % des élèves francophones finissaient leur 7e année et seuls 13 % finissaient leur 11e année, alors que 36 % des élèves anglo­phones atteignent ce niveau.

Quelques remarques s'imposent toutefois :

1) le Québec d'avant la Révolution tranquille est une province prospère contrairement au tableau manichéen habituel dressé qui oppose une « Grande Noirceur » à la « Révolution tranquille » qui n'aurait été que prospérité, mini-jupes, joie, jouissances et jolies donzelles. En réalité, l’après-guerre est la seule période de l’histoire du Canada où le revenu nominal par habitant du Québec a gagné sur le reste du pays. De 1951 à 1966, la population québécoise s’était maintenue à environ 29 % de la population canadienne. Mais voici que depuis 1966, elle est passée de 29 % donc à 23,2 %. Pour Jean-Luc Migué, « Même au-delà des libertés strictement économiques, nos libertés ont souffert depuis les années 1960…à l’exception des libertés sexuelles. »

2) Des changements dans le taux de scolarisation s'observaient partout dans le monde occidental, ils étaient liés à une explosion démographique et à un changement dans la demande économique (tertiarisation, demande croissante de techniciens, ingénieurs et de l'appareil d'État).

3) Les francophones sont toujours moins scolarisés que les anglophones au Québec et moins que les autres Canadiens. Les francophones décrochent aussi plus souvent. Aujourd'hui. Pour Gilles Paquet, professeur émérite de gestion à l'Université d'Ottawa, les changements dans le système d'éducation issus de la Révolution tranquille sont parmi les facteurs qui expliquent le fort taux de décrochage au Québec.

4) Monique Jérôme-Forget, ex-ministre des Finances du Québec, pense qu'« Il faut se demander si la mainmise des syndicats sur le réseau n’expliquerait pas le désintéressement de nombreux parents. » Elle se demande également si il est « normal que la convention collective [des enseignants] contienne plus de 500 articles, comporte 274 pages, et que certains articles se déclinent sur 8 pages ? »

5) La solution adoptée par la Révolution tranquille : la nationalisation de l'éducation n'était pas la seule possible. Mais, dans ce reportage, on ne critique jamais les choix de la merveilleuse Révolution tranquille, uniquement ce qui la précède ou les affreux conservateurs encore tapis à Rome. En d'autres termes, le principe de l’assistance publique n’implique aucunement la nationalisation effective du secteur éducatif, la voie empruntée par le législateur québécois (« de connivence avec les élites et les chrétiens progressistes », comme dirait Castonguay).

Citons à ce sujet un extrait du livre Le Monopole public de l'éducation, par Jean-Luc Migué et Richard Marceau publié aux Presses de l’Université du Québec en 1989 :
« Dans cette optique conventionnelle, c’est à cet aménagement de planification centrale qu’il faut imputer le progrès accompli. L’analyste sérieux ne manquera pas de juger la logique un peu courte.

Il sait que l’explosion scolaire de l’après-guerre était un phénomène occidental, issu de la convergence d’une évolution démographique particulière, d’une croissance accélérée du revenu général et de transformations technologiques, qui à eux tous ne pouvaient manquer de susciter l’explosion de la demande. Le fait est, pour ne citer qu’un exemple, que l’effectif scolaire du secondaire au Québec a augmenté près de deux fois plus vite de 1956 à 1961 [avant la Révolution tranquille donc] que de 1961 à 1971.

Comparer de façon brute l’état de la scolarisation en 1989 à celui de 1960 pour en imputer l’évolution à l’avènement du « grand soir social démocrate », autrement appelé la Révolution tranquille, c’est manquer manifestement de perspective.

La faveur intellectuelle dont jouit l’étatisme scolaire ne manque pas non plus d’étonner l’historien qui observe que le réseau public tronqué de l’après-guerre était aussi une création politique ; c’était un choix public et une option législative, au même titre que les réformes qui lui ont succédé. [...]

La foi naïve de certains réformateurs dans la solution publique repose donc sur un relativisme analytique inquiétant : le même processus politico-bureaucratique qui avait engendré la sous-scolarisation et en général le régime déploré d’avant « La Réforme », contiendrait dorénavant toutes les garanties de solution efficace et juste. Des politiciens, des partis et des bureaucrates vertueux auraient pris la place de leurs ancêtres malveillants ou mal éclairés. »
pp. 96-97
Vatican II et ses réformes inadaptées, la gauche et la victoire de la droite

Sur le plan religieux, le journaliste radio-canadien Marc Laurandeau affirme que Vatican II n'a apporté que des broutilles. L'éternel invité des plateaux de la société d'État de radiodiffusion, Louis Rousseau, parle de réponse « inadaptée » parce que « un appareil totalitaire ne sait pas faire la révolution ». Claude Castonguay lui fait écho. Pour la cinéaste Micheline Lanctôt, « ils ont débaptisé des saints [sic ?], alors qu'ils auraient dû ouvrir sur la contraception et le mariage des prêtres. Ce que l'Église protestante [laquelle?] fait depuis toujours [re-sic]. Il y a avait des modèles en place pour la modernisation de l'Église. »

L'ennui, Micheline, c'est que ces églises protestantes progressistes sont celles qui connaissent la plus grande désaffection... C'est ainsi qu'une étude récente du Pew Research Center, nous apprend que les évangéliques blancs (plutôt conservateurs) gagnent un point dans la population américaine entre 2011 et 2012 pour atteindre 19 % tandis que le protestantisme historique, plutôt progressiste, chute de deux points sur un an pour descendre à 15 % et de 3 points sur 5 ans. Au Québec, l'Église anglicane au Québec se meurt littéralement (c'est aussi une de ces églises progressistes qui soutient fortement le cours ECR).

Selon Louis Rousseau, le concile Vatican II « a fait naître un épiscopat majoritairement, je ne dis pas totalement, progressiste et ouvert. » Le présentateur lui souffle « Cela n'a pas duré. » Rousseau reprend la balle au bond « Cela n'a pas duré parce qu'ils n'ont pas osé. »   La faute en revient à Rome de confirmer Mgr Paul-Émile Charbonneau. Quelle belle unanimité ! Elle se veut preuve alors qu'elle n'est que le reflet de la sélection des invités.

Voilà, l'effondrement de l'Église catholique au Québec n'est pas dû aux évêques progressistes qui fondent leur église dans la société, pour en épouser les modes et la prive donc de tout intérêt : « Pourquoi encore payer la dîme, aller dans une froide église alors qu'il suffit rester au chaud et d'écouter Radio-Canada, on y entend les mêmes prêches ? » Non, non, la faute en revient à Rome. L'ennui, comme on l'a vu ci-dessus, c'est que les églises protestantes progressistes voient leurs ouailles s'évanouir tout aussi vite si pas plus vite que l'Église catholique romaine dans les pays occidentaux et que ceux qui résistent le mieux dans la transmission de leur foi ce sont les protestants et les catholiques conservateurs... Et d'ailleurs, l'animateur de Second Regard doit bien l'avouer : « aujourd'hui c'est une église conservatrice qui a le vent dans les voiles. » Le professeur au département des « sciences » des religions à l'UQAM, Louis Rousseau, appuie ce constat : « Le christianisme le plus dynamique aujourd'hui n'est pas le christianisme libéral tant chez les protestants que chez les catholiques. On avait gagé sur un avenir pour le christianisme libéral, de facto, aujourd'hui c'est une option qui n'a pas gagné. C'est le moins qu'on puisse dire. » Pour finir ce reportage à sens unique, la parole est donnée brièvement et solennellement à Mgr Charbonneau qui « regrette ce qui nous arrive.   »







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