dimanche 31 mai 2009

Pagaille dans les examens du ministère

On parle beaucoup des examens de fin d'année dans les médias ces temps-ci.

Écouter cette entrevue chez Paul Arcand :



Mal conçus, couvrant ou ne couvrant pas ce qui est vu en classe, comptant ou ne comptant pas vraiment selon les écoles... On nage dans le brouillard et le n'importe quoi, comme d'habitude.

C'est ainsi que les nouveaux examens du ministère de l'Éducation en français de 2e  secondaire et en science et technologie de 4e secondaire pourraient... ne pas compter dans la note finale des élèves. Chaque école décidera de la valeur à leur accorder dans le bulletin. Si bien qu'il sera tentant de la réduire à 10 %, 5 %, voire 0 % si les résultats sont désastreux, dénonce l'Alliance des professeurs de Montréal.

En science et technologie de 4e secondaire - un nouveau cours obligatoire pour l'obtention du diplôme -, 40 % des épreuves porte sur l'évaluation systématique de connaissances, selon l'Alliance. « C'est bien, mais on parachute ça alors que le programme, qui n'a pas été révisé, porte toujours sur les [fameuses] compétences [du renouveau pédagogique], a fait valoir Mme  Morel. C'est incohérent. »

mardi 26 mai 2009

Réal Gaudreault — Rétrospective et Dictature du progrès

Capsule 31 — Rétrospective



Résumé de Réal Gaudreault :
« Dans cette 31e capsule, je vous propose de revoir l’ensemble de la problématique que pose le cours ÉCR et son implantation forcée dans les écoles québécoises. D’un seul coup d’œil, cette capsule vous permet de suivre l’historique des modifications légales et de prendre connaissance des motivations idéologiques qui se cachent dans ce cours de religion imposé par l’État québécois. »
Capsule 32 — Dictature du progrès


« Les deux personnes chargées de l’implantation du cours ÉCR dans les écoles québécoises, M. Watters et M. Pettigrew, ont des intérêts financiers privés dans cette affaire. Rien d’illégal, sans doute. Mais est-ce que cette situation ne les place pas dans une situation délicate sur les plans moral et éthique ? De plus, le Québec subit l’assaut d’une dictature, celle du progrès à tout prix. Or, en regardant la condition de notre système scolaire actuel, pouvons-nous réellement affirmer qu’il progresse ? »
Article de Pierre-André Taguieff : Le Progressisme entre illusion et imposture

Citation de Taguieff :
« Le progressisme, c’est la foi dans le progrès sans l’esprit critique ni le sens de la tolérance, avec la conviction dogmatique de posséder la vérité et d’être installé dans le Bien. Les plus terribles simplificateurs sont ceux qui croient savoir comment l’humanité doit agir parce qu’ils imaginent savoir où elle va. Ils en déduisent qu’ils sont autorisés à rééduquer ou à mettre à l’écart ».

Sondage Léger-Marketing : 76 % des Québécois pour la liberté de choix en matière d'éducation morale et religieuse

Comme le rappelait la Gazette la semaine passée, la population québécoise est très polarisée sur le cours d'ECR. Près d'un an après son introduction, la moitié de la population québécoise y est toujours opposée.

Le seul consensus sur ce sujet, et de plus affirmé, c'est celui de la liberté de choix comme l'indique un nouveau sondage Léger-Marketing commandé par la Coalition pour la liberté en éducation. Dans l’ensemble, 1 008 Québécois ont été interrogés entre le 13 et le 17 mai 2009. Un échantillon probabiliste de cette taille comporterait une marge d’erreur maximale de 3,1 %, et ce, 19 fois sur 20.

Nous reprenons ici les grands enseignements de ce sondage.



La vaste majorité des Québécois (76 %) sont d’accord pour que les parents aient le choix entre l’enseignement religieux confessionnel et le cours d’éthique et de culture religieuse (une hausse de 7 points par rapport à octobre 2008), alors que 20 % sont en désaccord et que 4 % n’ont pas d’opinion sur cette question ou refuse d’y répondre.

C’est parmi les Québécois âgés entre 35 et 44 ans que nous retrouvons la plus forte proportion de personnes en accord avec le fait que les parents aient le choix entre les deux types d’enseignement (85 %), mais aussi parmi les femmes (81 %), les parents (80 %) et les personnes ayant complétées des études secondaires ou collégiales (81 %). Inversement, ce sont les hommes qui sont significativement plus opposés à ce que les parents aient le choix entre les deux types d’enseignements (25 %), ainsi que les personnes de plus de 65 ans et plus (27 %).



Près des trois quarts des personnes interrogées (73 %) estiment que le choix du type de formation morale, philosophique ou religieuse que les enfants reçoivent à l'école publique ou privée devrait revenir aux parents de ces enfants, alors que 22 % estiment que ce choix devrait plutôt revenir au ministère de l’Éducation.

Parmi les personnes qui sont significativement plus en faveur de laisser aux parents le choix du type d’enseignement que reçoive leurs enfants, il y a notamment les parents avec des enfants de moins de 18 ans (81 % par rapport à 69 % pour les personnes sans enfants de moins de 18 ans). Parmi les personnes les plus opposées à laisser les parents choisir, on retrouve les Québécois de plus de 65 ans (seulement 63 % pour que les parents déterminent le type d'éducation morale, religieuse ou philosophique).

Consensus social autour du libre choix

Dans un communiqué de presse, Mme Marie-Josée Croteau, présidente de la CLÉ, a déclaré au sujet de ce sondage : « Un tel résultat démontre une fois de plus que ce qui unit le Québec est l'ouverture d'esprit et le bon sens de la vaste majorité des Québécois. Le "consensus social" n'en est pas un d'appui à l'imposition du cours, comme le prétendait récemment le premier ministre Jean Charest, mais plutôt d'appui au droit fondamental de libre choix. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants depuis toujours. »

Sondage de Léger-Marketing au complet

Les écoles privées en Ontario : des communautés bienveillantes qui favorisent l'épanouissement des enfants

Les parents qui assument les coûts élevés d'une école privée sont généralement convaincus que leurs enfants seront mieux instruits que s'ils fréquentaient une école du réseau public.

Une nouvelle étude en Ontario vient identifier les éléments d'une éducation privée les mieux appréciés des parents.

Et selon les responsables de l'étude, les décideurs devraient s'inspirer de leurs recherches pour améliorer le système public.

L'étude a été réalisée à partir d'un sondage de parents dont les enfants fréquentent une école privée en Ontario.

Deani Neven van Pelt, professeur adjointe à la Faculté d'éducation de Redeemer University College (Ancaster, Ontario); Derek Allison, professeur adjoint à la Faculté d'éducation au University of Western Ontario; et Patricia Allison, chargée de cours à Western, ont ensuite analysé les résultats de ce sondage.

Selon Mme Neven Van Pelt, environ six pour cent des élèves aux niveaux primaire et secondaire en Ontario fréquentent une école privée. Ces écoles sont créées soit pour des raisons religieuses, soit pour des raisons académiques.

Parce qu'elles ne reçoivent aucun financement de la part du gouvernement provincial, ces écoles coûtent cher aux parents qui décident d'y envoyer leurs enfants. Ceci est particulièrement vrai, affirme-t-elle, pour les parents qui choisissent une école privée pour des raisons de religion.

Les chercheurs ont voulu savoir ce qui motivait une famille à assumer de tels coûts.

La Dre Neven van Pelt dit que le programme d'enseignement, la qualité de l'instruction et des professeurs dévoués ont tous leur importance. Mais selon elle, le plus surprenant a été l'importance accordée à la communauté scolaire
elle-même.

Les parents ont souvent raconté comment ils se sont sentis bien entourés par la communauté scolaire, qui leur a offert un soutien à toute épreuve - et ce dans plusieurs aspects de leurs vies. Ils rapportent avoir trouvé dans cette communauté en sentiment de compassion pour les enfants et pour la famille.

Selon les parents, cette communauté bienveillante a permis à leurs enfants de s'épanouir.

« Ça m'a fait tout un choc que de lire des histoires semblables les unes après les autres. » affirme la Dre Neven van Pelt. « Pourquoi ne trouve-t-on pas ça dans le système public ? »

« Voilà 30 ans que nous savons ce qu'il faut pour créer une école efficace, » poursuit-elle, en expliquant qu'une école efficace doit être une communauté où tout le monde travaille en fonction du bien-être de l'élève.

Mmevan Pelt dit que les écoles privées, parce qu'elles sont indépendantes, sont plus souples et donc plus en mesure de faire en sorte que l'administration et les enseignants travaillent ensemble vers un but commun.

Cette façon de faire ne s'impose pas de l'extérieur, continue-t-elle : pour être efficace, une école doit puiser dans ses propres ressources et créer sa propre communauté. Et voilà ce qui explique le succès des écoles privées.

Elle dit que les décideurs devraient s'inspirer de ces principes pour améliorer le réseau public.

lundi 25 mai 2009

L'animation de la vie spirituelle et d’engagement communautaire dans les écoles québécoises

Billet intéressant de Sophie Bouchard sur l'animation de vie spirituelle et d’engagement communautaire dans les écoles québécoises. Extraits :
« 
Récemment, mon fils m’apprenait que l’animatrice de vie spirituelle et d’engagement communautaire (AVSEC), surnommée madame Sourire, avait fait faire du yoga aux enfants de sa classe. Une fois mon sentiment d’impuissance et ma rage contre notre système scolaire passés (je n'en veux pas à madame Sourire personnellement), j’ai fait des recherches pour connaître davantage le rôle et le mandat de la personne qui occupe ce poste.

Je viens de terminer la lecture d’un document intitulé « Des formes d’agir liées au cheminement spirituel ou à l’engagement communautaire ». Produit en 2006 par le MELS à la Coordination des services complémentaires, DGFJ, le document est destiné aux AVSEC. On y lit en toutes lettres que « L’animatrice ou l’animateur de vie spirituelle et d’engagement communautaire n’est pas neutre. Il importe qu’il soit au clair avec sa conception de la vie spirituelle et de l’engagement communautaire, qu’il se situe et qu’il annonce clairement ses couleurs, sans prosélytisme, dans les moments opportuns. L’animatrice ou l’animateur peut certes présenter son expérience, mais il doit éviter de l’imposer aux élèves. »

[...]

Tout au long du document, on propose des idées d’activités que l’AVSEC peut organiser. Pour des activités « discussions et débats » avec les élèves on soumet différents thèmes, dont : la religion, l’athéisme, la pensée séculière, l’hétérosexualité, l’homosexualité. Dans les remarques en lien avec ces activités de nature douteuse, c’est avec stupeur que j’ai lu: « Ne pas minimiser la capacité de l’élève du PRIMAIRE à aborder les questions fondamentales. (…) Tout est une question d’adaptation pédagogique et de langage approprié. Pour les élèves du secondaire, ces occasions peuvent mener à une confrontation d’idées qui leur permet d’élargir leur conception de certaines réalités. » !

Consciente de l’impact de telles discussions, la coordination des services complémentaires ajoute à la fin de cette section que l’AVSEC « doit, en concertation avec les autres intervenants du milieu, prévoir les répercussions du débat sur les élèves et le suivi qui pourrait être nécessaire auprès de certains d’entre eux. » À quoi ça rime ? Provoquer le mal pour ensuite le guérir ? Susciter des réactions pour générer le doute ? Le doute par exemple sur l’orientation sexuelle ?

[...]

Le MELS est parfaitement conscient de cette influence puisqu’il va jusqu’à l’écrire : « Dans certains cas, l’animatrice ou l’animateur sera appelé à donner son opinion ou à parler de ses croyances ou de sa conception de la situation. Il importe qu’elle ou il s’exprime de façon cohérente et transparente en respectant les élèves et en ayant la conscience de son rôle d’influence. »

Ce n’est pas tout, on va encore plus loin en page 10 où il est question des symboles, analogies, rites et célébrations. À mon grand désespoir, j’ai découvert qu’on invite les AVSEC à proposer des activités d’exploration, d’expérimentation et même divers exercices : « mandala (dessins de spiritualité hindoue), méditation guidée, rêve éveillé, psychagogie (selon Wikipedia : cérémonie religieuse qui a pour but d'apaiser les âmes des morts, en les appelant trois fois par leur nom; cérémonie magique par laquelle on évoque les âmes des morts.). » Oui, oui, on leur suggère des activités presque occultes !
 »


Article au complet.

Parents should not be villified for defending their rights

Article de Daniel Cere professeur de religion, éthique et de droit à l'Université McGill de Montréal envoyé à la Gazette de Montréal.
Michael Schleifer contends that critics of Quebec's new Ethics and Religious Culture program are aiding and abetting religious fanaticism and extremism. It seems, for Schleifer, such critics are prime candidates for his compulsory program of re-education in "universal values."

This misleading attack by one of the architects of the program is a particularly troubling feature of the response to the concerns raised about the program.

Parents and faith-based institutions like Loyola High School are raising two important human-rights issues directly related to this controversial area of religious instruction. First, respect for "freedom of religion," a right widely acknowledged as the "first freedom" of the human rights tradition. Second, the need to address parental rights in moral and religious education.

These rights concerns are firmly entrenched in the Universal Declaration of Human Rights, the International Covenants of rights, and in the Quebec Charter of Rights.

Schleifer loudly proclaims the program's "universal values" in the face of what he perceives to be the particularistic religious concerns of parents and confessional institutions. But this line of attack stubbornly refuses to engage the "universal" human rights concerns that the dissenting voices are raising.

William Johnson has been a fervent advocate of basic human rights and freedoms. And Loyola High School, one of the key plaintiffs in the current court cases, is a historic Montreal educational institution with a distinguished record of commitment to dialogue, universal values and civic education as well as spearheading education on religious diversity.

Loyola also happens to be deeply committed to human rights and willing to fight for them.

In a liberal democratic society, programs of public instruction aimed at promoting religious literacy and respect for diversity are valuable educational objectives. However, they must meet these objectives in ways that meaningfully address the central issues involved with religious freedom and parental obligations.

Unfortunately, the architects of ERC have effectively ignored, sidelined and repressed these rights concerns in designing and implementing their program. And the Department of Education seems determined to continue to disregard and dismiss these basic rights commitments. Its heavy-handed insistence on enforcing its own educational program has swept aside any meaningful dialogue with concerned parents or confessional institutions.

Respect for religious diversity and parental rights in public education requires a respectful dance between parents, the state and faith communities. However, the Department of Education and its defenders have been showing little or no respect for these concerns. Accordingly, these citizens are following an honourable tradition of democratic dissent in their struggle for the recognition and defence of basic rights to have a voice in the moral and religious education of their children.

Georges Leroux – le pluraliste jacobin (1 sur 2)

Si M. Jacques Pettigrew avait visiblement comme mission d’aseptiser le cours ECR lors du procès de Drummondville, le rôle dévolu à Georges Leroux était de montrer que les motifs invoqués par les parents ne tenaient pas la route..

Nous ne sommes pas sûrs qu’il ait réussi, même si ce professeur retraité de philosophie dégage une très grande assurance et qu’il ait pu parler en dernier sur les griefs concernant le cours et ainsi donner l’impression d’avoir une réponse concluante sur les différents sujets.

Georges Leroux aime à discuter de choses philosophiques, lors des suspensions de séance on le voyait aborder des membres du public pour leur demander ce qu’ils pensaient du procès, du pluralisme, quel organisme ils représentaient. Ce professeur de philosophie possède un bagou certain : la greffière qui se trouvait assise devant lui était suspendue à ses paroles, captivées par l’éloquence d’un grand sexagénaire chenu et débonnaire. Il est vrai que cela change des disputes conjugales un peu mesquines auxquelles les tribunaux québécois passent désormais une bonne partie de leur temps.

Georges Leroux est un professeur retraité de l’UQAM, spécialiste en philosophie grecque. Il a fait partie d’un groupe de 15 experts qui conseillait les concepteurs du cours ECR. M. Leroux a publié un livre apologétique en faveur du cours d’éthique et de culture religieuse et donné plusieurs conférences défendant son imposition. Il a aussi fait partie du groupe de conseillers de la Commission Bouchard-Taylor.

Nous présentons d’abord ci-dessous le contre-interrogatoire du professeur Leroux par Me Jean-Yves Côté avocat des parents qui cherchent à faire exempter leur enfant du cours gouvernemental d’éthique et de culture religieuse.

C’est le seul contre-interrogatoire de Me Côté, d’abord hésitant, haletant légèrement. Il prendra petit à petit confiance et sa voix prendra plus d’autorité.

Les passages transcrits du témoignage de M. Georges Leroix sont légèrement en retrait et bordés à gauche d’un mince filet noir.

La prétendue priorité au christianisme

Mercredi 13 mai, 17 h 32
Me Côté – Vous avez évoqué la priorité [dans le programme ECR] donnée aux religions monothéistes, dont le christianisme…

M. Leroux – Je vous corrige tout de suite, parce que c’est ça l’enjeu que j’ai essayé d’expliquer à M. le juge. Si on avait dit « aux religions monothéistes», mon souhait aurait été satisfait parce que l’islam prétend accomplir le monothéiste, mais bon… On n’y est pas parvenu, alors la priorité c’est au christianisme et au judaïsme.

Me Côté – … et je comprends que dans l’ordre de la conception du programme, c’était une préoccupation qui vous animait.

M. Leroux – Ah, complètement.

Me Côté – Parfait.

[…]
Les noms du divin : où est Jésus, le Christ ?
17 h 33

Me Côté – Je vous réfère au programme du primaire (P-19), à la page 328. Je vais laisser le temps à M. le juge et à mes collègues de s’y rendre.

M. Leroux – Oui.

Me Côté – Dans la case, le carré vert, le premier en haut à gauche…

M. Leroux – Les noms du divin.

Me Côté – … des paroles et des écrits. Le carré gris commence par « Les noms du divin ». Pourriez-vous…

M. Leroux – Commenter ?

Me Côté – …non, pas vraiment. C’est un contre-interrogatoire. Est-ce que le nom de Jésus s’y trouve ?

M. Leroux – Il ne s’y trouve pas en tant que tel…

Me Côté – Est-ce que le nom de Christ s’y trouve ?

Me Boucher – Excusez-moi, M. le juge.

Me Côté – Ça se répond par oui ou par non.

M. Leroux – Non, non, il n’y est pas.

Me Côté – Parfait. Reconnaissez-vous que, pour les chrétiens, le Christ a la nature divine ?

M. Leroux – Oui. Nous avons… Seigneur qui est la traduction française on pourrait dire, mais on ne va pas entrer là-dedans.

[Heureusement, car 1) Seigneur est passe-partout et s’applique aussi, par exemple, au Dieu de l’Ancien Testament 2) Christ ne veut pas dire Seigneur, mais Oint ou Messie, quant à Jésus c’est un prénom juif qui signifie « Dieu sauve »].
Me Côté – Je comprends aussi que vous aviez évoqué cette priorité donnée au christianisme, mais bon votre rapport ayant été au niveau conceptuel, vous n’avez pas pu examiner si cette noble intention avait été concrétisée.

M. Leroux – Ce sont des exemples.
[Les choses pourraient donc être pires dans les manuels et en classe ?]
Me Côté – Oui.

M. Leroux – Et donc, il s’agit de donner en gros, un exemple par tradition.
[Donc égalité ou prédominance du christianisme ?]
Il n’y a pas dans le passage que vous me soumettez, un souci d’exhaustivité théologique. Cela va de soi.
[Exact, on ne mentionne pas plus l’Esprit-Saint…]

Très forte présence des spiritualités autochtones
Me Côté – D’accord. Dans le manuel Près de moi qui a été produit sous la cote P-22, cette priorité au christianisme – c’est peut-être une question injuste car vous nous avez dit d’une façon fort honnête que vous ne vous étiez pas penché sur les manuels –

M. Leroux – Je ne le connais pas.

Me Côté – néanmoins ce manuel a une importance particulière pour le litige là …

M. Leroux – Oui.

Me Côté – Si je vous disais que, pour les diverses religions, il y a 13 pages consacrées au christianisme, 4 ou 5 pages au judaïsme, 3 pages à l’islam et 10 pages aux spiritualités autochtones. Donc le rapport 10 pages spiritualités autochtones et 13 pages au christianisme, est-ce que cela traduit l’intention des concepteurs du programme, est-ce que c’est conforme à l’intention des concepteurs…

Me Jacob – Je vais m’objecter à la question, M. le juge, parce que le témoin a commencé par dire qu’il ne connaît pas ce document…

[Objection rejetée, M. Leroux comme philosophe et comme personne ayant participé à la conception du programme peut facilement répondre.]

M. Leroux – Votre question est très claire. Si je devais apprécier le rapport du volume des pages, il faudrait pour cela évidemment que je regarde ce qu’il y a dans ces pages. Et voici la raison pourquoi je vous dis cela, j’ai une hypothèse sur ce que vous venez de dire : il se trouve qu’à notre époque il y a un croisement très important entre les spiritualités amérindiennes et l’éthique environnementale et, en général, le respect de la nature. Et je fais l’hypothèse, sans avoir examiné ce manuel, mais si vous le souhaitez je pourrais le faire, je fais l’hypothèse que le volume en apparence inflationniste de pages consacrées – parce que la page qui m’est donnée ici c’est « la nature à notre service » et ainsi de suite – que vous me donnez, si j’ai bien compris, comme un exemple de spiritualité amérindienne ?
[En partie vrai, mais il y a aussi deux récits de naissance autochtones sur 5 récits de naissance, par croisement avec l'éthique écologiste ?]
Me Côté – Oui.

Le juge Dubois – À quelle page ?

M. Leroux – Je suis à la page 62, 63. Alors « les autochtones remercient l’esprit des plantes » et ainsi de suite. Alors, on a là le symptôme, ou enfin le signe plus exactement, on a là le symptôme de ce qui se passe actuellement, de ce croisement. Je fais l’hypothèse que c’est ce qui se passe à d’autres pages de ce manuel. Mais sur ces pages-là, c’est évident.

Me Côté – Diriez-vous…

M. Leroux – Est-ce que vous me comprenez ?

Me Côté – Oui, tout à fait. Diriez-vous que c’est une deuxième vie pour le bon sauvage de Rousseau ?

M. Leroux – Une deuxième vie ?

Me Côté – Oui, il y avait cette notion des Européens du XVIIIe siècle qui idéalisaient l’Amérindien? Est-ce qu’on revient vers cela sur un plan philosophique ?

M. Leroux – Hmm. Ça exigerait un long développement, mais je refuserais de dire que c’est une deuxième vie. Lorsque vous avez cité Rousseau et l’idéal du bon sauvage. L’idéal du bon sauvage est ce dont nous voulons nous défaire. Nous voulons nous défaire du stéréotype de l’Amérindien idéalisé que nous avons par ailleurs exclu de nos sociétés. Donc, nous voulons le rencontrer dans sa vérité. Dans ce qu’il a cru véritablement et non pas dans ce que Rousseau a prétendu qu’il croyait. C’est-à-dire, vous savez la dispute de Rousseau où l’on voit ces enfants…Vous connaissez tous ces textes-là. Alors, c’est sûr que, par ailleurs, la spiritualité amérindienne revient, fait retour de façon très importante dans l’éthique écologique.
[« Ce qu’il a cru vraiment »… Il n'est justement pas évident que cette « utopie dans le tipi » omniprésente dans les manuels représente la réalité, pas plus que l'autochtone du XVIIIe siècle ait été un « écologiste » comme nous l'imaginons au XXIe siècle ; en tout cas nous avons des témoignages qui tendraient à démontrer le contraire. Mais ils sont occultés dans les livres d'enseignement où l'image de l'autochtone est irréprochable selon notre morale politiquement correcte d'aujourd'hui.]
Me Côté – Diriez-vous que les spiritualités autochtones qui occupent une place beaucoup plus grande dans les manuels d’ECR que la proportion des gens qui professe ces spiritualités – selon les rapports de Statistiques Canada c’est 0,01 % au Québec des gens qui se réclament des traditions autochtones – est-ce qu’il y a une instrumentalisation des spiritualités autochtones mises au service d’une nouvelle idéologie écologiste ?
Nostra culpa, nostra maxima culpa : juifs et indiens que nous avons tous tués
M. Leroux – Je refuserais absolument le recours à un argument comme celui que vous venez de proposer, à savoir le rapport entre le nombre d’adhérents et l’importance de la confession.
[Euh, mais refuseriez-vous le recours à l’instrumentalisation ?]
Le judaïsme n’est représenté dans le monde que par douze (12) millions de personnes, nous les avons tous tués comme les autochtones et donc nous avons un devoir, non seulement de fidélité et de mémoire envers les autochtones, comme envers les juifs, mais nous avons aussi un devoir de respect infini de leurs croyances même s’il n’en restait qu’un seul.

Me Côté – Oui, enfin, ma question portait davantage sur la récupération…

M. Leroux – Non, j’ai compris, mais

Me Coté – ... mais comme j’ai peu de temps…

[... débat sur le kirpan...]
Refus catégorique d'exemption afin d'enfin assurer le vivre ensemble

17 h 47

Me Côté, lisant un extrait texte de M. Leroux – « Certains groupes voudront peut-être en [du cours ECR] retirer leurs enfants ce qui toucherait à son universalité, mais ce serait une erreur et le législateur, soucieux de la culture publique commune, ne devrait pas sur ce chapitre s’engager sur le chemin de l’accommodement. Personne ne devrait pouvoir s’y soustraire, car l’introduction du pluralisme et en général la sensibilisation aux vertus de la démocratie qui est un des objectifs principaux de ce programme n’auraient plus de sens si on introduit un régime d’exception. » (dans Tricoté serré au métissé serré ?, Presses de l’université Laval, 2008, pp. 282-283)

Ma question : Est-ce que vous maintenez toujours que personne ne devrait pouvoir se soustraire au programme ECR ?

M. Leroux – Oui, c’est ma position. C’est la dernière ligne qui est importante, c’est-à-dire…

Me Côté – Je voulais simplement savoir ça

M. Leroux – Okay.

M. Boucher – M. le juge, le témoin…

Le juge Dubois – On va le laisser compléter sa phrase.
Oui, ma position est jacobine
M. Leroux – Mais j’apprécie la remarque que vous avez mise. Est-ce vous qui avez mis « jacobin » [en regard du passage cité par Me Côté] ?

Me Côté – Non, mais normalement, dans un contre-interrogatoire le témoin ne pose pas de questions.

M. Leroux – Mais c’est parce que c’est une position jacobine.

Me Côté – Vous le reconnaissez ?

M. Leroux – Oui, je le reconnais, mais on en discutera un autre jour…

Me Côté – Non, non, non.

Le juge Dubois – Je suis intéressé à connaître votre réponse, vous avez commencé à pouvoir répondre, mais maître vous introduit sur ce plancher.

M. Leroux – Ma raison principale est une raison sociale et politique. Le programme étant déconfessionnalisé, nous sommes dans une structure d’enseignement public et même nos écoles privées y sont soumises, or nous sortons d’un régime d’exception, c’est-à-dire où il y a eu toute sorte d’options et d’exceptions et nous visons le vivre ensemble.
[C'est assez peu convaincant : une heure d'option morale ou religieuse par semaine empêcherait le vivre ensemble des élèves ? Mais la fuite des élèves vers des écoles privées confessionnelles pour bénéficier de cette formation confessionnelle qu'ils ne trouvent plus à l'école publique serait d'aucun effet sur « le vivre ensemble » conçu comme une même taille pour tous tout le temps ? Ce n'est pas très crédible.]
Donc, je pense que le législateur ne devrait pas s’engager sur le chemin de l’accommodement parce que, si nous créons ce régime d’exception nous allons re-reproduire les conditions qui pendant trente années ont empêchés nos enseignements normatifs d’être efficaces.
[Les enseignements normatifs (les cours de morale ou de religion) n'auraient pas été efficaces par le passé parce que tous les élèves n’étaient pas soumis au même cours. Et quand il n'y avait que le cours de religion chrétienne ? Ce n'était pas le même cours, avec nettement plus de transmission normative que dans le cours ECR !? Il est difficile de suivre M. Leroux ici.]

Monsieur Leroux maintiendra le caractère jacobin de sa position, il ajoutera d'ailleurs un peu plus tard « Donc c’est plus jacobin que vous ne pensez ! »

L'érosion de l'autorité parentale
17 h 58

Me Côté, citant un extrait d’une conférence de M. Leroux – « La notion même de parent ou de fonction parentale n'est plus soutenue par nos lois, qui l'ont réduite à la qualité du pourvoi ou de la subsistance. […]Nous tournons donc en rond, à la recherche d'une autre autorité ».

Extraits de la conférence « Autorité et la confiance – Enjeux pour l'école privée aujourd'hui du 6 mai 2005 »

Vous faites donc le constat d’une érosion de l’autorité parentale, est-ce exact ?

M. Leroux – Oui, je ne suis pas le seul à le faire. Est-ce que je peux répondre ?

Le juge Dubois – Oui, certainement.

M. Leroux – Je suis très heureux que vous citiez ce texte dont je suis très fier et qui fait partie d’un livre que je vais faire paraître bientôt. Ce texte émarge à une réflexion sur notre capacité de renouveler le modèle de l’autorité aujourd’hui. Par exemple, dans nos écoles, les « maîtres », les enseignants n’ont pas toujours la capacité « d’imposer » des modèles. On peut parler de culture, on peut parler de toutes sortes de choses. Quand j’ai écrit ce texte, je me suis posé la question de savoir où étaient exactement les raisons historiques de l’érosion dans la transmission des normes. Et comme je vois que vous avez beaucoup étudié mes écrits, je veux que vous sachiez que ce texte est absolument indissociable d’un autre que j’ai écrit sur les transmissions canoniques. C’est-à-dire sur le fait, et cela aussi je l’ai vu avec mes enfants, même un collège comme les jésuites où j’ai étudié n’a plus aucun souci de la transmission canonique. Je ne sais pas si je suis clair quand j’utilise le mot « canon », canon de la culture occidentale veut dire répertoire des sources fondamentales de nos cultures.
[« Maîtres», monsieur Leroux n'a pas vraiment pas suivi les dernières réformes du système éducatif québécois où le maître est devenu un animateur d'auto-apprenants. On se demande aussi comment M. Leroux peut être en faveur du régime pédagogique québécois et son imposition, alors que celui-ci assure précisément très mal la transmission des canons de la culture occidentale !]

La transmission du canon occidental
[Approbation de Me Côté quant à la transmission déficiente]

M. Leroux – …alors j’ai discuté avec mes amis jésuites autant que j’ai pu, mais moi j’en avais assez d’avoir des textes de Rolling Stones, traduits du magazine américain Rolling Stones, dans les classes de français. Je voulais Pascal, je voulais.., bon d’accord je ne suis pas un homme de mon temps, on a compris. Mais, il reste que ça m’a amené sur un chemin qui est très difficile parce que le chemin c’est… où est l’autorité et quel est le pouvoir – et c’est votre question – de l’autorité parentale. D’abord, on doit le constater, c’est une analyse qui demanderait beaucoup de détails, que l’autorité parentale sur les matières canoniques s’est beaucoup érodée et donc beaucoup de parents ne manifestent pas un grand intérêt pour ces questions-là. La deuxième chose c’est que nous sommes dans une situation – et là je pense que comme philosophe et comme intellectuel, M. le juge, on a un devoir, c’est-à-dire que nous devons nous tenter de penser la régénération de l’autorité dans notre société.

Quelle est-elle ? Quelle va-t-elle être ? Alors ce texte porte là-dessus.

Me Côté – Si vous aviez une nouvelle section, dans votre expertise, qui traiterait de l’autorité parentale est-ce que les idées qui sont exprimées dans ce texte pourraient s’y insérer avec bonheur ?

M. Leroux – Bin. Oui et non.

Me Côté – On peut peut-être aller à la deuxième page avant de vous prononcer là-dessus.

Le juge Dubois – Vous avez dit « oui et non », pourquoi ?

M. Leroux – Oui, parce que j’ai un intérêt fondamental pour la transmission canonique, bon. Non, parce que dans le programme éthique et culture religieuse, bien entendu la transmission canonique est en cause, mais beaucoup plus. Alors, je ne sais pas si l’autorité parentale dans le cas qui nous intéresse ici, éthique et culture religieuse, concerne beaucoup que la transmission canonique. On se comprend.

Me Côté – Si on va à la deuxième page, vous y évoquez le rôle des parents et vous dites ceci : « Le rôle des parents doit être entièrement repensé […] l'école peut redonner aux parents une part de leur autorité perdue. » Et donc toujours le constat de l’érosion de l’autorité parentale et ce constat vous amène aux observations suivantes à la fin de la page : « 'est la déstructuration de l'autorité parentale qui a contribué le plus à déstructurer l'autorité éducative : il y a une part de vérité dans cela ». Et vous ajoutez : « Je cite souvent cette phrase de Platon, au moment où il définit la démocratie : c'est le régime où les fils peuvent insulter les pères. Et bien sûr aussi les élèves leurs maîtres ». Il reste que est-ce que vous feriez le même constat ?

M. Leroux – Ah, certainement. Mais le rapport entre cette analyse – on se comprend – de l’autorité parentale – comment dire ? – au programme [ECR] est substantiellement différent du rapport de cette analyse à la question de la transmission canonique, comme j’ai essayé de l’expliquer. Par exemple, ici, je ne me prononce aucunement sur la question des valeurs morales, je me prononce principalement sur des questions de transmission, parce que je m’intéresse à la constitution des corpus, aux exemples littéraires et ainsi de suite. Si vous demandiez, diriez-vous la même chose pour la question des valeurs morales, peut-être que je nuancerais, sans doute je dirais sensiblement la même chose. Mais je ne pourrais pas dire, par exemple, la même analyse parce que, voyez-vous, ce qu’on peut attendre d’une école sur le plan canonique est beaucoup plus détaillé et précis que ce qu’on peut en attendre sur le plan normatif.

Là je suis tenté de dire quelque chose de plus, M. le juge, vous m’arrêterez si vous trouvez que je suis trop long. Certaine société ont fait ce choix : c’est-à-dire que la France en particulier a fait ce choix qui est le suivant – et c’est un choix très ancien qui remonte au moins au premier collège des jésuites au XVIIe à La Flèche [en 1604], par exemple, où a étudié Descartes – c’est l’idée suivante. C’est que si nous voulons transmettre des valeurs aux jeunes nous allons les transmettre dans un rapport mimétique au répertoire canonique. Dit autrement, si vous voulez que vos jeunes deviennent vertueux en français vous allez leur faire lire pascal, vous allez leur faire lire Montaigne et ainsi de suite. Ça, c’est l’éducation que j’ai connue et moi j’ai l’habitude de dire à mes enfants qu’il y a plus distance entre l’éducation qu’ils ont eue qu’entre moi et un prince de la Renaissance, parce que j’ai eu cette éducation exactement comme Descartes, quand je lis Descartes c’est exactement la même que j’ai eue.

Alors quel est le point ici que je veux faire ? C’est que certaines sociétés comme la France ont de longues dates de ne pas investir directement [dans les écoles publiques] l’éducation « morale » de leurs jeunes, parce qu’ils font suffisamment confiance à la culture canonique sur le plan mimétique. Leurs valeurs, en d’autres mots, sont toutes dans leur littérature et dans leur histoire. Donc c’est quoi de faire un cours d’éthique et de culture religieuse pour eux autres, ils enseignent ça les guerres de religion, ils enseignent tout. Ils lisent Montaigne, ils lisent Pascal. Je m’excuse de toujours revenir à ces deux-là, mais il y en a bien d’autres. On se comprend.

Nous nous n’avons pas fait ce choix-là. Alors…

Me Côté – Nous, c’est qui ?

M. Leroux – Le Québec.

Me Côté – Le Québec, c’est qui ?

M. Leroux – La société civile.

Me Côté – Est-ce que mes clients en font partie ?

M. Leroux – Mais bien sûr

[18 h 07—18 h 08, Discussion sur la manière dont la loi imposant ce « choix du Québec » a été votée, le juge exclut la question]
Qui recueille l'autorité parentale perdue, risque de fascisme
18 h 09

Me Côté – Pour clore sur le texte sur la notion d’autorité parentale, cette érosion que vous constatez de l’autorité parentale, cette autorité qui est perdue des parents, elle va où sur le plan social ? Vous reconnaissez que les enfants, ça prend une autorité, qui se trouve à recueillir ou à être investi de cette autorité qui est perdue par les parents ?

M. Leroux – C’est sérieux votre question là. Euh. Les meilleurs philosophes qui se sont intéressés à ces questions, je pense à mon collègue Alain Renaud de Sorbonne et quelques autres, parmi eux, il y en plusieurs qui font un constat que l’on peut appeler civilisationnel. C’est-à-dire qu’ils jugent que notre société, c’est-à-dire la société occidentale, est entrée dans un processus d’érosion qui est irréversible. Alain Renaud a appelé son livre symptomatiquement « La Fin de l’autorité ». Moi, je ne partage pas ce constat là. J’essaie de proposer un processus de relève par lequel les personnes, principalement les parents, qui ont souci de l’éducation de leurs enfants doivent trouver – et au Québec on est très avancé là-dessus – dans l’école et en particulier dans les conseils d’établissement des lieux où ils peuvent faire valoir leurs préoccupations éducatives puisque nous avons une démocratie scolaire qui nous le permet. Et donc, créer une nouvelle autorité.
[Sans rire ! Le cours ECR est imposé à tous… Les commissions scolaires, un palier de décision indépendant en théorie, sont désormais inféodées au Ministère de l’Éducation comme on l’a vu dans l’envoi par une demi-douzaine de CS des mêmes lettres de refus à quelques mots près après que la ministre ait déclaré quel était son bon vouloir en la question : « pas d'exemptions ». Notons aussi qu’au Québec, où règnerait une démocratie scolaire, même les écoles privées sont soumises aux décisions du Monopole de l’Éducation… On peut faire les mêmes critiques au sujet du programme d’histoire tout autant critiqué que le cours ECR et qui est imposé dans toutes les écoles, même privées, malgré « la démocratie scolaire » très avancée du Québec selon M. Leroux.]
J’ai beaucoup d’idées sur cela qui n’intéressent pas nécessairement les gens qui sont ici. Mais je pense, en d’autres mots, qu’il est possible que nous assistions dans une société qui est démocratique et forte à une régénérescence, mais ce n’est pas un constat qui est partagé par tous. En particulier chez les philosophes.

Me Coté – Est-ce que … euh…

M. Leroux – L’autre groupe de philosophes, comme vous le savez, prévoit le fascisme.

Me Côté – Bon. Écoutez…

M. Leroux – C’est que c’est assez dur, là.

Me Côté – C’est que la question que je vous pose c’est : est-ce que cette autorité, cette érosion d’autorité parentale que vous constatez, que vous décrivez dans cet article, est-ce que celui qui va se trouver à recueillir l’autorité perdue par les parents, est-ce que celui qui est appelé à voir son autorité croître ce n’est pas l’État dans un raisonnement comme celui-là ?

M. Leroux – Ce qui est délesté par les familles ne peut pas ne pas être recueilli par l’État, car l’État a mandat et mission d’instruire et de socialiser tous les jeunes et donc nous allons vers des défis éducatifs qui sont chaque jour plus grands.
[Hmm. Mais est-ce que, dans le cas présent, les parents Lavallée se délestent de leur autorité parentale ou n’est-ce pas plutôt l’État qui s’interpose ?]
Ça j’ai fait cela dans un texte que je vous soumettrai si vous le souhaitez quand j’ai fait le bilan des quarante ans du rapport Parent. Un très très long texte, interminable, parce que c’est difficile de comprendre quarante ans après le rapport Parent nous avons répondu à la mission de la démocratisation. Avons-nous répondu à la mission de la démocratisation ? Et serons-nous capables d’opérer cette relève. Si c’est ça votre question, actuellement c’est sûr que c’est un défi au Québec qui est très très considérable.

[L’État confronté à l’anomie des jeunes, il doit faire quelque chose, mais selon M. Leroux l’État ne dirait pas aux parents ne vous occupez plus de vos enfants.]
Le pluralisme normatif imposé aux écoles, une conviction philosophique
18 h 13

Me Côté – Je veux vous faire revenir à l’expression « pluralisme normatif ».

M. Leroux – Oui.

Me Côté – Il y a deux composantes à l’expression : pluralisme, je ne veux pas vous faire revenir sur votre interrogatoire, c’est donc cette conception qui est mise de l’avant dans le programme ECR ? La notion de pluralisme normatif.

M. Leroux – Oui.

Me Côté – Parfait. C’est une conviction philosophique ?

M. Leroux – Oui.

Me Côté – Et je présume que c’est votre conviction philosophique ?

M. Leroux – Oui. C’est la conviction philosophique majoritaire de la philosophie contemporaine.

Me Côté – D’accord. Y aurait-il lieu… Enfin, je comprends le pluralisme c’est le constat qu’il y a une diversité.

M. Leroux – Oui, exact.

Me Côté – Je le qualifierais si vous me permettez l’expression de « pluralisme de facto ».

M. Leroux – Oui, ça me va.

Me Côté – Là, j’aimerais, toujours dans le latin, proposer une autre expression : « pluralisme de iure ».

M. Leroux – Oui.

Me Côté – Donc pluralisme qui découle de la loi. Est-ce qu’avec le programme ECR, obligatoire pour tous, auquel aucun ne peut se soustraire, est-ce qu’on ne passe pas du pluralisme de facto, qui est un fait, à un pluralisme imposé par la loi, un pluralisme de iure ?

M. Leroux – Non. Je vous laisse cette doctrine-là, si vous voulez l’élaborer. Elle pourrait avoir de l’avenir c’est-à-dire à l’intérieur, par exemple, de la théorie juridique elle-même ou de la philosophie du droit, elle a même actuellement – je vous le signale – un statut à l’intérieur de la philosophie du droit puisque nous avons dans le droit lui-même le conflit des droits positifs qui est arbitré par le droit universel, c’est les travaux de la grande juriste française Mireille Delmas-Marty. Bon, elle a donc elle-même dit que le pluralisme juridique était un problème, que les avocats, les juristes devaient résoudre.
[Il n’est pas clair ici si M. Leroux comprend par « pluralisme de iure » le concept invoqué par Me Côté et des documents comme Dominus Jesus.]
Mais le concept que je mets de l’avant n’est pas un pluralisme de iure. Je dis que le pluralisme est normatif c’est-à-dire il devient pour nous une norme au sens moral du terme, nous ne devons pas considérer le pluralisme, comme un obstacle, j’ai dit une tare sociale – vous comprenez ? – une difficulté, quelque chose en d’autres mots que nous devrions dépasser et vaincre. Nous devrons, au contraire, considérer, et c’est dans le « nous devons » que nous considérons le mot normatif, nous devons considérer le pluralisme comme une richesse des sociétés démocratiques. Car les conceptions de la vie bonne et juste, quand elles ne sont pas résolues et arbitrées rationnellement, contribuent au débat de nos sociétés. J’irais même jusqu’à dire que, sur certains débats très cruciaux, comme par exemple les débats sur, disons, des enjeux moraux très substantiels, et bien il est préférable dans l’état actuel de notre société que la diversité des opinions soit non seulement représentée, mais stimulée et nourrie. Il faut faire en sorte, en d’autres mots, que les arguments les plus contradictoires puissent être mis en présence de sorte que les consensus que nous obtiendrons soient universalisés.
[Tout cela est bien joli, mais en quoi venir témoigner, comme M. Leroux, pour l'imposition d'un cours gouvernemental particulier, pour l'imposition de sa conviction philosophique particulière à tous les enfants du Québec stimule et nourrit la diversité d'opinions en matière d'enseignement moral et religieux ?]
Et là aussi, je me sépare de ce que dit mon ami Guy Durand

[Brouhaha chez les procureurs, le juge demande à ce que le témoin complète sa pensée.]
La vérité définie par le consensus social ou des « universaux » atteints par le dialogue et la raison ? Absence de place pour la révélation.
…c’est que Guy Durand me reproche, et je comprends très bien ce qu’il veut me dire, il me dit « la vérité selon Leroux va résulter du consensus obtenu socialement », pas la vérité, jamais, jamais, jamais. Les consensus obtenus socialement sont ce que le philosophe John Rawls appelle les consensus par recoupement, on veut à un moment proposer une législation à un moment donné, on ne peut pas obtenir une valeur reconnue universellement tout le temps.
[Il n'est pas du tout évident que l'élève l'auto-apprenant du secondaire engagé dans une délibération afin de trouver une « solution commune » correcte à des problèmes éthiques/moraux qui lui seront soumis en classe fera la différence entre « réponse correcte » par consensus et « réponse correcte » vraie parce qu'elle correspond à un universel éthique atteint par la raison et le dialogue en dehors de toute révélation auquel croit M. Leroux, mais pas nécessairement l'adolescent, ni d'ailleurs l'auteur de ces lignes.]
Dans le cas de l’avortement, c’est assez clair, et il y en a beaucoup. Il y a des pays où la peine de mort est même en discussion. Mais, une des choses qui m’occupent dans le moment c’est le suicide assisté, c’est très très intéressant, les opinions là-dessus sont d’une telle diversité. Voyez-vous ce que je veux dire par là ? La normativité de la différence devient pour nous une utopie à poursuivre. La vérité va peut-être nous apparaître un moment donné et pour certains elle existe déjà dans la mesure où ils ont des convictions de foi qui imposent par exemple une certaine conception des choses.
Fin du contre-interrogatoire

Suite : Georges Leroux – le pluraliste messianique (2 sur 2).

samedi 23 mai 2009

Concert pour la liberté d'expression, la liberté de conscience, la liberté en éducation

La liberté d'expression, la liberté de conscience, la démocratie. Quand on sent que les libertés fondamentales ne sont pas respectées comme elles devraient l'être, il faut manifester notre malaise, notre désaccord. Il faut surtout affirmer notre engagement.

Achat des billets en ligne.

Une société demeure démocratique tant que les citoyens s'assurent qu'elle le reste.

Un débat est en cours au Québec, et il dure depuis un bon moment, des années en fait. C’est un débat dont on parle parfois dans les média, mais sans lui rendre justice, selon nous. La démocratie est malmenée. La voix du peuple est assourdie. La liberté d'expression et de conscience est encadrée, atténuée, entravée de toute sorte de façons, et on donne des allures de tolérance à de l'intolérance.

Dans ce débat, le rôle des parents et leur capacité réelle de TRANSMETTRE LEURS VALEURS, quelle qu’elles soient, à LEURS ENFANTS. Pourquoi les gens ont-ils des enfants, sinon pour TRANSMETTRE quelque chose… ?


Tout à coup, quand on y pense, la démocratie, la vraie liberté, n’impliquent-elles pas au minimum une place réelle pour la famille, les parents, les enfants et un respect véritable pour le rôle et la place de chacun.

Durant les dernières années, la législation concernant la parentalité a changé de façon notable et questionnable (cf. www.coalition-ve.org). Et nous avons demandé à des artistes, de toutes provenances ou convictions, de venir nous parler de liberté et de famille puisque l’un ne va pas sans l’autre.

Vous pouvez ajouter votre voix, manifester votre appui, de façon bien agréable en fait. Concert annonçant notre attachement à la liberté vraie et à la démocratie.

Soyez des nôtres. Faites la promotion de ce concert dans les regroupements et organisations dont vous faites partie.

Billets en vente dès le 15 mai.

Au profit de la CLÉ.

Achat des billets en ligne.

vendredi 22 mai 2009

Bouchard à Drummondville : Pas de réelle crise, mais il faut imposer énergiquement le cours ECR mal connu

Le philosophe Gérard Bouchard est intervenu, le 12 mai, au cours du procès de Drummondville par vidéoconférence à partir de l'Université Harvard aux États-Unis où il est actuellement enseignant.

Pourquoi la commission Bouchard-Taylor ?

Les passages transcrits du témoignage de M. Gérard Bouchard sont légèrement en retrait et bordés à gauche d’un mince filet noir.
15 h 06, mardi 12 mai

M. Bouchard – Les tensions en étaient venues tellement fortes au Québec en matière de rapports interethniques à cause de cette crise des accommodements raisonnables et aussi le débat prenait une tournure un peu agressive qu’il y avait des inquiétudes qui naissaient un peu partout et en particulier, moi, j’ai commencé à être assez inquiet comme citoyen et pas uniquement en tant que spécialiste de ces choses-là. Comme citoyen, j’ai trouvé que le débat prenait une tournure très inquiétante et il était temps que le gouvernement prenne des mesures appropriées.

Me Boucher, avocat du gouvernement – Quel mandat on vous a confié exactement à ce moment-là ?

M. Bouchard – Disons, au-delà de l’énoncé technique, mot-à-mot, du mandat, je dirais qu’on nous demandait de travailler sur deux plans. D’abord, un plan le plus facile, le plus concret, c’était celui des accommodements raisonnables pour vérifier si les pratiques des accommodements raisonnables étaient devenues déraisonnables, si je puis dire. Si ces pratiques-là étaient utilisées à des fins qui n’étaient pas les leurs et qu’il y avait une espèce de déséquilibre qui était apparue dans les institutions publiques. Ça c’était la première partie de notre mandat. De vérifier la façon dont les accommodements raisonnables étaient pratiqués dans les institutions publiques pour voir s’il n’y avait pas un déséquilibre, un désordre ou même un certain chaos dans ce domaine là.

Et deuxièmement et de façon plus importante, plus fondamentale, c’était d’expliquer… c’était d’essayer de comprendre pourquoi le Québec en était arrivé à un tel degré d’émotion sur ce sujet-là. Encore une fois, non seulement un niveau très élevé d’inquiétude, mais une sorte d’agressivité qui commençait à poindre dans le débat publique.
Constats de la commission Bouchard-Taylor
15 h 13

M. Bouchard – Je dirais que ça tient en trois points finalement ce que nous avons trouvé après analyse :

Premièrement, qu’il n’y avait rien de chaotique dans la pratique des accommodements raisonnables, que tout nous semblait plutôt se dérouler d’une façon ordonnée dans les institutions publiques; les gestionnaires avaient la situation en mains, il n’y avait rien d’inquiétant de ce côté-là. C’était le premier résultat qui est assez significatif compte tenu de l’ampleur de l’émotion populaire dont je parlais tout à l’heure.

Le deuxième résultat c’est qu’il y avait très évidemment le rôle des médias qui avaient contribué à cette crise en créant des distorsions dans les reportages des événements, des amplifications et même des inventions. Ça je pense qu’on a pu démontrer cela assez clairement. Et cela a été une cause importante de ce qu’on a appelé la crise des accommodements.

Et le troisième facteur, c’est la réaction du public lui-même. Moi je me suis convaincu assez tôt que les médias malgré leurs déformations et le sensationnalisme dans lequel plusieurs d’entre eux ont versé n’auraient jamais déclenché une telle réaction s’ils n’avaient pas trouvé un terrain favorable dans la population. Et ce terrain favorable, c’était assez net qu’il y avait une insécurité parmi la population à ce moment-là. Il y avait une insécurité que l’on peut analyser qui provient de la globalisation, de la mondialisation qui ajoute à l’inquiétude sur la langue, qui ajoute à l’inquiétude de la culture francophone, à l’inquiétude de l’identité québécoise, etc. Ça, c’est un facteur qui est très clair.
Pour ce qui concerne le cours d’éthique et de culture religieuse que le rapport Bouchard-Taylor dit qu’il faut promouvoir énergiquement, il n’est pas clair comment son imposition va « rassurer » les Québécois francophones et éliminer cette insécurité identitaire puisque le cours ECR fait justement la part belle à toutes les minorités et tend à ne pas promouvoir de fusion autour d’une culture dominante et majoritaire, mais tend à valoriser la pluralité des identités ethnicoreligieuses (si on en croit ses partisans). Si ce n'est pas le cas et que le cours modifie l'allégeance religieuse des enfants, celui-ci pourrait donc bien avoir un effet sur les enfants de la majorité (comme le craignent certains parents catholiques).

Enfin, notons qu’il n’y avait pas réelle crise des accommodements et que la « crise identitaire et médiatique » semble s'être résorbée à la fin 2007 et cela, bien évidemment, sans l’imposition du cours ECR.

Le rôle de l’école d’État pour façonner les enfants
15 h 21

« M. Bouchard – L’école ça nous paraît être le creuset pour apporter des solutions à ces problèmes sociologiques ou à ces problèmes de fond, pour changer les perceptions, pour changer les mentalités – et quand il s’agit d’école on ne parle même pas de changement, puisque les élèves qui arrivent à l’école sont tellement jeunes, ils sont encore nourris de perceptions, de stéréotypes comme le sont les adultes, on parle de formation, et non pas de changement de mentalités – et l’école nous apparaissait être le creuset, le rouage fondamental pour préparer les nouveaux citoyens qui vont vivre dans ce Québec nouveau qui n’est pas du tout celui dans lequel leurs parents, leurs grands-parents ont vécu. Et ça demande donc des changements extrêmement importants. Et l’école nous paraissait évidemment le rouage fondamental pour remplir cette fonction-là.
On lira avec profit le texte de Gary Caldwell pour voir si vraiment le Québec nouveau sera totalement différent de ce qu’il a été. Rappelons simplement ici que les juifs qui ont fait l’objet de nombreux articles pendant la crise « médiatique » sont au Québec depuis des siècles et les hassidim depuis plus de 50 ans.

Et, s’il existe un besoin de transformer, pardon de former les esprits, il serait bon de se demander si cela n’est pas révélateur d’un échec des politiques familiale, nataliste et migratoire du Québec (mais il est vrai qu’il s’agit là de tabous pour les prétendus « progressistes » qui décident pour nous : il n’y a pas vraiment de débat public ouvert sur ces sujets au Québec).

Recommandation G4 – promouvoir énergiquement le cours ECR

Rappel de la recommandation G4 du rapport Bouchard-Taylor :
« G4 Que le gouvernement fasse une promotion vigoureuse du nouveau cours d'Éthique et de culture religieuse qui doit entrer en vigueur en septembre 2008. »
15 h 22

M. Bouchard – Quand on regardait ce qui se passait du côté de l’école pour nous, quand je dis nous c’est les deux coprésidents, c’était très évidemment l’élément le plus prometteur qui se profilait à l’horizon du monde scolaire. Il nous a même semblé que c’était une coïncidence très heureuse que des gens du milieu scolaire ou du ministère de l’Éducation aient déjà pris cette initiative et en soient arrivés à un degré très avancé de ce programme qui nous paraissait aller très exactement dans le sens de ce qu’il fallait compte tenu de ce que le Québec était en train de venir. Il nous est arrivé de dire, et je le pense encore très profondément, que s’il y avait eu dans les écoles du Québec au début des années 80 un cours comme celui-là, il n’y aurait jamais eu de crise des accommodements.
Oui, enfin, si tant est qu'il y ait vraiment eu une « crise » (il n’y eut aucun affrontement ethnique par exemple et cette "crise" médiatique s’est rapidement résorbée) et qu’elle n’ait pas servi de prétexte à ceux qui, depuis longtemps, voulaient imposer leur ordre du jour multiculturaliste ou interculturaliste plutôt que chercher à favoriser l’assimilation à l’élément francophone et à augmenter la natalité des Québécois par des mesures natalistes plus universelles et plus équitables que les seules garderies gouvernementales qui, il est vrai, ont l’avantage de plaire aux féministes québécoises ; c'est leur principal avantage politique.

L’inconnu, c’est ce qui fait peur
15 h 24

M. Bouchard – Il y a des sondages par exemple, qui montrent que moins on connaît les autres religions, plus on est hostile à ces religions-là. Ça c’est des sondages qu’on citait dans notre rapport là. Ce qui fait peur c’est l’inconnu, et l’inconnu dans ces matières-là est toujours le matériau dont se nourrit la machine aux stéréotypes, aux perceptions négatives et ensuite aux tensions interethniques qui s’ensuivent et aux formes d’exclusion et aux conflits, etc. Ça, c’est un virus qui peut s’insinuer dans des sociétés démocratiques et diversifiées comme les nôtres. Et c’est pour cela que les leaders et les gouvernements doivent être extrêmement attentifs, extrêmement prudents pour mettre en marche des éléments préventifs pour former les esprits pour que les rapports entre les différentes religions – et particulièrement les religions qui nous sont étrangères, qui ne sont pas familières à la société d’accueil – puissent en venir à coexister d’une manière pacifique.
C’est le corps de l’argumentation pour imposer le cours d’éthique et de culture religieuse. C’est aussi l’argument qui « marche bien » auprès des gens de bonne volonté.

Mais cet argument est en partie faux. Il est en partie vrai, bien sûr, parce que, dans certains cas, l’ignorance peut engendrer des réactions hostiles infondées.

Mais ce n’est pas automatique, parfois l’ignorance ou l’indifférence s’accompagne de moins d’hostilité que la connaissance intime : les Européens et Américains moyens qui ignoraient tout de l'Arabie ou du Levant au début du XXe siècle y voyaient une région du monde où les désirs sexuels les plus polygames étaient librement assouvis, ces Occidentaux rêvaient de pays où régnait la volupté. Depuis nous en savons plus sur cette région et elle ne nous est pas plus sympathique, bien au contraire. À l'opposé, les pires guerres sont civiles, les pires guerres de religion ont lieu entre des gens qui connaissent bien la doctrine l’un de l’autre, mais qui ne supportent pas les erreurs que défend l’autre (un hérétique est pire qu’un mécréant, il corrompt la vraie religion que le païen ne connaît pas encore). On peut prendre l’exemple paradoxal des croisades : les Croisés auront de nombreux alliés sunnites, chiites, druzes et bien sûr maronites; mais se feront des ennemis des Byzantins.

Les concepteurs du cours ECR le savent bien et c’est pour cela qu’ils demandent dès le primaire non pas d’acquérir une connaissance approfondie des autres religions, mais d’« adopter des attitudes d’ouverture sur le monde et de respect de la diversité » (p. 284 du programme du primaire). Et évidemment, si on adopte une nouvelle attitude – mais sans bien connaître l’autre – envers la diversité, l’accueil de la diversité se fera mieux (dans un premier temps). C’est de l’ordre de la tautologie : rendons tous les enfants pluralistes normatifs et ils auront une attitude de pluraliste envers la diversité culturelle. Ce qui n’exclut pas que la réalité et une connaissance plus intime de cette diversité n’amènent l’enfant, sorti de l’école, à considérer plus tard de façon nettement moins béate ces différences et de parfois y déceler des faiblesses potentielles pour la société, des erreurs plutôt que des facteurs d'enrichissement automatiques.

Ceci explique aussi pourquoi le Monopole de l’éducation refuse à Loyola d’enseigner son cours sur les religions du monde à sa façon, même si le contenu « encyclopédique » en est excellent : la posture de ses enseignants ne sera pas suffisamment neutre et pluraliste, car tout en matière religieuse ou éthique ne se vaut pas nécessairement pour eux en tant que catholiques.

Bouchard : une connaissance superficielle du programme ECR
15 h 31

Me Bélisle – Est-ce que vous avez lu, M. Bouchard, les 94 pages du programme d’éthique et de culture religieuse du niveau primaire et les 86 pages du cours éthique et culture religieuse du programme secondaire avant la publication de votre rapport déposé le 22 mai 2008 ?

M. Bouchard – Euh. Je ne suis pas certain de l’identité des documents auxquels vous vous référez, mais ce que j’avais lu à l’époque c’est donc le livre de Georges Leroux et des instruments pédagogiques que nous avait transmis Mme Bouchard, la professeure en question à l’UQAM qui donnait le cours de formation des futurs enseignants.

Me Bélisle – Donc, je dois comprendre que vous n’avez pas lu le programme du ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport concernant le cours d’éthique et culture religieuse. Vous avez eu quelques documents, vous n’avez pas vu, pas lu l’entièreté du programme adopté par le gouvernement du Québec ?

M. Bouchard – Euh. Je ne pourrais pas garantir que j’ai pris connaissance d’une façon détaillée de ce programme-là parce que, encore une fois, je ne sais pas dans quelle mesure il est différent des documents dont je vous ai parlé, dont je vous ai dit les avoir lus.

Me Bélisle – D’accord. La séance de formation à l’UQAM dont vous avez été le bénéficiaire avec M. Taylor, en formation des formateurs, des éducateurs, elle a duré combien de temps, M. Bouchard ?

M. Bouchard – C’était un avant-midi.

Me Bélisle – Un avant-midi. Complet ? Trois heures ?

M. Bouchard – À peu près, oui.

Me Bélisle – Avez-vous eu l’occasion de voir avant la publication de votre rapport le 20 [recte : 22] mai 2008, des manuels scolaires, du matériel didactique pour les classes de première année dans le réseau scolaire du Québec qui seraient utilisés, employés au début septembre 2008 dans les écoles du réseau scolaire québécois ? Des manuels approuvés par le ministère.

M. Bouchard – J’hésite un peu à vous répondre parce que je me rappelle les instruments que nous montrait Mme Bouchard dans le cadre de son cours et je ne sais pas si c’étaient des éléments approuvés par le ministère ou pas.

Me Bélisle – D’accord, donc vous n’aviez pas connaissance, vous ne saviez pas si les documents qu’on vous montrait étaient approuvés ou pas.

M. Bouchard – Non, je ne serais pas vous dire.

Me Bélisle – Vous n’avez pas cru bon de poser la question à Mme Bouchard, pendant les trois heures, si ces manuels scolaires et ces matériels didactiques étaient oui ou non approuvés par le ministère de l’Éducation, du Loisir et des Sports pour l’année 2008 dans le réseau scolaire québécois ?

M. Bouchard – Euh. Je ne me rappelle pas l’avoir demandé explicitement et, si je l’ai fait, la réponse ne me vient pas à l’esprit en ce moment, mais tout de même il y avait l’autorité de cette dame qui était responsable de la formation des futurs formateurs à partir d’instruments qui ne devaient pas être loin de ceux que le ministère allait utiliser.

Me Bélisle – Je comprends bien votre réponse qui est très nuancée et je respecte votre honnêteté.
[Les deux premiers manuels approuvés le seront le 17 avril 2008, très proche du dépôt du rapport Bouchard Taylor en mai 2008 ; les deux suivants le 10 juin 2008, après le dépôt du rapport.]

Le reste du contre-interrogatoire portera sur le fait que MM. Bouchard et Taylor avaient pris connaissance du rapport Bergman Fleury sur les accommodements en milieu scolaire qui venait de sortir, document qualifié de très important sur le sujet. M. Bouchard s’avoua incapable de dire si le rapport Fleury avait été suivi d’effets. À la fin du contre-interrogatoire, M. Bouchard était visiblement un peu contrarié, la caméra fixée sur lui faisant clairement apparaître ses mains qui tambourinaient légèrement à côté du micro.

Les dernières questions de Me Bélisle pouvaient paraître étranges, mais, comme on l’apprendra le 13 mai, Me Bélisle a souligné que Mme Courchesne s’était engagée à mettre en œuvre les recommandations de M. Bergman Fleury lors d’une conférence à l’Assemblée nationale le 6 décembre 2007. On croit comprendre que cette promesse n’a pas été respectée, mais il faudra attendre la plaidoirie des avocats de la demanderesse pour mieux comprendre l'impact que cela pourrait avoir.

jeudi 21 mai 2009

Loyola has had a World Religions course for 25 years

Paul Donovan, principal of Loyola High School, explains why his school was surprized that it was not allowed to teach its World religion course:
"The high school taught the course long before it became popular to do so.

Over the last few months there has been a barrage of editorials and opinion pieces regarding the government's Ethics and Religious Culture program. What has greatly fascinated me is reading the opinions of others about what we do at Loyola High School and what our motivations are for the upcoming court case. None of those who have written against Loyola's stance has called to speak with us and hear firsthand what our position actually is; they have simply presumed that they know what we are about. Michael Schleifer's article ("Québec' ethics and religion course is worth defending," Opinion, May 19) is a perfect example. It is especially intriguing given that a major part of the ERC is supposed to be about dialogue, the recognition of others and tolerance of different values and perspectives. I thought it might be enlightening if I outlined Loyola's position. World Religions has been a course at Loyola for well over 25 years and mandatory for the last 12; we made the decision that no student should graduate from Loyola without a healthy knowledge and respect for other religions. We made this decision long before it was a popular thing to do, as it is completely in keeping with our educational philosophy. Every ethical issue and the variety of positions outlined in ERC has been a part of our program for as long as I can remember (which includes my time as a student). I would argue that by the time our students graduate, they are able to write any test on world religions or ethics that the ministry would like to create. So what is our issue with the program.

Before answering, I would like to point out that we have studied the entire program; at least six different series of texts proposed for use with the program and have studied the philosophy behind it as described by Georges Leroux and Denis Watters. While no one would suggest that the proposed goals of the program – pursuit of the common good and the recognition of others – are anything but worthy, does the worth of the goals automatically mean that this particular program will accomplish them? Are we not permitted to ask that question without being labeled "fanatics or extremists"? So much for tolerant dialogue. We actually have far more experience with teaching and implementing programs like these than the ministry or any of the philosophers who have devised the ERC. Our request to the Ministry of Education was simply to allow us to teach all of the competencies, content and goals of the program using a structure and methodology that is more in keeping with our Jesuit and Catholic identity. We were informed that these things cannot be taught "according to ministerial expectation" in a Catholic context. Our question to the courts, since the ministry would not talk with us, is quite simply, "Why not?" If, as Schleifer so proudly points out, the values and ideals of the program are universal, then surely we can explore them as Catholics. Did Martin Luther King put aside his Baptist Christian roots to stand up for civil rights or did his stand flow out of his beliefs? Did Gandhi put aside his Hinduism to pursue non-violence in a secular way or did his philosophy flow from his spirituality? The common good is not secular; it is common. Can we not pursue these things from within our own traditions and beliefs or do we all need to become secularists first? Does the ERC's vision of pluralism mean that we must all think in the same reductionist way or can we all explore and contribute to the common good from the uniqueness and beauty in the diversity of our beliefs? If this is an extremist or fanatical position then I must not understand the terms."

mercredi 20 mai 2009

Course breaks the golden rule

Lettre envoyée à la Gazette de Montréal par Ed Hoyer de Roxboro  :
Michael Schleifer completely sidesteps the concerns raised by William Johnson and the questions raised by Loyola High School.

First, under the Charter of Rights and Freedoms, parents have the right to choose the religious training for their children. If parents want to teach a certain religion or philosophy, that is their right. If schools (and the Education system in Québec) try to teach something contrary to the parents belief, then parents have the ultimate authority and right to choose. It's all very well for Schleifer to argue that the course is good, but if the parents don't want it, they should have the final say. Strawberries might be good for you, too, but you don't have to eat them.

Second, the course is not age appropriate for third- or fifth-grade students. A child is taught by his parents and religious institution that certain things are true or sacred. Then if the school teacher, who is considered an authority by young children, teaches the contrary, the child will be confused. Children at that age cannot hold contrary views in their minds and try to figure out what they want to believe. Schleifer refers to the golden rule – "Don't do to others what you don't want them to do to you," or in the positive form, "Do for others what you want them to do for you." By forcing a course of study on children, the state is breaking this vital rule.

Ed Hoyer, Roxboro

Les chemins de Gravel

Lettre de Benoit Girouard envoyée à La Presse (en attente de publication) :
J’ai été surpris ce dimanche matin de lire les propos de l’abbé Gravel qui qualifiait les opposants au cours d’éthique et de culture religieuse de « …petit groupe d’opposants, plus fanatiques les uns que les autres ». Il ne pouvait s’arrêter et rajoutait vers la fin « …je me méfie de l’intégrisme fanatique des opposants ».

Ça y est le mot est lancé les opposants au cours d’ÉCR sont des fanatiques et des intégristes. Cette tactique de communication qu’emploie ce cher prêtre-média fait malheureusement de plus en plus sa place dans notre monde moderne et démontre le peu d’envergure intellectuelle des opposants à telle ou telle idée. Par exemple au États-Unis, avant même d’entendre les arguments d’un expert qui réclame de fixer un plafond pour les gaz à effet de serre on dira qu’il est libéral (lire à l’anglaise) …qui sera compris par la population américaine comme gauchiste voir même communiste.

Au Québec c’est l’inverse, lorsque les Lucien Bouchard, Joseph Facal et autres parleront d’un Québec lucide, on dira qu’ils sont « à droite » afin de bien vendre l’idée qu’il ne vaut même pas la peine d’engager la conversation avec eux. Ce procédé qu’utilise M. Gravel est dans les faits une prise d’otage en règle, car l’individu ou le groupe qui se voit affubler de ces accusations, parce qu’à l’inverse du courant dominant, ne peut plus argumenter sur son idée avant d’avoir rétabli les faits quant à ce qu’il n’est pas. Un autre argument utilisé dans son texte, est celui de spécifier que les opposants au cours sont minoritaires.

Ainsi, selon lui, le petit nombre est une preuve d’absence de légitimité. Ce genre d’argument repris mainte fois par les médias n’a rien à faire avec le droit et encore moins avec la raison car, à ce titre, les femmes qui furent à l’origine une poignée à réclamer le droit de vote, n’auraient jamais dû l’obtenir, tout comme les premiers antiesclavagiste et que dire de la secte du Nazaréen devenu les catholiques d’aujourd’hui. La valeur d’une idée se défend au poids de son argumentaire et non du nombre de ceux qui la soutiennent ; justifier avec le nombre seulement n’est, dans les faits, que l’argument de ceux qui manquent d’argument.

Sur les arguments

M. Gravel a vu juste en disant que la transmission de la foi appartient d’abord aux parents, mais pas seulement que la foi, M. Gravel. Avant l’État, les premiers éducateurs sont les parents car ils représentent la famille, toute première unité qui bâtit une société. Pourtant, le cours d’ÉCR banalise et supplante les parents dans la transmission de l’éthique et des valeurs. Dans certains cas il viendra même en contradiction avec les valeurs familiales… car les familles aussi ont des valeurs. Vous avouerez que c’est plus dur d’avoir ce même genre de conflit avec un cours de mathématique ou de français. Ainsi nous ne parlons pas d’un problème d’ordre religieux mais bel et bien du rôle de l’État versus le droit parental.

Parlant de la responsabilité de la famille vis-à-vis de l’éducation des enfants, Charles de Koninck, ancien doyen de la faculté de philosophie de l’Université Laval, rappelait lors d’une conférence que « son droit est inaliénable, antérieur au droit de l'État, et inviolable ». Selon un vieil adage des régimes totalitaires, « quand nous sommes en minorité, nous réclamons pour nous la liberté au nom de vos principes ; quand nous sommes en majorité, nous vous la refusons au nom des nôtres. » L’abbé Gravel semble faire écho à cette maxime en écrivant que le cours « …favorise l’inclusion dans le respect de la dignité de chacun. C’est pourquoi il doit demeurer obligatoire pour tous sans exception. »

Il faut savoir que le respect de la dignité de chacun a toujours été incompatible avec le mot obligatoire et qu’à ce titre nous vous souhaitons, M. Gravel, bienvenue parmi les intégristes !

Benoit Girouard

Père de 5 enfants et président Union paysanne

Réal Gaudreault — Georges Leroux et les vérités universelles

Deux nouvelles capsules de l'historien Réal Gaudreault sur le procès de Drummondville.

Capsule 29 — Les vérités universelles I

« Au Palais de justice de Drummondville s’est tenu, la semaine dernière, un procès intenté par une famille contre la Commission scolaire des Chênes. M. Georges Leroux, un témoin expert du gouvernement, nous apprendra notamment que le cours ÉCR ne doit pas être sujet au régime d’exemption à cause de son caractère universel. Eh bien, oui. Le cours ÉCR est fondé sur des vérités universelles dont nos enfants ne doivent pas être privés. »


Capsule 30 — Les vérités universelles II

« Selon Georges Leroux, une vérité universelle est une vérité que partage naturellement l’ensemble des peuples du monde. « Tu ne tueras point » est un exemple de ce qu’est une vérité universelle selon Leroux. Mais qui donc peut se targuer d’être à la fois juge et arbitre de ce qu’est une vérité universelle? Croyez-le ou non, il paraît que, au Québec, nous sommes en possession de ce savoir extraordinaire et que c’est là une des raisons qui pousse l’État à imposer le cours ÉCR dans toutes les écoles du Québec. »

Joseph Facal : « Vous avez tort de regarder de haut Drummondville »

Chronique de l'ex-ministre péquiste Joseph Facal sur le procès de Drummondville :
Dieu est encore partout

Vous avez tort de regarder de haut Drummondville. Il s'y passe des choses très importantes.

Des parents de l'endroit viennent de s'adresser au tribunal pour obtenir que leurs enfants soient exemptés du nouveau cours d'Éthique et culture religieuse (ECR). Ce cours obligatoire remplace l'ancien régime qui donnait le choix entre l'enseignement de la religion catholique ou protestante, ou l'enseignement moral. Les parents sont des catholiques qui invoquent que c'est eux et non l'État qui devraient avoir le dernier mot en matière d'éducation religieuse.

J'avoue que l'ancien régime me chicotait. J'ai toujours pensé que ce n'est pas une des missions de l'école que de transmettre une foi religieuse particulière. C'est aux autorités religieuses et aux parents que ce rôle incombe.

Mais le gouvernement, lui, plaide que le cours ne vise qu'à former de bons petits Québécois ouverts à la diversité d'aujourd'hui, en les initiant aux différentes cultures et aux différentes religions. De la pure foutaise.

ENDOCTRINEMENT

Supposons, comme le notait Christian Rioux du Devoir, que vous voulez initier les enfants à la littérature arabe. Ne serait-il pas plus logique de le faire dans un cours de littérature donné par un professeur dont c'est la spécialité ? Si vous voulez initier les enfants à l'histoire des religions amérindiennes, un cours d'histoire donné par un historien de métier ne serait-il pas la façon toute désignée ?

Autrement dit, si on enlève du cours d'ECR tout ce qui normalement devrait trouver sa place dans des cours déjà prévus au programme, que reste-t-il ? Il reste la véritable intention des promoteurs du cours : non pas ouvrir les enfants à la différence, comme s'ils étaient présentement fermés, mais plutôt les convertir à leurs vues.

Et quelles sont ces vues ? Mais tout simplement, le nouveau catéchisme du Québec moderne : le multiculturalisme à la canadienne, les droits individuels, les Chartes. Nous sommes simplement en train de remplacer une religion par une autre. Nouvelles soutanes, nouveau discours, même mentalité.

Allez lire les documents produits par les promoteurs du cours ECR. Si j'avais de la place, je vous citerais des extraits ahurissants. L'enfant doit en venir à trouver normal que son petit copain sikh porte un couteau, ou que l'on déplace une date d'examen pour cause de fête religieuse. Si vous êtes contre, vous êtes « nostalgique » et souffrez de « repli identitaire ».

MATRAQUAGE

Ce sont toujours les mêmes questions qui reviennent.

Pour qu'un immigrant s'intègre, qui doit faire le plus gros du chemin, lui ou la société qui l'accueille ? Est-ce que la majorité a le droit de poser ses valeurs forgées par 400 ans d'histoire comme culture de convergence ? Les pratiques religieuses doivent-elles être confinées à la sphère privée et dans les lieux de culte prévus pour cela ? Où est-ce que les institutions publiques doivent se transformer pour accueillir toutes les croyances ?

Comme le notait une collègue, après dix ans d'un tel matraquage idéologique, nos enfants ne sauront pas grand-chose de l'histoire des religions, mais il n'y a pas une seule demande d'« accommodement », aussi exagérée soit-elle, qui ne leur semblera pas « raisonnable ». C'est le vrai but de ce cours.

mardi 19 mai 2009

No neutral ground in religion and ethics class

Lettre ouverte envoyée à la Gazette par John Vaudry de Montréal.
There seems to be a lot of misunderstanding as to why some parents object to the new course on Religion and Ethics that is now mandated in Québec schools. Shouldn't we all know something of what others believe? And if the course aims at promoting tolerance and "the common good," how could any right-thinking person be against it? Conservative Catholics and evangelicals are among the main opponents of the course. Those I know want a society in which all people (whatever they profess to believe or not believe) might live and let live. There ought to be at least civility among us, and in many cases co-operation for the common good.

However, this does not mean that children in Grade 1 must be taught about world religions. If parents and church teach, for example, that Jesus is Lord over all yet the school says Jesus is but one of many religious teachers (and how can it do otherwise?), there will inevitably be confusion in the child's mind. The notion that such a course can be taught from a neutral point of view is a myth. Not to decide is to decide. Either the school affirms that everyone should bow before Jesus or it does not. There is no neutral ground.

Similarly, it is questionable whether ethics can be taught from some supposedly neutral perspective. The teacher always has a bias (whether Christian, humanist, utilitarian, etc.) which will be virtually impossible to conceal. Big Brother needs to stop encroaching on the rights of parents.

John Vaudry, Montréal

Le pouvoir légitime des parents — Réponse à la lettre de l'abbé Gravel

Lettre ouverte de Mme Morse-Chevrier, présidente de l'Association des parents catholiques, envoyée à la Presse de Montréal et à l'Action, à la suite de la publication d'une lettre du prêtre Raymond Gravel en faveur de l'imposition du cours d'éthique et de culture religieuse.

Le procès opposant les parents qui demandent l’exemption de leurs enfants du cours d’Éthique et culture religieuse (ECR) et la Commission scolaire Des Chênes, assistée de la Procureure Générale comme intervenante, a eu lieu à la Cour Supérieure de Drummondville du 11 au 15 mai 2009. Ayant assisté à l’entièreté de la preuve présentée par les deux parties, je ré-affirme l’appui de la part de l’Association des parents catholiques du Québec (APCQ) aux parents qui demandent l’exemption pour leurs enfants.

Le Cardinal Zenon Grocholewski de Rome, se référant « à de nouvelles réglementations civiles » qui remplacent l’enseignement religieux par des cours de « morale et culture religieuse », a publié très récemment (le 5 mai 2009), une lettre à tous les évêques du monde pour distribution auprès de ceux engagés dans la mission éducatrice de l’Église. Cette lettre rappelle très fortement la priorité pour le parent de choisir l’éducation morale et religieuse de leurs enfants à l’école comme ailleurs : « Au sein d’une société pluraliste, le droit à la liberté religieuse requiert à la fois l’assurance que l’enseignement religieux soit donné dans les écoles, et une garantie que cet enseignement soit en conformité avec les croyances des parents. »

La lettre du cardinal Grocholewski vient renforcer ses remarques orales il y a quelques semaines à l'effet que l'imposition du cours d'éthique et de culture religieuse au Québec « violait le droit des parents. » (Zenit, 19 février 2009)

En tant que préfet de la Congrégation pour l’Éducation catholique, le Cardinal, le 5 mai 2009, a prévenu des dangers suivants : « Si l’enseignement religieux se limite à une exposition de différentes religions de manière comparative et “neutre”, cela peut être source de confusion, ou inciter au relativisme ou à l’indifférentisme. » Ce n’est pas différent de ce que disent les parents qui demandent d’exempter leur enfant du cours d’Éthique et culture religieuse (ECR), ni des propos du théologien Guy Durand, témoin expert pour les parents en Cour supérieure à Drummondville du 11 au 15 mai 2009, qui a souligné que ce cours mène au relativisme.

Ce ne sont pas quelques parents marginaux qui s’objectent à ce cours, contrairement aux dires de M. Raymond Gravel (L’Action, le 14 mai 2009). Les Chevaliers de Colomb de la province veulent la reconnaissance du droit à l’exemption et que ce cours soit optionnel. Il en va de même pour les coptes orthodoxes, pour les parents de l’Association des parents catholiques du Québec (APCQ) et de la Coalition pour la liberté en éducation (CLÉ), pour plusieurs pasteurs évangéliques et autres. Lorsque 2000 parents demandent l’exemption, que 200 parents retirent leurs enfants et que des parents poursuivent une commission scolaire en cour, il y a lieu de s’interroger. Pour moins que cela, on avait introduit l’enseignement moral comme option à l’enseignement religieux, il y a plus de 25 ans. L’APCQ demande, avec les autres parents, que les commissions scolaires accordent l’exemption aux parents qui le demandent ou, mieux encore, que le cours ECR soit optionnel.

David Mascré, philosophe et professeur associé à l’Université de Paris, après une analyse minutieuse du programme, considère que ce dernier est dangereux pour les enfants car il promeut « le polythéisme » et « réduit systématiquement le contenu de la foi à un ensemble de symboles sans fondement objectif ni assise rationnelle ». Son analyse confirme celles faites par les parents de la province.

Il ne faut pas confondre la perte du choix entre l’enseignement religieux ou l’enseignement moral (sans religion) et l’imposition du programme d’ECR. Les parents veulent avoir, bien sûr, une option respectueuse de leur foi à l’école comme l’a maintes fois recommandé le Vatican. Cependant ils veulent aussi et séparément, ne pas voir des religions étrangères imposées à leurs enfants dans le contexte d’un cours non chrétien comme ECR. Ils ne veulent pas, non plus, que leurs enfants soient soumis à une approche de clarification des valeurs pour l’éthique, comme c’est le cas dans ECR.

Le cynisme, la moquerie et le mépris de M. Gravel à l’égard des parents ne semblent pas connaître de limite (L’Action, le 14 mai 2009). Mais, à mon étonnement, M. Gilles Routhier, théologien expert pour la Commission scolaire Des Chênes à Drummondville, a aussi reproché aux parents : « de bouder le programme, de faire des marches et des manifestations ». Par ces actions, les parents ne font qu’exercer leur pouvoir démocratique et défendre leurs droits. L’État et certains membres du clergé ont peut-être un agenda social à promouvoir, mais ce débat doit se faire entre adultes consentants. Ne le faisons pas sur le dos des enfants. En dépit de sa position pro-ECR, Georges Leroux, témoin expert pour la Commission scolaire à Drummondville, a prévenu contre le fascisme quand l’autorité parentale tombe. Il faut renforcer et non miner l’autorité parentale et le droit de choisir des parents.

Les parents ne sont pas des fanatiques parce qu’ils tentent de passer à leurs enfants des valeurs sûres et une foi vivante et parce qu’ils ne veulent pas voir cet ouvrage détruit par l’école, en l’occurrence par le cours ECR. L’APCQ demande le respect pour ces parents et pour leurs enfants et adolescents dont la liberté de conscience et de religion est aussi bafouée.

Lorsqu’on demande à l’enfant de comparer des récits religieux, de rentrer dans des lieux de culte en prenant les postures requises par cette croyance, de nommer des noms de dieux païens, de lire des prières des spiritualités autochtones, de raconter comment il vit sa religion à domicile, de se taire devant des opinions qu’il trouve irresponsables ou devant des croyances qu’il trouve illégitimes, d’accepter toute croyance sur le même pied, on demande à l’enfant d’agir et non seulement d’observer le phénomène religieux, contrairement à ce qu’ont prétendu M. Jacques Pettigrew et M. Routhier lors des audiences en cour. Ces actes interfèrent avec le développement religieux de l’enfant car il doit mettre de côté son esprit critique face aux autres religions et collaborer avec des actions qui vont parfois contre sa foi. Le vivre-ensemble n’est pas tout, l’enfant tend entièrement vers la connaissance de la vérité, comme l’a précisé le professeur Mascré devant le Tribunal.

Laissons les parents éduquer leurs enfants. Ne tentons pas de leur enlever ce privilège qui vient avec la responsabilité de les élever. Faisons confiance au peuple québécois en leur laissant, comme le stipule le Vatican, une réelle liberté dans le choix de l’école et des programmes. Rejetons l’approche totalitaire qui impose, par le biais de lois gouvernementales, de cours obligatoires et de mépris des demandes des parents, des changements identitaires aux plus jeunes et plus vulnérables des citoyens.

Terminons par une citation d’un document de Vatican II donnée en Cour Supérieure par Me Jean-Pierre Belisle, procureur pour les parents, pour appuyer la légitimité des actions des parents catholiques (et autres) qui veulent exercer de manière responsable leur autorité parentale :
« Qu'ils [les laïcs] attendent des prêtres lumières et forces spirituelles. Qu'ils ne pensent pas pour autant que leurs pasteurs aient une compétence telle qu'ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission. Mais plutôt, éclairés par la sagesse chrétienne, prêtant fidèlement attention à l'enseignement du Magistère, qu'ils prennent eux-mêmes leurs responsabilités. »
(Gaudium et Spes, 43-2).

Notons que le Magistère vivant est celui dont l'autorité s'exerce au nom du Christ, c'est-à-dire par les évêques en communion avec l'évêque de Rome (Wikipedia).

Jean Morse-Chevrier,
présidente,
Association des parents catholiques du Québec