mardi 6 avril 2021

En Italie, une allocation de 250 euros mensuels par enfant

Une infirmière réconforte un bébé de 7 mois, à l’hôpital Salesi, à Ancône, à la suite d’une opération et alors que ses parents n’ont pas pu être présents, en raison des restrictions relatives au Covid-19, le 22 mars 2021. OSPEDALI RIUNITI MARCHE

Deux cent vingt-sept votes « pour », quatre « contre » et deux abstentions. Le vote de la loi instituant une allocation mensuelle pour tous les enfants d’Italie, mardi 30 mars, au Sénat, ne risquait pas de mettre en péril le gouvernement Mario Draghi : il s’en est même fallu de peu qu’il ne débouche sur un vote à l’unanimité des présents. Un dénouement favorable savouré par la ministre de la famille et de l’égalité des chances, Elena Bonetti (Italia Viva, centre-gauche) : « C’est une mesure importante, parce qu’elle marque le début de temps nouveaux, d’un nouveau départ. Nous remettons au centre les nouvelles générations », a-t-elle salué, au terme du vote, dans une ambiance de concorde dont le parlementarisme italien est peu coutumier.

 À compter du 1er juillet, une somme de 250 euros mensuels par enfant sera donc versée aux familles, du septième mois de grossesse jusqu’aux 21 ans de l’enfant. Si cette aide n’est pas une dépense « sèche » — elle viendra en partie se substituer à des prestations existantes et si la somme peut diminuer en fonction des revenus des parents, la mise en place de cette allocation n’en représente pas moins, selon les prévisions du gouvernement italien, un effort d’une ampleur inédite (environ 20 milliards d’euros), qui aurait été tout à fait inenvisageable avant le début de la pandémie.

Dans son intervention en tribune, la nouvelle présidente du groupe du Parti démocrate (PD, centre gauche) au Sénat, Simona Malpezzi, a chaleureusement salué ce qu’elle a qualifié de « premier pas significatif pour le soutien aux familles. Avant d’ajouter : “Il est important que ces normes aient été approuvées alors que l’Istat [l’Institut national de statistique italien] a enregistré une nouvelle accélération de la baisse de la natalité dans notre pays.”

Quelques jours plus tôt, l’Istat avait rendu public le tableau démographique de l’année 2020 en Italie et celui-ci est, en effet, plus que préoccupant. À côté des 746 000 décès recensés dans le pays (le chiffre le plus important depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale), l’Italie a enregistré à peine 404 000 naissances, soit le chiffre le plus bas depuis l’unité italienne. Si l’on ajoute à cela un solde migratoire négatif, l’Italie a perdu, en 2020, un peu plus de 380 000 habitants, soit l’équivalent de la population de la ville de Florence.

Mères les moins jeunes d’Europe

La surmortalité engendrée par l’épidémie de Covid-19 a eu pour effet d’accroître l’attention sur les questions démographiques, mettant au centre du débat la dénatalité persistante du pays. Dans le même temps, le plan de relance européen, dont 209 milliards d’euros doivent revenir à l’Italie, offre au pays la possibilité de déployer un effort budgétaire inédit pour tenter de créer les incitations permettant enfin d’inverser la tendance. “Grâce aux possibilités offertes par le plan Next Generation EU [en anglais...], nous allons promouvoir d’autres investissements pour améliorer les services à l’enfance, réorganiser les aides à domicile, aider les mères qui travaillent”, a même promis Simona Malpezzi, avant d’appeler à “combattre l’hiver démographique” du pays.

L’Italie trouvera-t-elle les ressources pour enrayer cette dynamique ? Le problème est que celle-ci s’est installée depuis un demi-siècle, engendrant un tel déséquilibre dans la structure de la population que l’objectif d’un renouvellement des générations paraît impossible à atteindre à moyen terme. L’indice de vieillesse (le rapport entre les plus de 65 ans et les moins de 15 ans) était de 33 % au début des années 1950 : autrement dit, il y avait alors une personne âgée pour trois enfants. Aujourd’hui, le rapport s’est inversé et cet indice est passé à 180 % au niveau national. Dans certaines régions comme la Ligurie, on dépasse même les 300 %.

L’obstacle le plus évident à une reprise de la natalité est l’âge des parents. Avec un âge moyen de 31 ans pour le premier enfant (contre 28 ans et demi en France), les mères italiennes sont les moins jeunes d’Europe. Ce phénomène est directement lié au moment auquel les femmes quittent le domicile de leurs parents (à 29 ans pour les Italiennes, contre 23 ans pour les Françaises et une moyenne européenne de 25 ans). Et cet état de fait est lui-même à mettre en rapport avec l’extrême difficulté d’entrer sur le marché du travail.

Liens connexes 

La population italienne passe sous les 60 millions, la gestion de la pandémie aggrave ce déclin  

Baisse des naissances, l’Italie s’enfonce dans l’hiver démographique 

Le salaire net moyen, hors inflation, n’a progressé que de 29 euros par mois en dix ans, révèle la Banque d’Italie. Entre 2006 et 2010, la succession des crises l’a même fait baisser de 50 euros en moyenne.

Certes le pourvoir d’achat ne baisse pas en Italie, mais avec seulement 1 % de hausse du pouvoir d’achat sur l’ensemble de la période [2011-2017] il n’y en a pas pour tout le monde, d’autant que les inégalités se sont accrues : une partie des Italiens s’est donc appauvrie entre 2011 et 2017.


 

 

Aucun commentaire: