mercredi 11 décembre 2019

« À l’inverse des affaires de pédophilie dans l’Église catholique, les violences sexuelles en milieu sportif restent peu médiatisées »

Après huit mois d’enquête dans le milieu sportif, Disclose dévoile 77 affaires marquées par des dysfonctionnements graves. Révélations sur une faillite du monde du sport qui a fait au moins 276 victimes, la plupart âgées de moins de 15 ans au moment des faits.

Des rêves de podium brisés. De jeunes athlètes murés dans le silence. Des enfants traumatisés, n’osant plus courir, nager ou combattre. Des centaines de victimes démunies face à l’omerta, au déni et à l’ignorance de la grande famille du sport. Pendant huit mois, Disclose a enquêté sur les violences sexuelles en milieu sportif.

Cette plongée inédite dans le monde fermé des clubs amateurs et professionnels démontre la faillite de tout un système, des associations sportives aux fédérations, jusqu’aux services de l’État. De 1970 à nos jours, notre enquête révèle que 77 affaires ont été marquées par des dysfonctionnements majeurs. Football, gymnastique, équitation, athlétisme, mais aussi tir à l’arc, patins ou échecs… 28 disciplines sportives sont concernées.

[…] Parmi les failles mises au jour : l’absence de contrôle des éducateurs bénévoles, le maintien en poste d’encadrants sous le coup d’une procédure judiciaire ou déjà condamnés, le défaut de suivi sociojudiciaire et l’inaction de dirigeants ayant choisi d’étouffer le scandale plutôt que défendre l’intégrité de leurs licenciés. Au mépris des lois françaises.

La récidive. L’enquête révèle un premier chiffre alarmant, mettant directement en cause le suivi judiciaire des délinquants sexuels. D’après nos données, près d’une affaire d’infractions sexuelles sur deux est un cas de récidive. Par récidive, nous entendons une répétition de faits à caractère sexuel, dans sa définition courante et non juridique. […]

Le maintien en poste. Deuxième donnée inquiétante : dans 77 % des cas recensés, l’agresseur a soit poursuivi son activité malgré une procédure judiciaire en cours, soit retrouvé un poste dans le milieu sportif après une condamnation pour une infraction à caractère sexuel. Une situation qui augmente le péril de la récidive et fait courir des risques aux jeunes sportifs. Pourtant, un article de loi stipule précisément qu’une personne condamnée pour un crime ou un délit à caractère sexuel ne peut entraîner des athlètes ou encadrer une activité sportive. Il s’agit de l’article 212-9 du code du sport, un ensemble de lois et décrets applicables au domaine du sport. […]

Le soutien donné à l’agresseur. Dans 18 affaires, le club, la fédération, la collectivité locale ou l’institution scolaire ont pris fait et cause pour l’agresseur. Une défense souvent accompagnée d’un mépris pour la parole des victimes, voire de tentatives d’intimidation. Des condamnations pour des faits de violences sexuelles ou des décisions de justice ont parfois été remises en cause, certains soutiens allant même jusqu’à invoquer l’erreur judiciaire.

La négligence de signaux forts. Enfin, dans une dernière catégorie, nous avons recensé neuf affaires où des alertes, pas toujours de nature à être caractérisées sur le plan pénal, ont été prises à la légère avant que l’éducateur ne commette des agressions. Par exemple, un entraîneur passant la nuit seul dans une chambre avec un athlète. Ou un autre ayant pour habitude de prendre sa douche, nu, au milieu de ses élèves. Dans ces cas-là, les professionnels de la protection de l’enfance — brigade des mineurs et associations contre les violences sexuelles — recommandent d’alerter les autorités.

La justice. Dans 53 % des cas, les défaillances viennent de la justice. Avec des situations qui interpellent : comment se fait-il qu’une personne condamnée pour une infraction sexuelle sur mineur ne fasse pas systématiquement l’objet d’une interdiction d’exercer auprès d’enfants ? Pourquoi le suivi sociojudiciaire ne dure-t-il parfois que quelques années ? Quels critères conduisent à ce qu’une condamnation pour des délits ou crimes sexuels disparaisse des différents extraits du casier judiciaire ?

Les clubs et les fédérations. Viennent ensuite les clubs, à l’origine de dysfonctionnements dans 35 % des cas. Notre enquête révèle que les informations ne remontent pas toujours jusqu’aux fédérations, la préfecture ou la justice, souvent par volonté de protéger le club d’un scandale. […]

L’entourage des victimes. Il arrive aussi que les familles des victimes elles-mêmes éprouvent une réticence à parler. La reconnaissance et l’attachement à l’égard de l’entraîneur peuvent être des freins à la dénonciation. « Dans l’Église, on parle d’une emprise morale, mais c’est pareil dans le sport », souligne Marie Mercier, rapporteuse de la mission d’information sur les infractions sexuelles sur mineurs mise en place par le Sénat en 2019.

Les autorités. À l’inverse des affaires de pédophilie dans l’Église catholique, les violences sexuelles en milieu sportif restent peu médiatisées en France.

Le Télégramme

Faux autochtones et aborigènes, mais vrais opportunistes

Au Canada, selon plusieurs chefs autochtones, de plus en plus de personnes se font frauduleusement passer pour des membres de leurs communautés, ce qui les inquiète et les choque.

Ce fait ne semble pas limité au Canada, on a ainsi vu la candidate démocrate Elizabeth Warren qu’elle était d’origine amérindienne. Des tests ADN qu’elle a elle-même présentés suggèrent plutôt qu’elle pourrait avoir 1/1024 de sang indien (si tant est que les tests sont fiables à un si petit pourcentage), moins que la moyenne des Américains. L’université Harvard avait inscrit Warren comme Amérindienne dans ses formulaires fédéraux relatifs aux politiques de discrimination positive de 1995 à 2004. Dans une interview, Elizabeth Warren a déclaré qu’elle avait l’intention de présenter des excuses pour s’être étiquetée comme amérindienne à l’Université de Pennsylvanie et à l’Université de Harvard. Elle a donné la même réponse lorsqu’on lui a demandé si cela incluait le fait qu’elle avait déclaré être membre d’une minorité dans le répertoire de l’Association of American Law Schools.

Bruce Pascoe (photographié)
dénoncé dans la presse australienne
En Australie, l’auteur à succès Bruce Pascoe prétend aussi être en partie aborigène. Il est surtout connu pour son ouvrage Dark emu : Black seeds: agriculture or accident ? « qui réexamine les récits coloniaux des peuples autochtones en Australie et cite des preuves des débuts de l’agriculture, de l’ingénierie et de la construction de bâtiments ». L’ennui c’est que les sources qu’il cite dans son ouvrage — quand elles existent vraiment — affirment plutôt l’inverse. En outre son ascendance aborigène, sur lequel il insiste beaucoup, est sérieusement mise en doute. Voir Dark Emu Exposed qui confronte les affirmations de son livre avec les sources que Pascoe cite. Sur sa généalogie voir Is Bruce Pascoe an Aboriginal man ?. « Pascoe n’a pas d'ascendance aborigène et ses prétentions sont absurdes », a déclaré Michael Mansell via le Tasmanian Aboriginal Land Council, concernant la revendication de Pascoe quant à son héritage aborigène. « Nous n’acceptons pas du tout que M. Pascoe possède des ancêtres Boonwurrung », a déclaré Jason Briggs au nom du Conseil Boonwurrung. Il est allé plus loin pour dire que Pascoe « devrait parler de sa véritable ascendance et cesser de tromper et de bénéficier de l’intégrité culturelle de notre communauté ».

Le diffuseur public australien (ABC) a tourné un documentaire en deux parties basé le livre primé de Pascoe, Dark Emu. Il sera bientôt diffusé. Selon celui-ci, contrairement aux sources européennes, les Aborigènes n’étaient pas des chasseurs-cueilleurs primitifs, mais des agriculteurs perfectionnés avec une « industrie agricole » — des champs labourés, de grands villages et d’immenses greniers aériens. Tout cela réduit à néant par des hommes méchants aussi blancs que, euh, le visage de Bruce Pascoe. C’est le genre de sanglot de l’homme blanc que les progressistes « éveillés » adorent ces jours-ci. Pascoe a donc reçu le prix du Premier ministre de la Nouvelle-Galles-du-Sud pour le livre de l’année et un autre du meilleur écrivain aborigène. Le Conseil australien lui a décerné un prix pour l’ensemble de ses réalisations. Il a même été nommé professeur à la faculté indigène de l’Université de technologie de Sydney.

Les preuves que les Aborigènes étaient en fait des agriculteurs rassemblées par Pascoe sont pour le moins douteuses. Pascoe a ainsi affirmé que l’explorateur Thomas Mitchell a écrit qu’il avait « une fois parcouru neuf milles de céréales arrimés » — des gerbes de grains coupées et entassées pour les faire sécher. En fait, Mitchell, dans son Journal of an Expedition Into the Interior of Tropical Australia de 1848, écrivait qu’il avait « compté neuf milles le long de la rivière pendant lesquels nous avons traversé une plaine herbeuse qui atteignait la sangle de nos selles », et que « des tas secs de cette herbe, qu’on avait arrachée expressément dans le but d’en récolter les graines, gisaient sur notre chemin sur plusieurs kilomètres ». Pour le journaliste Andrew Bolt dans le Herald Sun, Pascoe cite mal ses sources. La prairie faisait neuf milles. Les « épis arrimés » n’étaient que des tas d’herbe qui jonchaient le parcours, comme on peut s’y attendre de la part des chasseurs-cueilleurs. Andrew Bolt lui a posé des questions à ce sujet, mais n’a obtenu aucune réponse sur ces interprétations « osées » des sources historiques. Pas plus que lorsque Andrew Bolt l’a confronté aux archives officielles sur ses aïeuls en Australie, tous Anglo-saxons sur plus de trois générations.


Andrew Bolt (en anglais) sur la généalogie de Bruce Pascoe et comment les médias (surtout ABC) le couvrent.

Entretemps, au Québec...

En entrevue, Raphaël Picard, ex-chef de la communauté montagnaise de Pessamit, au Québec, dénonce les Indian Lovers déconnectés de la réalité du terrain. Les faux Autochtones sont-ils en train de se multiplier au pays de l’érable ?

Le 5 novembre dernier, les Canadiens ont appris que la toute première élue autochtone de la Ville de Montréal était loin de l’être réellement... En août 2018, la mairesse de cette ville, Valérie Plante, avait confié à Marie-Josée Parent le prestigieux dossier de la réconciliation avec les Premières Nations. Mme Parent a toutefois été forcée de se retirer du dossier après que deux historiens aient révélé qu’aucun ancêtre amérindien ne figurait dans son arbre généalogique. Dans leurs recherches, ces derniers ont remonté jusqu’au XVIIe siècle pour en venir à cette conclusion catégorique. « J’ai été élevée dans cette culture, avec ces valeurs et cette vision du monde. [...] Nos identités à moi et ma sœur vont au-delà d’un arbre généalogique », s’est défendue la principale intéressée dans une entrevue accordée à Radio Canada.

Faux Autochtones au Canada : pour un grand chef, « ça frise l’escroquerie ou la fraude ». Raphaël Picard est l’un de ces leaders amérindiens pour qui le récent phénomène des faux Autochtones représente une menace pour la survie même des Premières Nations. M. Picard a été chef (2002-2012) de la communauté montagnaise de Pessamit, sur la Côte-Nord du Québec. Paru en septembre dernier, son dernier ouvrage, Nutshimit, est un roman ethnographique consacré à l’imaginaire de son peuple. « Certaines personnes voudraient implanter une nouvelle manière de définir qui est Autochtone. Pourtant, la Loi fédérale sur les Indiens le définit déjà. Il y a des critères et l’origine ethnique en fait partie [...] Certaines personnes qui travaillent avec les Amérindiens développent un sentiment d’appartenance envers eux. Des gens finissent par s’autodésigner Autochtones, comme Marie-Josée Parent. C’est un problème. Concrètement, nous ne sommes pas des sociétés ouvertes », souligne d’entrée de jeu M. Picard à notre micro. Le 28 novembre dernier, M. Picard a publié une lettre sur le site de Radio Canada critiquant ces « Indian Lovers qui décident et agissent au nom des Premières Nations ». Dans cette lettre, l’ex-chef distingue les Amérindiens vivant sur leurs territoires d’une certaine diaspora autochtone urbaine, qu’il juge déconnectée de la réalité du terrain. Questionné à ce sujet par Spoutnik, M. Picard a tenu à redire son indignation : « Ce qui se passe à Montréal est injuste et anormal. Il y a des gens qui n’ont jamais vécu dans des communautés autochtones et qui prennent des décisions en notre nom, souvent par opportunisme. Ces orientations ont des répercussions importantes sur nos communautés, mais sont prises sans que nous soyons consultés », s’indigne-t-il. Raphaël Picard considère que les enjeux affectant les Autochtones en région sont trop grands pour qu’ils soient confiés à des organismes sans véritable lien avec le terrain. De fait, une majorité de communautés autochtones souffre de nombreux problèmes sociaux que les pouvoirs publics ont beaucoup de mal à enrayer. Pauvreté, manques de ressources en tout genre, alcoolisme, toxicomanie et inceste sont quelques-uns des plus graves problèmes recensés.

 « C’est une question de représentativité. Nous ne pouvons pas accepter que des gens méconnaissant notre réalité gèrent des organismes en notre nom. [...] À Montréal, il y a deux types de personnes. Premièrement, il y a les vrais Autochtones — les Indiens inscrits —, que nous respectons. Mais deuxièmement, il y a ces Indian Lovers, des gens qui disent aimer les Indiens... Ces gens essaient de se mêler à la diaspora autochtone de Montréal pour faire avancer leurs propres intérêts », dénonce le chef montagnais. Intellectuel engagé, Raphaël Picard estime même que le grand projet de réconciliation des Autochtones avec les Canadiens d’origine européenne est un leurre. Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le Premier ministre Justin Trudeau a d’ailleurs beaucoup insisté sur l’importance de revaloriser l’apport des Premières Nations. « L’une des causes de cette déconnexion entre les élites urbaines et la réalité autochtone sur les réserves est le projet de réconciliation. La réconciliation est utilisée à toutes les sauces par des personnes qui veulent obtenir des subventions ou des avantages. Nous ne voyons jamais la couleur de cet argent sur nos territoires. En Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, la réconciliation a été un énorme piège. Le Canada n’échappe pas à cette imposture », poursuit-il. Faute d’un rapide changement d’approche, M. Picard estime enfin que le phénomène des faux Autochtones est appelé à s’amplifier dans les prochaines années. Il s’inquiète aussi beaucoup pour l’avenir de son peuple : « La mondialisation a un effet pervers sur nos communautés. D’ailleurs, le multiculturalisme ne fait pas l’unanimité parmi nous, car il sert à noyer les minorités comme la nôtre [...] Que fera-t-on de nos langues ? Si on ne fait pas quelque chose, d’ici quelques années plus personne ne les parlera », a tristement conclu l’ancien chef de Pessamit.


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Nouvelle plainte contre Mme Duval Hesler — Inventer un droit nouveau

La juge Duval-Hesler avec le conférencier Robert Leckey
à l’Association de juristes Lord Reading, le 24 septembre 2019
On apprend par ailleurs que la juge Duval Hesler fait l’objet d’une nouvelle plainte pour ses actions en marge de la contestation de la loi 21. L’Association Lord Reading a reçu, le 24 septembre dernier, le doyen de la Faculté de droit de l’université McGill, Robert Leckey, pour une conférence dont le titre était Advocacy Notwithstanding the Notwithstanding Clause (Plaider nonobstant la clause dérogatoire). « Ses propos sont un véritable mode d’emploi pour les juristes et autres partisans du gouvernement des juges qui souhaitent invalider la loi 21 malgré la clause dérogatoire et en dépit du fait que cette législation ait été votée démocratiquement par l’Assemblée nationale du Québec », explique Frédéric Bastien, qui a fourni au journal Métro une exemplaire de l’allocation de M. Leckey.

« Pour arriver à ses fins, M. Leckey propose ni plus ni moins d’inventer de toute pièce du droit nouveau », s’inquiète le professeur. Nicole Duval Hesler était alors dans l’assistance. Elle se trouve dans les photos de l’événement affichées sur la page Facebook de l’association. L’ancien député bloquiste Yves Rocheleau a porté plainte au Conseil canadien de la magistrature en lien avec sa présence.

En entrevue à Métro, M. Bastien souligne que la juge a le droit de s’informer concernant les arguments pour et contre la loi 21. Mais sa présence physique à une telle conférence porte atteinte à son apparence de neutralité, selon lui. Rappelons que des dizaines de plaintes ont déjà été déposées contre la magistrate, notamment pour ses commentaires au Procureur général du Québec, Me Éric Cantin, lors de l’audience sur la suspension de la loi 21. « Qui souffre davantage, les allergies visuelles de certains, ou les enseignantes qui perdent la possibilité de s’engager dans la profession qu’elles ont choisi ? » avait-elle demandé.

Soupçons de partialité du juge Nicholas Kasirer de la Cour suprême du Canada

Lors de la nomination de Nicholas Kasirer à la Cour suprême du Canada l’été dernier, l’Association de juristes Lord Reading s’est réjouie sur Twitter en diffusant le message suivant le 11 juillet 2019 : « The Society is thrilled at the nomination of our member, past speaker and good friend the Honourable Nicholas Kasirer to the Supreme Court of Canada. We know he will serve this country brilliantly! ». (« La Société est ravie de la nomination de notre membre, ancien président et bon ami l’honorable Nicholas Kasirer à la Cour suprême du Canada. Nous savons qu’il servira ce pays avec brio ! ») L’association Lord Reading avait déjà, à ce stade, présenté un mémoire contre la loi 21 en commission parlementaire. Depuis, elle s’est jointe à la contestation de ladite loi devant les tribunaux.

Pour l’historien Frédéric Bastien, la Cour suprême doit aussi clarifier le rôle que jouerait le juge Kasirer si, selon toute vraisemblance, la contestation de la loi 21 se rend en Cour suprême, ce qui pourrait arriver rapidement sur la question de la suspension de la loi et ce qui pourrait arriver plus tard sur la question du fond. Les liens entre le juge Kasirer et Lord Reading le mettent dans une position délicate pour entendre cette cause. Le juge Kasirer devait présenter la juge Duval-Hesler dans une conférence qu’elle devait donner le 10 décembre 2019 à Lord Reading et qui a été reportée. Cette organisation est au front contre la loi 21.



Billet originel du 6 décembre

Adoptée en juin 2019, la nouvelle Loi québécoise sur la laïcité de l’État (loi 21) doit maintenant passer le test des tribunaux. Mais voilà que la juge chargée d’examiner la loi est accusée de partialité.

Spoutnik a fait le point avec le plaignant, l’historien Frédéric Bastien, et Guillaume Rousseau, l’un des architectes de cette loi controversée.


C’est un rebondissement majeur dans le duel épique que se livrent partisans canadiens de la laïcité et du multiculturalisme au Québec. Conseiller du Premier ministre québécois sur la laïcité : « la question nationaliste revient ».

Le 1er décembre dernier, l’historien réputé Frédéric Bastien a déposé une plainte au Conseil canadien de la magistrature en lien avec la nouvelle Loi québécoise sur la laïcité de l’État. Selon lui, le juge chargé d’entendre la requête d’opposants à la loi ne serait pas impartial dans ce dossier. La juge en chef Nicole Duval Hesler doit prochainement rendre une décision concernant la suspension éventuelle de cette loi qui interdit le port de signes religieux aux juges, policiers, gardiens de prison et enseignants.

« J’ai porté plainte jeudi au Conseil canadien de la magistrature contre la juge en chef de la Cour d’appel du Québec, Mme Nicole Duval Hesler, dans la cause en appel qu’elle entend sur la suspension de la loi 21. La juge en chef a manqué à son devoir de réserve pour plusieurs raisons et elle devrait se récuser », a écrit l’historien et professeur au collège Dawson de Montréal sur sa page Facebook.

La juge Duval Hesler ferait preuve de « militantisme juridique », estime-t-il, ce qui le rendrait inapte à se prononcer sur la loi. « Mme Duval Hesler est une juge militante. C’est quelqu’un qui fait de l’activisme juridique en raison de son adhésion au multiculturalisme et de son rejet de la laïcité. D’ailleurs, presque tous les juges fédéraux au Canada partagent cette même vision, étant tous nommés par le gouvernement fédéral. Le jupon dépasse beaucoup... Elle viole son devoir de réserve », a tranché M. Bastien au micro de Spoutnik.

Professeur de droit à l’Université de Sherbrooke et ex-conseiller du gouvernement Legault sur la laïcité, Guillaume Rousseau estime que des questions soulevées par son collègue sont légitimes. M. Rousseau est l’un des architectes de la loi 21 et en publiera prochainement une version annotée. Selon lui, le fait que le juge en chef ait plusieurs fois exprimé son désaccord avec la laïcité est matière à réflexion. Les principes de déontologie judiciaire déconseillent fortement à un juge d’exprimer publiquement des opinions politiques, rappelle-t-il. ​Pourtant, dans un texte juridique publié en 2011, Mme Duval Hesler écrivait que le multiculturalisme était un phénomène inéluctable qu’il était vain de remettre en cause. Rappelons que le multiculturalisme est perçu comme une idéologie fondamentalement opposée à l’interdiction des signes religieux au Canada.

« C’est donc dire que le discours sur les conséquences négatives du multiculturalisme ne peut mener nulle part. L’on ne saurait par diktat mettre fin au multiculturalisme, pas plus que l’on ne saurait ignorer le besoin d’accommoder nos minorités », écrivait notamment Mme Duval Hesler dans ce texte. Par ses commentaires et son attitude lors d’une récente audience, Mme Duval Hesler peut être perçue comme ayant exprimé un préjugé favorable envers les opposants à la loi, observe M. Rousseau. « Au cours de l’audience du 26 novembre 2019, les juges Duval Hesler et Bélanger se sont montrées beaucoup plus dures envers les avocats représentant le Procureur général et donc le gouvernement Legault. Ces mêmes juges se sont montrées beaucoup moins dures envers les avocates des appelantes et elles ont exprimé des opinions politiques défavorables à la loi 21 en pleine Cour », s’indigne le professeur. Selon les informations recueillies par Spoutnik, au cours de cette même audience, la juge Duval Hesler s’est déclaré « féministe », en faisant notamment valoir que la Loi affecterait particulièrement les femmes. La juge en chef a également comparé la loi à des « allergies visuelles » envers les signes religieux, des propos qui refléteraient des opinions politiques impropres à être exprimées à la Cour.


Frédéric Bastien se demande toutefois si cette vision ne serait tout simplement pas celle exprimée dans la Constitution canadienne : « Cette vision défavorable de la laïcité fait toutefois partie de l’ADN même du régime constitutionnel canadien implanté en 1982. La Charte des droits et libertés, qui a été intégrée à la Constitution, sert à imposer au Québec le multiculturalisme et le bilinguisme canadien. Les juges fédéraux sont le fer de lance de ce travail permanent visant à affaiblir l’identité québécoise. Le comportement de la juge en chef est un très bel exemple de cette logique du régime », analyse Frédéric Bastien. Le 10 décembre prochain, Mme Duval Hesler devait prononcer un discours à l’occasion d’une soirée de charité [pour collecter de l’argent] pour le compte de l’association Lord Reading, connue pour son opposition à la laïcité. Un autre élément faisant douter de l’impartialité du juge dans ce dossier épineux.

Personnalité pressentie pour devenir chef du Parti québécois (PQ), principale formation souverainiste au Québec, M. Bastien espère donc que la juge en chef décide de lui-même de se récuser, seule manière de changer la composition du tribunal. Quant à Guillaume Rousseau, anticipant un maintien de la magistrate, il espère que celle-ci respectera le droit du Québec à utiliser la clause dérogatoire, laquelle permet de mettre des lois importantes à l’abri du « gouvernement des juges ». « Si la Loi sur la laïcité de l’État était suspendue par la Cour d’appel, il s’agirait d’un immense recul pour la démocratie parlementaire et l’autonomie du Québec. Par le fait même, il s’agirait d’une victoire du gouvernement des juges », a conclu le professeur.

Cela fait des années que Frédéric Bastien, se penche sur le gouvernement par les juges et sur la Constitution canadienne de 1982. Son livre phare La bataille de Londres raconte comme un roman excitant les magouilles jamais révélées derrière le rapatriement de 1982 que le Québec s’est fait enfoncer dans la gorge. Il est allé fouiller dans les archives du Foreign Office de Londres, ouvrant des dossiers jamais consultés, pour raconter l’inédit. La Constitution de 1982 a redéfini le pouvoir des tribunaux. Il faut mesurer son impact sur l’identité au Québec, sur le multiculturalisme qui nous est imposé.