jeudi 30 août 2018

L’autonomie des écoles, un levier contre l’échec scolaire

Les meilleures écoles sont celles disposant d’une grande autonomie sur le recrutement des professeurs. Il faut offrir cette liberté à nos établissements pour redresser le niveau des élèves.

L’OCDE a récemment publié un rapport PISA qui tord le cou a plusieurs idées reçues. Cette étude insiste sur le fait que la qualité de l’école est d’abord celle de ses enseignants et que les écoles en milieu défavorisé parviennent à relever le niveau de leurs élèves en attirant les meilleurs d’entre eux plus qu’en réduisant la taille des effectifs des classes.

Le rapport montre aussi que les pays où les populations désavantagées bénéficient d’enseignants de qualité sont globalement ceux où les écoles ont une plus grande autonomie d’embauche, voire de licenciement, des professeurs. Ceci n’est pas le cas dans les pays du sud de l’Europe, où l’enseignement public est dominant, avec des enseignants bénéficiant d’un statut prévoyant leur avancement plus à l’ancienneté qu’au mérite et dans un cadre très contraint.

Selon cette étude, dans 13 des 19 pays les plus performants sur le plan scolaire, plus de 80 % des élèves de 15 ans étudient dans des écoles dont la gouvernance a la responsabilité de recruter ses enseignants, et dans 9 de ces 19 pays, de s’en séparer. Il y a des exceptions, et la plus notable est la Suède, qui dispose d’un vaste réseau d’écoles privées ou associatives dont les parents ont le libre choix au travers d’un bon scolaire. Mais le système scolaire suédois peine à faire face à un afflux considérable de migrants ces dernières années, jusqu’à 160 000 en 2016, l’équivalent en termes de population de 1,3 million pour l’Allemagne. [Notons aussi que les écoles privées suédoises — comme les Québécois (essayez de ne pas enseigner ECR !) — bénéficient de peu de liberté quant au programme d’enseignement.]

Expérimentation britannique

L’autonomie des écoles favorise tout à la fois l’adaptation des rémunérations en fonction de la performance, et peut-être plus encore des organisations plus souples et plus attentives aux besoins des élèves et aux préoccupations des enseignants. Les conditions de travail, la formation permanente, l’évaluation régulière et la participation au projet de l’école en sont les principaux exemples.

Le Royaume-Uni a amélioré de 9 points son classement PISA

Le Royaume-Uni a expérimenté l’intérêt de cette autonomie en favorisant l’émergence d’un nouveau type d’établissement : les académies. Indépendantes, mais subventionnées, elles représentent désormais plus du quart des établissements financés par l’État. Dans le même temps, le Royaume-Uni a amélioré de 9 points son classement PISA (moyenne des trois disciplines), tandis que le budget alloué à l’éducation par rapport au PIB diminuait de 21,54 % selon Eurostat.

Dans le classement PISA 2015, la France était 25e en moyenne et, au sens de l’OCDE, son système serait peu performant et inégalitaire. Ces résultats sont confirmés par le dernier Programme international de recherche en lecture scolaire, réalisé en 2016 auprès des élèves de 50 pays du monde, à la fin de leur quatrième année de scolarité obligatoire — en CM1 donc, pour la France. Celle-ci est en 34e position.

Écoles hors contrat (non subventionnées et libres)

Les efforts de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale pour faire bouger le « mammouth » sont courageux et encourageants. Mais suffiront-ils face aux terribles résistances intérieures qui risquent de s’y opposer ? Une vraie et profonde autonomie, nécessaire, a peu de chances d’être mise en œuvre dans un milieu sclérosé par son statut. Sauf peut-être à favoriser la concurrence qui l’obligerait à réagir pour survivre et encouragerait de nouvelles expériences éducatives, en même temps qu’elle susciterait une offre plus large pour s’adapter aux besoins des enfants.

À cet effet, l’État pourrait, sous un certain contrôle, accorder aux écoles hors contrat un montant par élève équivalent au coût supporté pour les élèves des écoles privées sous contrat. Ce qui serait justice, car l’État n’a pas à financer que « ses » écoles, mais faire en sorte que tous les enfants soient instruits dans le respect du choix éducatif de leurs parents.

Jean-Philippe Delsol,
Président de l’Institut de recherches économiques et fiscales (Iref).

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Chine — Taxer les couples de moins de 40 ans jusqu'à la deuxième naissance ?

Après la politique de l’enfant unique mise en place en Chine en 1979, assouplie depuis 2005, Pékin s’apprête à présent à renoncer à toute régulation des naissances, car c’est aujourd’hui le vieillissement de la population qui inquiète.

​Selon un journal juridique officiel, Pékin va mettre un terme à quarante ans de planification familiale avec un code civil qui ne fait plus référence à la limitation du nombre d’enfants par couples. La législation avait déjà été assouplie en octobre 2015.

Mais en dépit des efforts de Pékin, le taux de natalité reste désespérément bas. En 2017, la Chine a dénombré 1,6 enfant par femme — le même chiffre que le Québec où personne ne semble parler de natalité malgré des impacts linguistiques et culturels évidents liés à cet effondrement démographique —, bien au-dessous des 2,1 nécessaires au renouvellement de la population. Beaucoup de couples refusent encore aujourd’hui de donner naissance en raison du coût élevé de l’éducation ainsi que du sacrifice qu’enfanter constitue pour les travailleurs chinois.

Or, le vieillissement de sa population devient un enjeu de plus en plus pressant pour le géant asiatique. Depuis 1965, le nombre de seniors a grimpé de 4 à 10 %. Le nombre d’adultes en âge de travailler a baissé de près de 5,5 millions en 2017. Et la tendance va s’aggraver avec le temps : selon les estimations du gouvernement, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans devrait tutoyer les 487 millions en 2050, pour atteindre près de 35 % de la population totale.

Dans de nombreuses familles, il y a un seul petit-enfant pour quatre grand-parents. Résultat : une pyramide des âges déséquilibrée.
Avoir un bébé ? Ou deux ? Pourquoi pas trois ? Ou quatre ? Le Parti communiste semble décidé : les Chinois, eux aussi, pourront bientôt fonder des familles nombreuses. Dans les rues de Shanghai, la nouvelle est très bien accueillie. La mesure est envisagée pour 2020. Terminées, donc, les limitations de naissances instaurées il y a quarante ans. Car il y a urgence : la Chine vieillit et a besoin de bras pour travailler. Pour la sixième année consécutive, la population active a chuté : -5,5 millions de travailleurs en 2017, et le nombre des plus de 60 ans devrait doubler en vingt ans pour atteindre 35 % de la population.

Pour rééquilibrer sa démographie, Pékin compte donc sur ses familles, mais elles sont souvent réticentes. Ce jeune Chinois de 4 ans est fils unique. Comme la plupart des Chinois de la classe moyenne, ses parents n’envisagent pas de profiter de cette mesure. Signe de l’inquiétude des autorités : pour pousser ces familles à s’agrandir, des chercheurs proposent de taxer les couples de moins de 40 ans jusqu’à ce qu’ils aient au moins deux enfants.

Les élèves en difficulté plus nombreux en réalité, selon des profs

Dans les écoles publiques québécoises, la proportion d’élèves en difficulté est jusqu’à deux fois plus élevée que celle que donne le portrait dressé par le ministère de l’Éducation, selon certains enseignants.

C’est du moins l’un des résultats d’une enquête menée par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), dont « Le Journal de Québec » a obtenu une copie. Environ 8500 employés du réseau scolaire public ont participé à ce coup de sonde au printemps dernier, dont plus de 5000 enseignants.

Selon les chiffres officiels du ministère de l’Éducation, la proportion d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage — qu’on appelle les EHDAA dans le jargon scolaire — est d’environ 20 % au primaire et de 30 % au secondaire, dans le réseau public. Ces élèves ont besoin de services particuliers qui sont détaillés dans un plan d’intervention.

Or, davantage d’élèves devraient être identifiés comme tels par le ministère de l’Éducation, selon les enseignants interrogés. Ces derniers estiment que la proportion d’élèves en difficulté dans les classes ordinaires varie plutôt entre 32 % et 41 % en réalité. « C’est à peu près le double des enfants qui ont des besoins particuliers, selon les enseignants. C’est particulièrement préoccupant », lance Eve-Lyne Couturier, chercheuse à l’IRIS et coauteure du rapport de recherche Portrait de la situation dans les écoles du Québec.

Le nombre d’élèves en difficulté est en hausse

Certains élèves en difficulté ne seraient pas identifiés comme tels, parce que les services ne sont pas au rendez-vous, expliquent les enseignants interrogés. Selon eux, les longues listes d’attente pour des services en psychologie ou en orthophonie dans les écoles publiques privent ces élèves d’une évaluation en bonne et due forme.

« Le nombre d’élèves en difficulté est en hausse, et l’impact sur les conditions de travail est bien réel », ajoute Mme Couturier. Une majorité d’enseignants estiment que le nombre d’heures supplémentaires qu’ils consacrent à leur travail a augmenté au cours des cinq dernières années. Près du tiers des enseignants affirment vivre de l’épuisement émotionnel lié à leur travail.

Les compressions des dernières années en éducation ont aussi contribué à assombrir le portrait, peut-on lire dans le rapport de l’IRIS. L’Institut estime que le manque à gagner dans le réseau scolaire est de 1,4 milliard $, soit la somme qu’il aurait fallu investir en 2016-2017 afin de combler l’augmentation des coûts de système depuis 2003.

Bémol

Notons que l’IRIS est un organisme assez partisan qui préconise toujours plus d’interventions de l’État et ne remet pas en cause l’idée que les politiques étatistes et une certaine décomposition familiale pourraient être à la base de ces difficultés. Le Québec est fier de sa « modernité », il y naît beaucoup d’enfants hors mariage, le mariage n’est plus de mode. Le Québec aide beaucoup les familles monoparentales. Or on sait, notamment, que la décomposition familiale et les familles monoparentales s’accompagnent de problèmes sociaux et éducatifs (voir liens au bas du billet). Se pourrait-il que la « modernité » du Québec engendre ces difficultés en hausse ?

On pourrait bien sûr émettre d’autres hypothèses à cette hausse contemporaine du nombre d’élèves en difficulté.  On peut notamment considérer que le « complexe éducatif » — les syndicats d'enseignants, la bureaucratie — a tout intérêt à gonfler ce nombre afin d’attirer davantage de subventions et de faire grossir leurs rangs. Ensuite, il se pourrait que l’école québécoise elle-même crée des conditions qui augmentent dans une certaine mesure les élèves en difficultés par une pédagogie inefficace ou, par exemple, par une cadre peu propice à certains profils en particulier chez les garçons. Les raisons sont sans doute complexes et multifactorielles. Mais ce qui est frappant c’est que l’on parle très peu des causes de cette augmentation récente dans le nombre des élèves en difficultés, on se concentre plutôt sur la réponse facile : l’augmentation des dépenses.

Quant aux compressions des dernières années, il faut relativiser leur ampleur. Au cours des dix dernières années, les dépenses publiques en éducation de la maternelle à la fin du secondaire, en incluant les parcours professionnels et l’éducation des adultes, sont passées de 11,3 à 12,9 milliards $ en dollars constants, une hausse de 14,1 %. Cependant, durant la même période, le nombre total d’élèves dans le secteur public a diminué de 1,05 million à 983 000, une baisse de 6,5 % (voir Figure 1 ci-dessous). Ces chiffres excluent l’éducation supérieure et les subventions à l’école privée. Les dépenses réelles pour chaque élève (c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation) sont donc passées de 10 791 $ à 13 162 $, une hausse de 22 % en dix ans. Cette augmentation a un effet considérable sur les finances du Québec, puisque l’éducation est le second poste de dépenses en importance, derrière la santé. Pour juger de cet impact, notons seulement que si les dépenses réelles par élève étaient restées stables au cours de la période étudiée, les dépenses totales de l’État auraient été de 2,3 milliards $ moins élevées en 2015-16.



Le rapport élèves-enseignant dans les commissions scolaires est passé de 14,4 à 13,2 entre 2006-07 et 2015-16. Ce changement, qui peut sembler minime, a eu des impacts considérables sur les coûts récurrents en éducation.

La deuxième cause d’augmentation des dépenses est liée aux paiements de l’État dans les caisses de retraite des employés, qui ont bondi de près de 50 % en tenant compte de l’inflation lors de cette même période. La troisième raison est le vieillissement des employés : comme on embauche pour le moment relativement peu de nouveaux professeurs, la progression automatique dans l’échelle salariale au fil des années fait augmenter les coûts par employé.


Améliorer la situation selon ces professeurs

Afin d’améliorer la situation, les enseignants interrogés réclament une nouvelle diminution du nombre d’élèves par classe et encore plus de ressources pour les élèves en difficulté.

Selon les chiffres du ministère de l’Éducation, près de 20 % des profs ont reçu une compensation financière pour des dépassements du nombre d’élèves dans leur groupe en 2016-2017, une proportion relativement stable au cours des dernières années.

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