mardi 10 décembre 2024

Les immigrants en Islande apprennent peu l'islandais

L’Islande compte 20 % d’immigrés dans sa population de 400 000 habitants, dont très peu parlent l’islandais, engendrant des problèmes de « surqualification » (selon l’AFP) pour les adultes et d’échec scolaire pour les enfants tout en fragilisant la cohésion sociale du pays.

Kanyamon Juisikaew, 46 ans, a quitté la Thaïlande il y a six ans pour Reykjavik et s’est mariée avec un Islandais.


« J’aimerais communiquer avec les Islandais lorsque nous sommes en famille, car nous sommes une famille islandaise. Et au travail, lorsque nous avons des réunions, je ne peux pas comprendre », déplore Kanyamom.

Elle vient de sauter le pas et de profiter des cours de langue offerts sur ses heures de travail, une occasion donnée par une poignée d’entreprises et institutions.

De l’autre côté de la table, sa collègue Carolina Rivas espère évoluer dans sa carrière grâce à ces cours.

« C’est très difficile d’étudier après le travail », explique cette Colombienne de 38 ans. « Donc c’est vraiment bien de pouvoir utiliser le temps de travail pour apprendre cette langue qui demande beaucoup de temps ».

L’Islande est le pays de l’OCDE dont la population immigrée a le plus fortement augmenté, passant de 3 % de sa population totale au début des années 2000 à 20 % l’an dernier.

Le pays nordique a fait appel à l’immigration dans les années 2000 pour faire face à l’essor du tourisme et aux emplois de service à faible rémunération.

« On ne peut pas se permettre d’avoir 20 % de la population qui ne parle pas la langue. Le fait qu’une grande partie de la population soit composée de migrants qui ne parlent pas la langue devient donc une question de cohésion sociale pour l’Islande », souligne Thomas Liebig, administrateur responsable de la division des migrations internationales de l’OCDE.

Cette main-d’œuvre, principalement originaire de l’espace économique européen, détient le taux d’emploi le plus élevé de l’OCDE, mais souffre de « surqualification » (comprendre elle occupe des postes modestes parce qu’il lui manque une qualification : la connaissance de la langue nationale).

Dans l’institut de formation Mimir de Reykjavik, des dizaines de personnes passent l’examen d’islandais pour obtenir la nationalité, à côté de salles de classe combles.

« Nous constatons une augmentation annuelle d’environ 20 % des inscriptions » remarque Joanna Dominiczak, directrice des programmes de langue islandaise. « En septembre, nous avons dû arrêter de proposer des cours parce que le financement était terminé. »

À l’instar du pays, l’une des plus grandes chaines de supermarché, Kronan, emploie 25 % de migrants, un défi pour la directrice des ressources humaines Ásta Baerings qui reconnait qu’il est difficile de faire apprendre l’islandais à de nouveaux arrivants qui ne sont pas sûrs de rester dans le pays.

« Ça va dans les deux sens. On doit aussi essayer de traduire tous nos contenus dans ces langues afin de s’assurer que tout fonctionne correctement au travail », défend-elle.

L’entreprise traduira l’année prochaine toutes ses communications en trente langues afin d’aider les 47 nationalités qui travaillent dans ses magasins, tout en proposant une panoplie d’applications et cours en ligne sur la base du volontariat.

Anthony John Saunders a poussé les portes de Kronan en arrivant d’Angleterre après le Brexit et n’a pas quitté les lieux depuis, devenant gérant d’un des magasins.

« En tant qu’anglophone, je pense que l’Islande a été assez facile à intégrer, car tout le monde parle très bien anglais » raconte-t-il.

Le commerçant parle très peu islandais, mais espère progresser grâce à l’appli personnalisable offerte par Kronan qu’il vient d’installer.

« Cela renvoie également la façon dont nous, Islandais, percevons notre propre langue » analyse Yrsa Thöll Gylfadóttir, écrivaine et professeure d’islandais.

« Certains d’entre nous semblent avoir un complexe d’infériorité et ne croient pas que quelqu’un veuille ou puisse apprendre notre langue […] C’est donc aussi notre isolement, notre microlangue et notre micro-environnement qui sont en cause ».

« Les Islandais ont donc souvent recours à l’anglais lorsqu’ils s’adressent à des personnes ayant un accent. »

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