Selon sa dernière enquête de l’Union nationale des familles (Unaf), publiée le 11 janvier, les Français aimeraient avoir en moyenne 2,27 enfants, contre 1,7 dans les faits.
Les chiffres, on le sait, seront mauvais. Mardi 16 janvier, l’Insee doit publier son bilan démographique pour l’année 2023 et le nombre de naissances sera encore à la baisse par rapport à 2022, une année déjà marquée par un niveau historiquement bas. L’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) pourrait même descendre sous 1,7 enfant par femme, contre 1,8 un an plus tôt. En novembre, date des dernières statistiques mensuelles, la baisse était ininterrompue depuis dix-sept mois. Elle est même continue depuis 2011 (1), avec un seul rebond en 2021, après une année marquée par l’épidémie de Covid.
Certes, la France reste la championne de la fécondité dans le monde occidental et notamment en Europe mais elle se rapproche de plus en plus de ses voisins. Faut-il dès lors revoir la politique familiale pour tenter d’inverser la courbe ? Pour le démographe Gilles Pison, il n’y a pas encore péril en la demeure. « La baisse observée depuis 2010 est importante mais elle n’est pas nouvelle », explique ce professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle, conseiller de la direction de l’Institut national d’études démographiques (Ined). « Les naissances fluctuent d’une année à l’autre, avec des périodes où elles ont tendance à augmenter et d’autres où elles baissent. Entre 1980 et 1995, la natalité a beaucoup diminué, avec un creux des naissances en 1993-1994 et un indice de fécondité de 1,66 enfant par femme. Puis elle est repartie à la hausse. Aujourd’hui, il est difficile de dire si nous sommes toujours dans cette période d’alternance, mais il est possible que les naissances augmentent à nouveau. »
Son collègue Didier Breton en est convaincu. « La natalité va encore baisser pendant sept à huit ans puis remontera entre 2030 et 2035 », assure-t-il. Le démographe, enseignant à l’université de Strasbourg et chercheur associé à l’Ined, n’a pas de boule de cristal mais fait des projections. « Entre 1998 et 2013, il y a eu beaucoup de naissances, avec un pic en 2010, et les femmes nées dans ces années-là vont entrer petit à petit dans l’âge d’avoir des enfants, développe-t-il. Toutes n’en auront pas, mais comme elles sont nombreuses cela produira mathématiquement une hausse du nombre de naissances… sauf si la fécondité s’effondre totalement. »
Un taux de fécondité qui ne reflète pas le désir d’enfants des Français
Cet indice reste une inconnue mais l’Union nationale des familles (Unaf) estime qu’il pourrait augmenter si on accompagnait mieux les couples. Selon sa dernière enquête, publiée le 11 janvier, les Français n’ont pas autant d’enfants qu’ils le souhaitent. Idéalement, ils aimeraient en avoir en moyenne 2,27, contre 1,7 dans les faits. La famille idéale est constituée de deux enfants pour 49 % des parents et de trois enfants ou plus pour plus d’un tiers. « Les conditions matérielles jouent un rôle important dans le décalage entre aspiration et réalisation, notamment en reportant l’arrivée des enfants, explique Bernard Tranchand, vice-président de l’Unaf. Répondre à l’aspiration des parents constitue un véritable enjeu politique et démocratique, sans compter l’impact sur la vitalité des territoires, sur l’activité économique et sur l’équilibre du système de protection sociale. »
Une population qui décroît aurait en effet des conséquences sur « le financement des retraites mais aussi sur la fermeture d’établissements scolaires, la croissance économique, les finances publiques et l’innovation », analyse le sociologue Julien Damon. Qu’il s’agisse des pensions de retraite, de l’assurance-chômage, de l’éducation ou de la santé, le modèle de société français « relève d’un principe de répartition de la charge et du risque sur l’ensemble de la population active », relève une note stratégique du haut-commissariat au plan. Il faut donc suffisamment d’actifs pour préserver le système de protection sociale. « La question démographique est bien plus marquante pour l’avenir de notre nation qu’elle ne l’est pour toute autre », rappelle la note.
Natalité : pourquoi les Français font moins de bébés ?
« Si on veut que la fécondité augmente,il faut permettre aux parents de réaliser leur désir d’enfants et cela passe d’abord par une meilleure conciliation entre vie de famille et vie professionnelle, explique Julien Damon, auteur d’un rapport sur le sujet. Les études montrent que les allocations et le quotient familial ont un impact très limité. Les primes peuvent changer le calendrier des naissances, mais n’augmentent pas la fécondité. Aujourd’hui, les couples veulent surtout être sûrs d’avoir un mode de garde. Il faut miser sur l’accueil de la petite enfance mais aussi permettre à ceux qui le souhaitent de prendre un congé parental plus court et mieux indemnisé. » Julien Damon préconise également un soutien aux familles recomposées. « C’est dans ces foyers, dit-il, qu’il y a la possibilité d’avoir des enfants en plus. » L’économiste Marc De Basquiat propose, lui, de simplifier le « maquis » des politiques familiales « en remplaçant les 14 dispositifs actuels par une allocation unique et universelle de 250 € par enfant jusqu’à 18 ans ».
[La Croix néglige totalement les 100.000 jeunes Français, souvent diplômés, qui quittent la France pour s'établir ailleurs. Fin 2020, la présence française à l’étranger était estimée à plus de 2,5 millions de personnes. L'absence de ces jeunes couples plombe la natalité française.]
La démographie, un enjeu écologique
Ces deux spécialistes estiment que la solution la plus efficace serait un recours plus important à l’immigration, mais reconnaissent que le climat actuel n’est pas porteur. Elle pourrait pourtant s’avérer incontournable face à la crise climatique et à l’épuisement des ressources. « Nous sommes trop nombreux sur terre, juge l’essayiste Antoine Buéno. Il faut maîtriser la natalité mondiale aussi bien au Nord, où les habitants émettent beaucoup de gaz à effet de serre, qu’au Sud où il y a un risque d’explosion démographique. Dans les pays occidentaux, le recours à l’immigration reste un levier pour remédier aux effets du vieillissement de la population, à condition de mener une vraie politique d’accueil et d’assimilation. » [C'est tiré de la Croix....donc très à gauche]
Gilles Pison ne partage pas ces inquiétudes quant à la surpopulation. « Les projections moyennes des Nations unies annoncent autour de 10 milliards d’habitants en 2050 mais guère plus ensuite, la population diminuant même à la fin du siècle et au siècle prochain, précise-t-il. Autrement dit, la population mondiale continue d’augmenter mais le rythme décélère depuis soixante ans. Partout dans le monde, les couples veulent moins d’enfants. La question n’est pas tant de savoir si nous serons trop nombreux mais comment nous vivrons. Aux jeunes qui s’interrogent, je leur dis : ” Si vous ne voulez pas d’enfants, n’en faites pas et si vous en voulez, faites-en autant que vous le souhaitez mais éduquez-les pour qu’ils aient un mode de vie durable”. »
Source : La Croix
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La population mondiale
La population de l’Afrique subsaharienne devrait presque doubler d’ici à 2050, alors que celle de l’Europe et de l’Amérique du Nord n’augmenterait que de 0,4 %.
Huit pays représentent plus de la moitié de la croissance démographique projetée d’ici à 2050 : Congo (RDC), Égypte, Éthiopie, Inde, Nigeria, Pakistan, Philippines et Tanzanie. L’Inde a dépassé la Chine en tant que pays le plus peuplé du monde en 2023.
Les femmes ont moins d’enfants dans l’ensemble, mais les taux de fécondité restent élevés dans certaines parties du monde : Afrique subsaharienne (4,6 enfants), Océanie (3,1 – hors Australie et Nouvelle-Zélande), Afrique du Nord et Asie occidentale (2,8), Asie centrale et méridionale (2,3). Le taux de fécondité mondial, qui est passé de 3,3 enfants par femme en 1990 à 2,3 en 2021, devrait encore reculer à 2,1 en 2050.
Source : Ined
(1) Il y a eu un rebond en 2014 dû à l’intégration de Mayotte.
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