jeudi 21 septembre 2023

Seule la moitié des élèves de sixième savent « Combien y a-t-il de quarts d’heure dans trois quarts d’heure ? »


Le Conseil scientifique de l’Éducation nationale relève un « énorme déficit de compréhension des fractions ».

« Combien y a-t-il de quarts d’heure dans trois quarts d’heure ? » À cette question apparemment simple, seule la moitié des élèves qui entrent en sixième trouve la bonne réponse. Dans une note d’alerte publiée le 20 septembre, le Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN), présidé par le neuroscientifique Stanislas Dehaene, conclut à une « inquiétante mécompréhension » des nombres et surtout des fractions de la part des élèves qui sortent de l’école primaire.

Pour beaucoup, « les nombres décimaux et les fractions n’ont aucun sens. Or, la compréhension de ces outils mathématiques est indispensable à la mesure de n’importe quelle dimension physique », souligne le Conseil scientifique, qui appuie son constat sur les évaluations pratiquées à l’entrée en sixième, notamment un test informatisé, consistant à placer différents nombres sur une ligne numérique graduée. Un test qui « oblige à réfléchir à la grandeur que ces nombres représentent, alors que trop d’élèves se contentent de les manipuler sans nécessairement en comprendre le sens », explique la note. Sur une ligne graduée de 0 à 5, seuls 22 % placent correctement la fraction ½. Les erreurs révèlent aussi « une vaste confusion entre différents types de nombres », et « une méconnaissance du sens des symboles ». Les élèves confondent ainsi ½ avec 1,2, ou encore 2/1 avec 2,1. Ils se trompent également dans les calculs avec les nombres décimaux : beaucoup pensent que 0,8 + 1 fait 0,9.

Ce déficit de compréhension concerne tous les milieux sociaux. S’il atteint 85 % en éducation prioritaire, il reste élevé (75 %) hors éducation prioritaire et dans les écoles privées. Les filles, elles, font beaucoup plus d’erreurs que les garçons. Le Conseil scientifique constate par ailleurs qu’« aucune évolution positive » n’a été enregistrée depuis trois ans et que cet « énorme déficit de compréhension des fractions » s’observe tout au long de la scolarité. Si le taux d’erreurs diminue, il reste encore trop élevé en seconde générale, où les élèves échouent à 45 % sur des fractions simples. Ces constats viennent confirmer les résultats des enquêtes internationales Pisa (la prochaine évaluation, centrée sur les maths justement, sera dévoilée le 5 décembre) et Timms, qui soulignent le retard considérable des élèves français en mathématiques. Dans cette discipline, la France occupe la dernière place en Europe.

Le mal à la racine

À l’heure où les maths font cette année leur grand retour en classe de première dans les enseignements obligatoires, le Conseil scientifique émet quelques propositions pour prendre le mal à la racine, en introduisant les concepts mathématiques « plus tôt, de façon progressive et intuitive ». Actuellement, c’est au CM1 [âge : 9 à 10 ans] et surtout au CM2 que les décimaux et les fractions sont introduits conjointement, « ce qui explique sans doute pourquoi les élèves les confondent », souligne le Csen. « Ce brusque saut dans l’abstraction perd de nombreux élèves », ajoute-t-il. Selon lui, les mots « moitié » et « quart » doivent être connus dès le CP [âge : 6 à 7 ans]. Il estime aussi que l’on peut déjà jouer avec ces concepts de façon concrète dans des activités de partage de mesure ou de lecture de l’horloge. « La méthode de Singapour introduit dès le CE1 les fractions simples, depuis 1/2 jusqu’à 1/6 », glisse-t-il, avant de suggérer de composer et décomposer des formes géométriques, de manipuler des ensembles concrets d’objets ou encore de mesurer. Le b. a.-ba. 
 
Méthodologie
 
Le test de la ligne numérique. Depuis 3 ans, la DEPP évalue chaque année un échantillon représentatif de près de 6 000 élèves à l’entrée de sixième à l’aide d’un test informatisé et ludique qui consiste à placer différents nombres sur une ligne numérique graduée (voir la figure). Ce test est intéressant parce qu’il nécessite de comprendre le sens d’un nombre comme 2,6 ou 1 /10, ou d’une opération telle que 0,4 + 2 ou 1+1/2. Le test oblige à réfléchir à la grandeur que ces nombres représentent – alors que trop d’élèves se contentent de les manipuler sans nécessairement en comprendre le sens. 
 

 

Le déficit de compréhension est présent dans tous les milieux
 
Dans le réseau d'éducation prioritaire (REP, qui correspond en grande partie aux banlieues immigrées), le taux d’erreurs avec les fractions atteint 85 %. Hors REP et dans les écoles privées, il reste très élevé, de l’ordre de 75 % (voir figure ci-dessous). Même les élèves qui fréquentent des écoles considérées comme les plus favorisées, avec un indicateur de position sociale dans les 10 % les plus élevés, font près de 70 % d’erreurs.
 

Les filles font bien plus d’erreurs que les garçons
 
Dans l’ensemble, on observe un écart d’environ 0,3 écart-type au profit des garçons – mais cet écart atteint 0,6 écart-type chez les meilleurs élèves pour la compréhension des fractions. Autrement dit, parmi les 20 % d’élèves les meilleurs au test de la ligne numérique, deux tiers sont des garçons
 
Aucune évolution positive détectée depuis 3 ans
 
Les données collectées en début de 6e en septembre 2020, 2021, et 2022 sont pratiquement superposables. Cette absence d’amélioration suggère que des actions beaucoup plus vigoureuses doivent être entreprises pour mieux enseigner les nombres et les fractions au primaire.
 

Source

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