mardi 16 novembre 2021

Steven Guilbeault : la lutte contre les changements climatiques passe par le savoir et le leadership autochtone

Déclaration lors de la COP 26 à Glasgow, de la part du ministre de l’Environnement et du Changement Climatique (et non des Affaires autochtones), la profession de foi du théologien Steven Guilbeault. 


 

Autochtones ?

De quels peuples autochtones parle Steven Guilbeault ? L’immense majorité des habitants de la Terre sont des peuples autochtones. Ils ne sont pas les descendants d’immigrants.

Il semble que M. Guilbeault veuille dire les peuples « primitifs », les Premières Nations, les peuples non industrialisés. Son petit laïus n’était probablement que de l’« affichage vertueux » woke à destination de la gauche et des médias canadiens. Ces Autochtones ne seraient donc pas les Allemands, les Congolais, les Malgaches, les Chinois, les Bengalis, les Indonésiens, ni les Péruviens, mais plutôt les Amérindiens du Canada.

Figure imposée et mythe de l’Indien écologiste

Nombreux sont ceux qui croient encore aujourd’hui que les « Sauvages » à l’arrivée des Européens en Amérique se préoccupaient davanatage de la conservation de la Nature (parce qu’animistes) que les colons français. Ce n’est pas ce que révèlent les textes historiques.

Les Amérindiens étaient-ils vraiment plus soucieux de l’environnement que les anciens Européens ? Ne gaspillaient-ils vraiment jamais ? Avaient-ils toujours des comportements que nous qualifierons d’écologiques ? Les Amérindiens avaient-ils des croyances spirituelles qui les menaient à adopter des comportements antiécologiques ?

Réponses d’un anthropologue et d’un sociologue et historien : non, non, non et… oui. Mais voyons cela dans le détail.

D’après Denys Delâge, sociologue et historien de l’Université Laval, les Amérindiens n’étaient pas plus écologiques que nos ancêtres paysans. Mais les paysans québécois ce n’est pas très glamour, trop identitaire, trop enraciné, pas assez ouvert sur « la diversité ».

Pour illustrer la conscience écologique des Amérindiens, on cite souvent Pehr Kalm, un Suédois venu en Nouvelle-France en 1749. Il décrit dans sa relation de voyage les tourtes, les « pigeons sauvages » de l’Amérique. Selon lui, les Amérindiens ne tuaient jamais ces pigeons lorsqu’ils couvaient ou lorsqu’ils avaient des petits. Ils n’acceptaient pas non plus que d’autres le fassent, menaçant même à une occasion un Français qui avait tenté d’en tuer quelques-uns.

Mais les pigeons sauvages étaient pour les Amérindiens ce qu’étaient les poules ou les vaches pour les Français, c’est-à-dire des animaux domestiques. Les tourtes faisaient « partie de l’ordinaire », de leur vie de tous les jours. Les tuer était donc l’équivalent pour le colon de voir un Amérindien abattre une de ses vaches. L’habitant de la Nouvelle-France, tout comme ses descendants vivant dans les campagnes québécoises jusqu’au milieu du XXe siècle, possédait aussi ses propres habitudes écologistes.

Selon Delâge, les colons européens comprenaient très bien qu’il ne fallait pas exterminer tous ses animaux durant une même année, au risque de mourir de faim l’année suivante. Pas question non plus de gaspiller les restes : tout était récupéré, recyclé. On salait, on congelait ou on mettait en conserve les surplus. Les restes de table servaient de nourriture aux chiens et aux chats, on n’utilisait ni emballage de plastique ni produit chimique. Les vêtements étaient faits de fibres naturelles, de lin et de laine, et lorsqu’ils étaient trop usés, ils étaient recyclés en tapis et en courtepointes. Le bois servait à construire, à chauffer et à récolter de l’eau d’érable. Aucun habitant n’aurait songé à couper à blanc le petit bois si utile près de chez lui. Presque aucun déchet ne venait donc polluer l’environnement de ces habitants. Même le contenu des latrines extérieures, les « bécosses », était parfois utilisé comme engrais.

Lequel vivait alors le plus en harmonie avec la nature : le Blanc ou l’Indien ? En fait, chacun adaptait son style de vie à ses besoins et ses croyances. Ce style de vie était marqué dans les deux cas par l’autosubsistance, où il fallait gérer habilement ses ressources pour survivre. Les choses ont changé lors du passage à une économie de marché. Pour les cultivateurs, c’est à ce moment que l’agriculture à grande échelle s’est imposée et qu’ils ont commencé à détruire la nature avec la machinerie, la surexploitation des sols et l’utilisation d’engrais chimiques.


Les Amérindiens pas toujours si écologiques que cela… 

Le jésuite Paul Le Jeune, dans la Relation de 1635, s’inquiétait déjà de la surexploitation du castor par des Amérindiens. Il relate de quelle façon les Montagnais les tuaient tous dans leurs huttes, alors qu’il leur conseille d’y laisser au moins quelques petits afin qu’ils se reproduisent.

Cette surchasse est extrêmement contradictoire avec la vision du monde des Amérindiens évoquée plus haut. Certains cherchant des raisons pour l’expliquer ont affirmé que les autochtones se sont mis à tuer les animaux parce qu’ils les tenaient responsables des maladies qui les frappaient. Cette théorie a toutefois été vivement contestée. Un historien américain comme Charles A. Bishop croit plutôt que, malgré le respect voué à la nature, il n’y avait rien dans les croyances des Amérindiens qui les empêchait de tuer beaucoup d’animaux, à condition que leurs restes soient bien traités et que la traite rapporte quelque chose de bénéfique. C’était bien le cas, puisqu’un grand nombre d’objets utiles étaient échangés contre des fourrures. Il s’agit peut-être là d’une piste d’explication de l’apparente absence de scrupules des Amérindiens à chasser le castor presque jusqu’à l’extinction complète de l’espèce.

Denys Delâge apporte également certaines nuances aux pratiques des autochtones qui paraissaient en harmonie avec la nature. Bien que la plupart d’entre eux tuaient d’abord les animaux pour survivre, ils considéraient aussi que ces animaux se donnaient et venaient s’offrir à eux. « Cela aurait paru mesquin de ne pas prendre tous les animaux offerts : on pouvait, on devait même, en certaines occasions, tuer au-delà des besoins », affirme-t-il. Des sacrifices étaient également réalisés, particulièrement de chiens. Le Père de Charlevoix écrivait dans son Journal historique en 1721 comment les chiens étaient parfois immolés ou suspendus vivants à un arbre par les pattes de derrière jusqu’à la mort lorsque les Amérindiens devaient franchir des rapides ou des passages dangereux. Des pratiques qui feraient frémir des écologistes de nos jours.

Plusieurs autres gestes pouvaient aussi avoir des conséquences assez graves pour l’environnement. Le père Louis Nicolas racontait dans son Histoire naturelle des Indes qu’il avait vu des Amérindiens couper des arbres entiers pour ramasser les noix ou accéder aux nids d’oiseaux. Les autochtones allumaient également des feux pour toutes sortes de raisons. On fertilisait les terres avec des feux, on régénérait les forêts de pins et d’épinettes ou encore on facilitait ainsi le transport. Mais les Amérindiens perdaient parfois le contrôle de ces incendies et, en plus de la pollution qu’ils provoquaient, ils détruisaient d’autres plantes et animaux qui n’étaient pas utilisés par la suite.

La réincarnation, une croyance religieuse amérindienne antiécolo

Comme l’expliquait l’anthropologue Shepard Krech dans le Washington Post du 29 août 1999 (traduit dans le Courrier international du 20 avril 2000), s’il est vrai que l’Europe a fait exploser la demande en castors, en bisons et en cerfs, « dans la plupart des cas, les Indiens y ont répondu avec enthousiasme, contents d’échanger des peaux de peu de valeur pour eux contre des couteaux, des vêtements ou des fusils. » Dès que naissait un marché pour la fourrure dans une région, le nombre des castors y chutait rapidement, à cause de la chasse intensive. Plus tard, dans les postes de traite, les Européens ont tenté d’introduire des mesures de conservation, notamment en refusant les peaux des animaux trop jeunes.

Shepard Krech affirme également que les Indiens tuaient fréquemment plus d’animaux qu’ils ne pouvaient en manger. Cela paraîtra paradoxal à tous les élèves québécois, car n’était-ce pas contraire à leurs croyances apprises diligemment en classe d’ECR et d’histoire ? Il faut savoir, explique l’anthropologue américain, que les Amérindiens entretenaient avec les bêtes une relation très intime : ils leur prêtaient des sentiments, une pensée humaine. Ainsi, les Indiens des Plaines croyaient qu’il ne fallait pas laisser s’échapper un bison après la chasse — il avertirait les autres de ne plus s’aventurer dans les parages. Ils s’assuraient donc de tuer toutes les bêtes prises au piège, au risque de gaspiller la viande. La plupart croyaient également en la réincarnation. Ces indiens pensaient que les animaux tués renaissaient la saison suivante et qu’en conséquence plus ils en tuaient, plus il en revenait. La disparition de l’espèce était à leurs yeux impensable.

Illustration du manuel d’ECR Mélodie, publié par Modulo, destiné au 1er cycle du primaire, manuel B, p. 8. Aucune prière chrétienne dans les manuels du primaire de cet éditeur.

 

Récupération idéologique de l’Indien

Anne Garrait-Bourrier, professeur à l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, commente la récupération politique des Amérindiens par le mouvement écologiste :

Bien des penseurs indiens sont outragés de cette récupération politique qui ramène leurs ancêtres à des clichés et qui ne tient pas compte de deux éléments essentiels : l’anachronisme et l’ignorance.

Ignorance de la culture indienne tout d’abord, et anachronisme consistant à la propulser dans le monde moderne sans la comprendre, et à des fins utilitaires.

L’anthropologue américain Shepard Krech III a, à cet égard, écrit un ouvrage magistral en 1999, The Ecological Indian : Myth and History [accessible ici en PDF], où, enfin, les pendules sont remises à l’heure. En présentant très clairement ce que sont les mythes naturalistes fondateurs de la culture indienne, et en soulignant qu’ils ne sont que des mythes accompagnés de rituels, Krech annule et détruit l’image — si pratique — de l’Indien écologiste engagé. Il part pour cela de l’une des toutes premières campagnes publicitaires écologistes de la compagnie américaine Keep America Beautiful Inc. (Gardez l’Amérique belle), en 1971, montrant sur d’immenses affiches, un visage d’Indien avec dans le regard une larme et en gros titre : Pollution : it’s a crying shame (La pollution : c’est honteux à pleurer).

Immédiatement touchée par cette vision inhabituelle, l’Amérique, prompte à s’émouvoir dès lors qu’on lui parle d’elle et de son devenir, fit de ce Crying Indian (Indien en larmes) une icône.

L’acteur « cherokee » [né de deux parents siciliens…] Iron Eyes Cody [né Espera Oscar de Corti] qui avait posé pour l’affiche n’avait rien d’un porte-parole écologiste… mais son visage buriné et le message véhiculé étaient, eux, des plus parlants.

Il s’agit là d’un cas flagrant de manipulation de l’opinion publique par l’image et par une mémoire collective stéréotypée.

Cela permit le démarrage du mouvement écologiste américain, celui-ci utilisant le visage de ce même acteur à plusieurs reprises, sans se soucier de la réaction des Amérindiens eux-mêmes.

L’Indien [Nouvel] Âge n’existe pas. Il y a d’une part le citoyen amérindien qui tente de vivre en harmonie avec sa culture traditionnelle et les exigences de sa société, et, d’autre part, les écologistes qui cherchent à faire passer leur message socio-politique. Entre les deux se trouvent les Américains qui aimeraient sans doute croire que l’Indien mythique existe toujours, qu’il n’a pas été détruit par le progrès et qu’il a le pouvoir de les sauver d’eux-mêmes.

 

Voir aussi

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La COP 26 (27, 28…) ou comment appauvrir l’Afrique  

ECR — obsession pour les Amérindiens écologistes

L’utilité de la glorification des Premières Nations    

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Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement Climatique, a effectué des études en morale internationale et en théologie de la libération. Il a depuis de nombreuses années taillé ses longs cheveux, qui lui ont longtemps valu le surnom de « Jésus ». Il a été très influencé par un oncle missionnaire à Haïti, dont il avait pensé suivre les traces et à cause de qui ses parents ont adopté l’une de ses deux sœurs, d’origine haïtienne. C’est d’ailleurs ce qui l’a poussé à s’inscrire en sciences religieuses à l’Université de Montréal, au milieu des années 1990. Il abandonna cependant rapidement l’idée de devenir missionnaire religieux. Il a, toutefois, gardé une fibre moralisatrice de gauche, de prophète écologiste et de missionnaire du correctivisme politique.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un article parut en juillet 2021 sur le site Les chialeuses du Québec parle justement des autochtones de la Côte-Nord et de Terre-Neuve

https://chialeuses.blogspot.com/2021/07/le-genocide-des-caribous-un-affront.html