Le consentement du Québec
Je ne conteste pas ce diagnostic de Frédéric Lacroix, comme résumé par Marco Fortier, sauf quand il affirme que l’immigration temporaire est une réalité sur laquelle Québec n’a pas de prise. Dans l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, signé en 1991 et mieux connu sous l’appellation « entente Gagnon-Tremblay–McDougall », il est écrit en toutes lettres, à l’article 22 : « Le consentement du Québec est requis avant l’admission dans la province :
- de tout étudiant étranger qui n’est pas choisi dans le cadre d’un programme du gouvernement canadien d’assistance aux pays en voie de développement ;
- de tout travailleur temporaire étranger dont l’admission est régie par les exigences du Canada touchant la disponibilité de travailleurs canadiens ;
- de tout visiteur étranger venant recevoir des soins médicaux. »
Concrètement, le consentement du Québec est donc requis pour la presque totalité des étudiants étrangers, pour une forte proportion de travailleurs temporaires et pour tout étranger venant recevoir des soins médicaux. Ce consentement obligatoire du Québec date en fait de l’entente Cullen-Couture conclue entre les gouvernements Lévesque et Trudeau en 1978. Et il constitue une forme de veto qui vient limiter le pouvoir d’Ottawa en matière d’immigration temporaire.
Les raisons du Québec de donner ou non son consentement à l’admission de ces visiteurs étrangers sur son territoire ne sont mentionnées nulle part dans l’entente, mais l’un des considérants de l’accord Canada-Québec de 1991 proclame la volonté du gouvernement du Canada et du gouvernement du Québec de conclure une nouvelle entente, inspirée de l’entente Cullen-Couture, pour fournir au Québec de nouveaux moyens de préserver son poids démographique au sein du Canada et d’assurer dans la province une intégration des immigrants respectueuse du caractère distinct de la société québécoise.
Selon cette logique, je vois mal ce qui empêcherait le Québec de s’attaquer, en amont, aux problèmes dénoncés par M. Lacroix en limitant très sérieusement le nombre d’étudiants recrutés à l’étranger pour des programmes d’études non offerts en français ou, en aval, d’exiger des étudiants déjà sur place qu’ils aient suivi « un programme d’études en français » pour être sélectionnés par le Québec en vue d’obtenir le statut de résident permanent, comme le suggère Frédéric Lacroix.
Le [manque de] courage politique
Il suffirait à nos gouvernants d’avoir le courage politique de poser pareil geste. Car, comme le souligne à juste titre M. Lacroix, c’est sur l’échiquier québécois que les universités et les cégeps, sous-financés et en mal de clientèles payantes, orientent une part importante de l’immigration temporaire en fonction de leurs propres intérêts. Et il en va de même des entreprises, pour qui le recrutement des travailleurs dont elles ont besoin devrait obéir, selon elles, aux seules lois aveugles du marché.
Le Québec ne cesse de réclamer de nouveaux pouvoirs en matière d’immigration. Peut-être devrait-il se servir des pouvoirs qu’il possède déjà pour faire contrepoids à ses propres groupes de pression et faire valoir les droits légitimes du français au sein d’un continent où l’anglais règne en maître et impose de plus en plus son empire à l’échelle de la planète.
À ceux et celles qui désirent connaître plus en profondeur l’entente Gagnon-Tremblay–McDougall, je conseille la lecture en ligne du bulletin de recherche publié sur le sujet par la Bibliothèque du Parlement canadien.
Source : Le Devoir
Un «libre choix» ? : Cégeps anglais et étudiants internationaux
par Frédéric Lacroix
paru octobre 2021,
aux éditions du Mouvement Québec français
à Montréal
174 pages,
ISBN : 9782981924223
14,95 $
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