dimanche 1 septembre 2019

Intégrer l’éducation à la sexualité dans le cours d’éthique et culture religieuse

Le ministre Jean-François Roberge envisagerait d’intégrer l’éducation à la sexualité dans le cours d’éthique et culture religieuse (ECR), qui fera l’objet d’une réforme au cours des prochains mois.

En entrevue avec Le Devoir, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur a dit que cette hypothèse fera partie du vaste chantier sur la révision du cours ECR qu’il compte lancer prochainement.

 
Le ministre Roberge (à droite)

« Il y a déjà des gens qui m’ont dit : “Vous allez revoir ce cours-là [ECR] qui traite du savoir-être, des valeurs, du respect de soi, de l’acceptation de l’autre. Est-ce qu’on pourrait intégrer ça [l’éducation à la sexualité] au contenu ?” Je suis très ouvert à ça. L’éducation à la sexualité pourrait en faire partie. Ce n’est pas réglé, je lance un chantier sur la réforme du cours éthique et culture religieuse dans les prochains mois. On va le faire pour vrai », a dit le ministre, rencontré à son bureau de Montréal.

L’éducation à la sexualité est obligatoire pour une deuxième année dans toutes les écoles primaires et secondaires du Québec. L’implantation du programme s’est faite de façon inégale d’une école à l’autre, selon les syndicats d’enseignants.

Notons que le programme d’ECR aborde déjà depuis plus de dix ans les problèmes éthiques liés à la sexualité ou à la bioéthique. Voir Cahier ECR : « je suis un garçon, une fille, je ne sais pas encore », Activité en éthique pour des enfants de 13-14 ans (limites et désirs sexuels), Omissions et critiques pédagogiques du chapitre sur le clonage d’un livre d’ECR pour la 2e secondaire. Le collège Loyola s’était d’ailleurs opposé en Cour suprême au fait que lors de ces discussions en classe d’ECR les enseignants de cette école catholique devraient rester neutres devant des propos qui iraient à l’encontre des principes catholiques (l’exemple donné était une vie dissolue de Don Juan). Bref, il n’y a rien de bien neuf dans l’intégration de discussions à la sexualité en ECR.

Pour l’instant, le programme d’éducation à la sexualité n’est pas un cours en bonne et due forme, mais plutôt une série de « contenus » qui doivent être livrés dans l’enseignement d’autres disciplines. La matière doit être enseignée entre cinq et quinze heures par année, selon le niveau scolaire. Chaque école doit trouver — ou désigner — des volontaires pour enseigner l’éducation à la sexualité. Les profs sont souvent mal à l’aise de parler de sexualité aux élèves.

« L’idée d’avoir des contenus [d’éducation à la sexualité] qui appartiennent à un vrai cursus, avec des professeurs dont le mandat est de donner des notions spécifiques et qui sont formés pour ça, je pense que c’est porteur. Ça va faire partie des choses sur lesquelles on voudra consulter », affirme Jean-François Roberge.

« Le cours est bon, j’y tiens »

Quand on demande au ministre de faire un bilan de la première année du programme d’éducation sexuelle, il répond : « Il y en a dans toutes les écoles, il y a de plus en plus de profs qui sont formés et le programme est bon. J’y tiens. »

Campagne contre les IST en 2010
La Coalition pour l’éducation à la sexualité a critiqué cette semaine le peu de ressources consacrées au programme. Cette sortie faisait suite à l’agression présumée homophobe subie dans Charlevoix par le designer Markantoine Lynch-Boisvert et son conjoint, qui ont reçu des coups à la sortie d’un bar. Le nombre de crimes haineux homophobes rapportés au Québec a bondi de 12 à 42 entre les années 2015 et 2017, selon la Coalition.

On notera donc que l’école ne doit pas impartir des connaissances dans ce domaine, mais réformer des comportements.
C’est déjà le but du volet religieux : imposer une vision de la multiplicité religieuse : la valoriser du moment que les gens ne sont pas trop religieux, ne croient pas trop en leur religion. Voir à ce sujet cet aveu : « Cours d’éducation à la sexualité, l’imposition de la théorie du genre est cruciale... »

Le Devoir reproduit ensuite diligemment l’argument de la Coalition usé jusqu’à la corde « Les maladies transmissibles sexuellement sont aussi en hausse. Les cas déclarés d’infection à la chlamydia ont doublé chez les 15 à 24 ans depuis 2008. Ça témoigne de l’importance de l’éducation à la sexualité à l’école. » Or, d’une part il est faux que les enfants depuis 2008 n’étaient pas informés des infections liées à la sexualité (voir ECR, voir les campagnes comme celle de 2010 illustrée ici). Ils ne le seront guère plus avec le nouveau programme puisqu’on y a surtout ajouté des aspects comme la théorie du genre, le sextage ou la cyberintimidation.

D’autre part, il y a eu une augmentation des infections liées à la sexualité ailleurs en Occident alors qu’il n’y avait pas eu de changement dans les programmes d’éducation à la sexualité. Cet argument galvaudé, pris pour argent comptant par tous les médias québécois, mériterait d’être reproduit avec plus de scepticisme. Voir Malgré l'éducation sexuelle, recrudescence des maladies vénériennes en Suède, Le cours d'éducation sexuelle ontarien évite-t-il l'augmentation du nombre de maladies vénériennes ? , Sexologue clinicienne : « les cours de sexualité en milieu scolaire font fausse route »



Campagne subventionnée en 2009/2010 contre les maladies vénériennes dans les cégeps


Aucune exemption accordée selon le ministre

Combien d’élèves ont été exemptés de cette formation à la demande de leurs parents ? « Aucune demande d’exemption n’a été portée à mon attention », répond le ministre Roberge. Plus tard, son cabinet a précisé que les demandes d’exemption se règlent dans chaque école. Le Ministère ne serait informé qu’en cas de désaccord entre l’école (ou la commission scolaire) et les parents. Cela n’est pas arrivé, selon le ministre.

Pas de nouveau programme ECR pour septembre 2020

Le cours éthique et culture religieuse a été introduit en 2007 par le gouvernement libéral de Jean Charest. Il vise notamment à faire aux élèves un portrait des grandes religions, après la déconfessionnalisation des écoles publiques du Québec. Le cours a été critiqué par les tenants de la laïcité comme une plateforme de promotion des religions, ce que conteste le ministère de l’Éducation.

« Si je pensais que le cours éthique et culture religieuse était parfait, je n’y toucherais pas, nuance le ministre Roberge. Je ne parle pas de l’abolir, mais je suis prêt à en faire une révision en profondeur. »

La consultation portera sur ce qu’il faut garder du cours ECR, ce qu’il faut exclure et ce qu’il faut ajouter, précise le ministre. « Éthique, je le garde. Citoyenneté, il va y avoir des éléments de connaissance de l’autre, dont la religion de l’autre, ça fait partie de ça, je ne veux pas l’évacuer au complet. »

Le ministre de l’Éducation exclut que la nouvelle mouture du cours ECR soit prête pour la prochaine rentrée scolaire, en septembre 2020. Il prévient que le processus prendra plusieurs mois.

« On parle d’élaborer un cours qui part du primaire et qui se rend jusqu’à la fin du secondaire. Quand tu changes un cours, il faut que tu le testes, tu ne peux pas faire ça tout seul dans ton bureau. Il faut former les gens. On ne peut pas demander à des gens qui ne savent pas ce qu’est le cours de l’enseigner. Ça va prendre un certain temps. C’est un chantier important. Ça touche les valeurs, ça touche des choses qui sont sensibles [sic : épineux, délicats], alors on va prendre le temps de bien le faire. »

Voir aussi

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« Le sexe à l’école. L’amour nulle part. »

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