jeudi 10 mars 2016

Démographie : le PLQ veut plus d'électeurs immigrants, quel impact sur le nombre de travailleurs ?

De Guillaume Marois, docteur en démographie, chercheur postdoctoral auprès de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal à la suite de l’annonce un peu surréaliste du gouvernement Couillard de vouloir augmenter le nombre d’immigrants au Québec pour le porter à 60 000 :

Ainsi, selon le PLQ, il serait impératif de hausser de 10 000 les seuils d’immigration, car « la taille de la population en âge de travailler connaîtrait un recul marqué entre 2016 et 2031 ». D’abord, pour mettre les choses en perspectives, je présente graphiquement ce que représente réellement ce qui est nommé « recul marqué ». Il s’agit en fait de la très légère ondulation autour des 5 M que l’on voit entre 2011 et 2031. En poursuivant la projection quelques années de plus, on se rend compte qu’il ne s’agit pas d’une tendance qui se poursuivra, puisqu’une augmentation est prévue par la suite. Le déclin n’en est pas un structurel, mais plutôt ponctuel.

Il n'y a pas de recul marqué de la population en âge de travailler et le petit recul n'est que ponctuel

Cela dit, il est incontestable qu’une hausse l’immigration entrainera également une hausse de la population en âge de travailler. Cependant, il est bien important de comprendre que cet indicateur n’est pas tellement déterminant des conséquences du vieillissement de la population.

 Le vieillissement est d’abord un phénomène lié à la structure par âge et non aux effectifs. Après tout, peu importe le scénario, la taille de la population en âge de travailler demeura supérieure à tout ce que le Québec a connu jusqu’aux années 2000. C’est donc la proportion de la population en âge de travailler qui compte et non les effectifs. Or, sur ce dernier indicateur, l’immigration n’a à peu près aucun effet, puisque sur plusieurs années, elle augmente à peu près d’un niveau similaire tous les groupes d’âge. La différence entre 50 000 et 60 000 immigrants ne change à peu près rien. Pour les besoins, j’ai fait les calculs : la proportion de 20-64 ans passerait de 62,7 % en 2011 à 54,0 % en 2031 pour un scénario à 50 000 immigrants contre 54,2 % pour un scénario à 60 000 immigrants. Un coup d’épée dans l’eau.

La différence de +10 000 immigrants/an sur la population en âge de travailler est de 0,2 %

Par ailleurs, qui dit en âge de travail ne dit pas nécessairement actif et encore moins en emploi. Or, les conséquences du vieillissement se situent à ce niveau : plus de dépenses pour payer les soins de santé et les pensions de retraite des personnes âgées et moins de personnes pour assumer ces coûts.

Ainsi, pour que ce léger gain de 0,2 % sur la population en âge de travailler se transforme en gain sur les conséquences du vieillissement de la population, une bonne intégration professionnelle des immigrants, non seulement en termes de taux d’emploi, mais aussi en revenu, est une condition sine qua non. Or, ce n’est plus à démontrer, cette condition n’est pas au rendez-vous. Autrement dit, un nombre réduit d’immigrants, mais en meilleure situation socioprofessionnelle, pourrait avoir un effet plus favorable sur les conséquences du vieillissement qu’un nombre élevé, mais en moins bonne situation. Cela dit, encore là, étant donné l’effet très limité de l’immigration sur la structure par âge, tel que vu dans le paragraphe précédent, l’effet sur les conséquences du vieillissement sera toujours faible.

1 commentaire:

Françoise D a dit…

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le Québec dispose d’autres outils pour contrer cette baisse du bassin de travailleurs. Par exemple, s’attaquer à l’émigration nette de 13 000 Québécois par année vers le reste du Canada. Ou encore augmenter le taux d’activité des Québécois de 55 ans et plus, nettement plus bas qu’ailleurs au Canada en raison des retraites anticipées.

Mais surtout, le Québec ne réussit pas à bien intégrer les nouveaux venus au marché du travail.

En 2015, le taux de chômage de la population native était de 7 % au Québec. Il était de 18 % pour les immigrants arrivés depuis moins de cinq ans – 24,5 % pour les femmes et 13 % pour les hommes.

Il était encore très élevé, 11,4 %, pour ceux qui étaient arrivés depuis 5 à 10 ans. Un écart entre les nouveaux venus et la population d’accueil est inévitable. Mais il est plus grand au Québec qu’ailleurs au Canada. Pour le groupe des 25-54 ans, au pays depuis moins de cinq ans, le taux d’emploi est de 57,9 % au Québec et de 66,1 % au Canada.

Cela soulève plusieurs questions. Si nous ouvrons nos portes parce que nous manquons de travailleurs et que ces travailleurs ne travaillent pas, ça ne donne pas grand-chose. Et si ces nouveaux venus n’ont pas d’emploi, pendant un certain temps du moins, ils constituent plus un poids économique qu’un apport économique. Sans compter les grandes difficultés qu’ils doivent vivre, la pauvreté, l’isolement et l’insécurité.

Il me semble qu’il faudrait analyser très soigneusement les causes de cet échec relatif, trouver les moyens de faire mieux, avant d’accueillir plus d’immigrants. La nouvelle politique ne le fait pas de façon systématique. Elle évoque ce problème de chômage plus élevé, elle cible certains éléments, comme la non-reconnaissance des qualifications des immigrants. Mais pourquoi a-t-on plus de problèmes qu’ailleurs au Canada ? Réticences des employeurs, attitudes de la population, échec de l’immigration en région, origine des immigrants ? On évite d’en parler, jovialisme bien-pensant oblige. On préfère les formules vaseuses, du genre : « Viser l’égalité réelle en associant et concertant les acteurs économiques, les partenaires des milieux de vie ainsi que les ministères et organismes ».

En fait, la nouvelle politique propose des éléments de réponses après avoir évité soigneusement de poser les questions.