samedi 30 janvier 2016

La sélection à l’entrée des universités de l’« Ivy league »

Princeton et ses façades recouvertes de lierres
Pour les étudiants américains, l’entrée à l’université est un parcours du combattant qui commence bien avant la dernière année d’études secondaires. Quatre ans avant la fin de leurs études secondaires (lycée en France, une partie du cégep au Québec), les élèves qui aspirent à s’inscrire à une université prestigieuse s’attachent à ajouter à leur parcours ces éléments qui peuvent faire la différence aux yeux des comités d’admission : sport, démonstrations d’excellence, de leadership, de curiosité d’esprit (apprentissage du mandarin, par exemple). L’engagement social (« community service ») ou une expérience de bénévolat, comme un stage dans une clinique pour les pauvres ou dans une ONG en Afrique, sont hautement recommandés.

Les huit meilleures universités sont regroupées dans le groupe dit « Ivy League », la Ligue du lierre, lierre qui recouvre les bâtiments des augustes institutions de la Nouvelle-Angleterre. La sélection y est impitoyable. En 2015, le taux d’acceptation est tombé pour la première fois à 5 % dans une université, celle de Stanford, qui a admis 2 144 étudiants pour 42 487 candidats. Viennent ensuite Harvard (5,3 %), soit 1 990 admis pour 37 305 dossiers, Yale (6,5 %) et Columbia (6,1 %). Chaque candidature est payante (85 dollars, soit 78 euros), et les établissements les plus prestigieux touchent des millions de dollars grâce aux rejets.

La sélection s’effectue d’abord sur les notes. À 16-17 ans, les élèves en classe « junior » du secondaire passent l’un ou l’autre des tests nationaux : Standard Admission Test (SAT) ou American College Testing (ACT). Le plus commun est le SAT, des questionnaires à choix multiples de trois épreuves (maths, écriture et lecture critique) que les élèves remplissent. Non seulement il faut aller vite en 3 h 45, mais les réponses fausses sont pénalisées. Pour espérer entrer à Stanford ou à Harvard, il est bon de se prévaloir d’un quasi-sans-faute (800 points par sujet) ou au moins d’un score supérieur à 2 150. Moins de 0,05 % des candidats réussissent le score parfait de 2 400 points (360 sur 1,6 million d’inscrits en 2012).

Le SAT a donné lieu à toute une industrie de préparation à l’examen, qui n’est accessible qu’aux plus riches. Les comités d’admission examinent aussi le « Grade Points Average » (GPA), la moyenne des notes sur les quatre ans de lycée. À leur dossier, rempli en ligne, les candidats doivent ajouter des recommandations personnalisées d’un professeur, entraîneur sportif ou éducateur. Et un « essai », soit un texte (650 mots maximum) de motivation, de personnalité, sur un sujet déterminé chaque année par l’établissement. Un exemple pour 2016 : « Décrivez une action ou un événement, formel ou informel, qui a marqué votre passage de l’enfance à l’âge adulte dans le contexte de votre culture, famille ou communauté. »

Souci de diversité sociale et ethnique (moins de sensibilités politiques)

Plus de 600 universités ont une banque d’épreuves communes (la « common app ») mais chacune se réserve le droit de demander un texte supplémentaire. Au total, les élèves soumettent parfois trois ou quatre « essais » différents. Là aussi, des répétiteurs privés offrent leurs services (de 60 à 130 dollars l’heure). Les séances commencent par un remue-méninges, censé permettre aux candidats de trouver dans leur vie, souvent sans histoires, l’épisode qui a montré un trait exceptionnel de leur personnalité. Il est bon d’expliquer qu’on a surmonté une épreuve ou un échec, voire d’émouvoir les examinateurs avec une enfance difficile.

Les universités appliquent ensuite des « correctifs » divers. L’origine ethnique, d’abord. Certains États, comme la Californie, ont abandonné la discrimination positive dans la sélection de leurs étudiants. La Cour suprême des États-Unis a récemment validé une loi du Michigan interdisant la discrimination positive dans l’enseignement supérieur. D’autres continuent à l’imposer. Chaque établissement affiche en tout cas un souci de diversité. Être une « latina » est certainement un plus. Les garçons « anglos » et les étudiants d’origine asiatique, une minorité qui crève le plafond de la réussite scolaire, se plaignent d’être désavantagés, à résultats scolaires équivalents. Les sportifs de haut niveau bénéficient de conditions exceptionnelles, indépendamment de leurs notes. Dernier critère d’admission, le plus flou : « l’héritage » (legacy). Sauf à être des cancres avérés, les fils et filles d’anciens élèves ont peu de chances d’être recalés par l’université de papa (ou de maman), surtout si les parents soutiennent généreusement leur alma mater.



États-Unis : la discrimination positive commence à faire polémique


Les études coûtent cher : 60 000 dollars par an, avec hébergement et repas, à Harvard ; 59 000 dollars à Yale ; 32 600 à Berkeley pour les domiciliés en Californie (56 000 pour les étudiants d’autres États). Les universités soulignent le nombre de bourses distribuées (60 % des étudiants de Harvard ont une bourse grâce à un programme d’aide de 160 millions ; 50 % à Yale) pour les plus désargentés et les minorités notamment noires et « latinas ». Mais la majorité des étudiants ne reçoivent qu’une aide de quelques milliers de dollars sur quatre ans, loin de compenser le coût de la scolarité. Les dossiers d’inscription sont en général clos fin janvier. Attendues avec angoisse, les lettres d’admission arrivent début mai. Au début de l’été, le grand mercato des admissions est terminé.

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