Billet intéressant de Daniel Trottier, chargé de cours en gestion de l’éducation à l’Université de Sherbrooke, ex-directeur d’établissement scolaire. Extraits.
Pensez-vous qu’un jour, on verra au Québec la naissance d’une école publique autonome ? Une école publique capable d’embaucher et de gérer son personnel ? Capable d’établir un budget digne de ce nom, d’avoir un patrimoine qui lui est propre ? Capable de voir à l’entretien de son bâtiment et de ses installations ? Capable de réparer un toit qui coule, de repeindre ses murs et ses escaliers de métal avant qu’ils ne rouillent ? Capable d’acheter des casiers neufs, des pupitres neufs, des chaises neuves ? Capable de renouveler son matériel didactique et ses équipements informatiques ?
[...] Pensez-vous qu’un jour, on verra au Québec une école publique autonome, qui n’a pas de permission à demander à la commission scolaire pour mettre en œuvre un projet pédagogique particulier ?
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Ce n’est pas avec le projet de loi 86 que ça risque d’arriver.
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Les gagnants et les perdants
Parmi les gagnants de ce projet de loi, signalons d’abord les parents, qui seront représentés au nouveau conseil scolaire [6 parents sur 16 membres] appelé à remplacer le conseil des commissaires élus. Ils auront aussi plus de pouvoir au sein du conseil d’établissement de l’école. En effet, si le projet de loi est adopté en l’état, le conseil d’établissement de l’école pourra adopter — et non plus seulement approuver, comme c’est le cas actuellement — certaines mesures à portée éducative, comme les modalités d’application du régime pédagogique [note du carnet : il faudra voir dans quelle mesure précise] et les orientations générales en matière d’adaptation et d’enrichissement des programmes. Il en sera de même en ce qui touche au plan contre l’intimidation et la violence, aux règlements de l’école, aux mesures de sécurité et à la liste des effets scolaires que les élèves doivent se procurer.
[...]
Dans un tel cadre, le personnel enseignant apparaît comme perdant. En effet, même si le projet de loi 86 ajoute l’expression « À titre d’expert en pédagogie » à l’article 19 de la Loi sur l’instruction publique décrivant les droits des enseignants, les modifications envisagées visant le renforcement des pouvoirs du conseil d’établissement se font à leur détriment, comme l’a observé à sa manière la Fédération autonome de l’enseignement, dans un communiqué au titre évocateur : « Les profs relégués au rôle d’exécutant ».
Ce sera aussi le cas des directrices et directeurs d’établissement, qui devront se plier aux décisions du conseil d’établissement dans les matières sur lesquelles ils exercent actuellement un plus grand contrôle, de façon collégiale avec leurs équipes. On objectera que le projet de loi 86 leur confère des pouvoirs supplémentaires puisqu’ils pourront élire des représentants au conseil scolaire et au comité de répartition des ressources de la commission scolaire. Mais ce sera à l’extérieur de l’école.
[...] Cela ne signifie pas que la commission scolaire perdra des pouvoirs au profit des écoles. Sur ce plan, rien ne changera. L’école restera un organisme déconcentré de la commission scolaire, sans personnalité juridique. Elle ne se verra confier aucune responsabilité supplémentaire en gestion pédagogique ni en gestion des ressources humaines, financières et matérielles.
Le ministre de l’Éducation sera, avec les parents [à voir], le grand gagnant de l’opération. Le projet de loi lui confie notamment les pouvoirs de fixer la durée du mandat d’une directrice générale ou d’un directeur général d’une commission scolaire ; de prendre connaissance de l’évaluation de la direction générale ; d’intervenir dans le processus décisionnel visant le renouvellement du mandat de la direction générale, ou visant sa suspension ou son congédiement ; d’intervenir dans le partage des ressources entre commissions scolaires, ou entre commission scolaire et établissement d’enseignement privé ; d’intervenir dans le « plan d’engagement vers la réussite » de la commission scolaire — qui remplacera le « plan stratégique » dans la loi actuelle.
C’est considérable, et cela se situe aux antipodes de la décentralisation.
Voir aussi
Pas d'écoles autonomes avec la loi 86
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