mardi 9 octobre 2012

Affamer le privé, les curieuses économies de la Fédération autonome de l'enseignement

Depuis 2009, à l'occasion de la première édition de la Semaine pour l'école publique (financée à même tous les contribuables ?), la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) se mobilise pour limiter, voire abolir, le financement de l'enseignement privé. Cette année était donc la quatrième fois qu'elle ressortait cette rengaine.

La FAE a même déclaré qu'elle mettra la question sur la table à l’occasion d’une première rencontre avec la nouvelle ministre de l’Éducation, Marie Malavoy. Si on en croit la FAE, son initiative permettrait d'épargner 500 millions... Rien de moins.

Le président de la FAE, M. Pierre St-Germain, ne nous est pas antipathique. Il a ainsi déclaré au sujet de la réforme pédagogique : « Les ministres se sont fait rouler dans la farine par les technocrates du ministère de l'Éducation. L'appareil bureaucratique croit à la réforme comme un dogme. Ils ne se désavoueront jamais eux-mêmes ». Mais voilà, au lieu d'en tirer la conclusion qu'il faut libérer les écoles de ce monopole technocratique, M. St-Germain veut encore limiter la liberté déjà restreinte des écoles privées et les priver de soutien financier... Étrange logique.

Et cela avec les arguments comptables les plus saugrenus.

S'appuyant sur une recherche menée pour son compte, la FAE estimait en 2009 qu'en mettant fin au financement des écoles privées (à un niveau de 60 % du coût de formation obligatoire d'un élève), le gouvernement économiserait 86 millions de dollars par année. Or, cette prétention s'appuie sur l'hypothèse qu'en abolissant la subvention, 50 % des élèves fréquentant des écoles privées reviendraient au système public. Mais pour la Fédération des établissements d'enseignement privés du Québec, l'abolition des subventions aurait risqué d'entraîner un exode beaucoup plus massif que 50 % vers les écoles publiques. En bout de ligne, disait la FEEP, le gouvernement ne ferait aucune économie puisque le financement au public est à 100 % du coût de formation. Pis encore, dit la FEEP, la facture pour Québec aurait risqué de grimper.

Mais si c'était 86 millions d'épargne selon les calculs sujets à controverse de la FAE en 2009, voilà qu'en 2012 la même mesure devrait selon la même FAE épargner rien de moins que 500 millions de dollars par année et de réinjecter le montant dans le système public... C'est la multiplication des pains !

Par ailleurs, la Fédération des établissements d'enseignement privés (FEEP) tient à préciser que l'affirmation de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) disant que l'arrêt des subventions aux écoles privées représenterait une économie de 500 millions $ pour le gouvernement du Québec n'est pas exacte. Tout d'abord, le montant des subventions versées aux écoles privées est inférieur à 500 millions $. De plus, cette estimation présuppose que tous les parents qui envoient leur enfant à l'école privée continueraient à le faire même si la contribution parentale doublait. Ce scénario est utopique puisque la majorité des enfants qui fréquentent l'école privée au Québec proviennent de familles de la classe moyenne. Par exemple, au Nouveau-Brunswick où les écoles privées ne sont pas subventionnées, ces écoles n'accueillent que 1 % des effectifs scolaires.



Le Devoir n'avait rien à dire au sujet de cette augmentation subite de ces bienfaits de la suppression radicale du secteur (semi-)privé de l'éducation au Québec. Il faut dire qu'un de ces chroniqueurs trouve que l'éducation privée par excellence (scolariser son enfant à la maison) serait selon lui un geste antisocial, antidémocratique... Rien de moins.

Plusieurs études ont démontré qu'autour de 15 % des écoles privées seulement vont pouvoir rester ouvertes (principalement sur l'île de Montréal où la clientèle sera suffisante) si les parents venaient payer 100 % des coûts de fréquentation d'une école privée. En conséquence, tous les élèves de familles de la classe moyenne dont les enfants fréquentent actuellement les écoles semi-publiques devraient fréquenter les écoles gouvernementales. Ceci entraînerait un surcoût d'environ 40 % pour les finances publiques. « Les économies » engendrées par le fait que les élèves des 15 % d'écoles restantes ne seraient plus financées ne changeraient guère le bilan financier de l'État, mais alors qu'on prétend lutter contre l'élitisme on n'aurait fait que l'exacerber.


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