Lettre d'opinion de Nestor Turcotte publiée dans le Devoir de lundi. Les intertitres sont de nous
J'ai écouté les propos de M.Dumont. Comme tous les politiciens, il fait de la politique. Comme le font Marois et Charest.
Sur le fond qui a lu le programme ?
Mais sur le fond des choses, je voudrais bien savoir le nombre de personnes qui causent de ce cours et qui ont pris la peine de lire le programme officiel du Ministère de l'Éducation concernant ce nouveau cours ? J'ai devant moi le texte complet du programme. Je l'ai lu in extenso. Il y a là un fourre-tout indescriptible qui jettera une confusion telle dans le cerveau des enfants, qu'il est difficile d'en prévoir les conséquences.
Relativisme, papillonnage, indifférence au sens profond
Les notions religieuses et philosophiques réfèrent souvent à des concepts abstraits. On ne peut aborder tous ces concepts en même temps. Papillonner sur toutes les religions ne fera pas de nos étudiants des érudits sur la question religieuse. Ils auront des notions vagues, peu approfondies, et les mettront habituellement dans un climat de relativisme total, voire une indifférence complète à propos du fait religieux. Le programme du Ministère est une « grammaire religieuse » plutôt qu'un cours sur les religions. Il aborde les mots, les gestes, les rites, sans en donner souvent l'origine, le sens, et dans quel but il doit être posé. La religion est plus qu'une « vaisselle » qui sert à expliquer certains fondements. Ce programme a un défaut notoire. Il place les six religions abordées — je n'ose écrire les grandes religions — sur un même pied d'égalité. L'histoire des religions démontre que les grands courants religieux ne peuvent pas tous être mis sur le même podium. Une distinction majeure s'impose entre religions dites naturelles et religion dite surnaturelle. C'est donc, pédagogiquement, une erreur majeure de vouloir faire table rase de cette distinction fondamentale. Les jeunes tireront vite la conclusion : si toutes les religions se ressemblent pourquoi les étudier. Le syncrétisme religieux naît toujours dans la confusion des genres.
Cours imposé à des maîtres peu formés et parfois contraints
Le programme a ses bons côtés. Faudrait-il trouver des maîtres compétents pour l'enseigner. Il y en a un certain nombre qui le sont. La très grande majorité des professeurs d'éthique et de culture religieuse se sont vus imposer ce cours, pour complément de tâche. Ordinairement, ils suivent un manuel qu'ils n'ont pas approfondi et « tiennent le temps » pour se débarrasser de quelque chose qu'ils doivent subir. C'est sans doute la grande lacune dans l'application de ce nouveau programme. À une jeune enseignante qui s'est vue imposer 4 cours de ce nouveau programme, je demandais, dernièrement, si elle savait ce que c'était que l'éthique. Elle me répondit : « Non ! »... Pour se sauver d'une explication supplémentaire, elle me confia, tout bonnement, qu'elle suivrait le livre lorsqu'il serait arrivé. Or, le dit volume est encore en impression. Que font les élèves pendant ce temps ? Ils vont tout autre chose, sauf de l'éthique et un vernis de culture religieuse. L'improvisation est à son plus haut niveau. Que chacun tire ses conclusions.
Programme touffu, disparate qui ne donnera pas les fruits escomptés
Les miennes sont tirées: ce programme est touffu, aborde trop de notions disparates et ne donnera sans doute pas les fruits escomptés. On ne peut pas apprendre tout, sur tout, en même temps.
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