jeudi 12 janvier 2017

« La Pilule rouge », le film que des féministes veulent interdire

Extraits de la chronique de Sophie Durocher sur La Pilule rouge.

Le 21 janvier à Montréal, au Théâtre Rialto, on pourra voir un documentaire hyper controversé, qui sème la polémique depuis des semaines. Imaginez : The Red Pill (La Pilule rouge) est un documentaire, réalisé par une femme, qui donne la parole à des groupes de défense des droits des hommes ! On y parle (entre autres) du taux de suicide, du décrochage scolaire et de la violence conjugale qui touche les mâles occidentaux.


Bande-annonce de La Pilule rouge sous-titrée en français

Or, à Ottawa en décembre, une représentation du film a été annulée. Quand le film a finalement été présenté dans une autre salle que celle prévue initialement, des manifestantes traitaient les spectateurs qui allaient voir le film de « nazis ». En Australie une pétition a circulé pour empêcher la diffusion du film et même pour empêcher la réalisatrice d’entrer au pays... Une projection à Melbourne a été annulée ! En Angleterre, des groupes de pression ont tenté en vain d’empêcher les projections du film.

Des féministes, qui n’ont même pas vu le film, seulement des extraits, sont même allées jusqu’à qualifier le documentaire de misogyne.

La réalisatrice, l’Américaine Cassie Jaye, a eu toutes les difficultés du monde à financer son film. Des compagnies avaient peur d’être associées à ce sujet aussi controversé ! Elle a dû se tourner vers une campagne de sociofinancement [en vieux français : une « collecte » tout simplement] pour boucler son budget.

Aaaaaaah, la gauche progressiste, qui défend la liberté d’expression, mais seulement à sens unique, seulement quand ce sont ses idées, son point de vue qui est mis de l’avant... !

Dans ce documentaire, Cassie Jay donne la parole à des militants pour les droits des hommes et à des féministes. Elle se livre aussi à la caméra en documentant son parcours, l’évolution de sa réflexion. Elle a commencé ce documentaire avec des préjugés sur les groupes « masculinistes », pensant que c’était des extrémistes qui détestaient les femmes. Pour se rendre compte au fil des interviews que ces groupes d’hommes demandaient seulement que leurs voix soient entendues, que leurs droits soient reconnus.

[Cassie Jay affirme par ailleurs] : « C’est dérangeant que des gens (qui n’ont jamais vu mon film) mettent tant d’effort à vouloir le censurer. Ces gens croient tout ce que les médias “mainstream” véhiculent au sujet des MRA (Men’s Right’s Activists). Dans mon film, je déboulonne le mythe voulant que ce soient des misogynes. Ce sont des hommes qui sont pour l’égalité des droits, pour qu’on reconnaisse autant les droits des hommes que les droits des femmes. »

Cassie Jay se défend bien d’avoir fait un film de propagande. « J’ai une approche équilibrée : je donne la parole autant aux masculinistes qu’aux féministes. C’est fascinant de voir que plusieurs des hommes que j’ai interviewés étaient à l’origine dans des regroupements féministes, pensant que ces groupes étaient pour l’égalité des sexes. Mais chaque fois qu’ils abordaient des questions de droits des hommes, ils se faisaient dire de se taire. Les féministes pensent que les hommes n’ont pas besoin d’aide. Il y a tellement de thématiques propres aux hommes et ils n’ont aucun lieu où en parler. »

[Sophie Durocher a] demandé à Cassie ce qu’elle avait le plus appris en rencontrant ces groupes de droits des hommes. Elle m’a parlé de la mortalité au travail qui touche les hommes à 95 % ; des morts dans l’armée qui touchent les hommes à 98 % ; des droits des pères qui sont bafoués par le système de justice ; du décrochage scolaire chez les garçons alors que les programmes gouvernementaux visent seulement à aider et encourager les filles ; du taux de suicide alarmant chez les hommes ; de la moins grande espérance de vie des hommes ; des gars qui se trouvent à payer des pensions alimentaires pour des enfants qui ne sont pas les leurs ; des hommes victimes d’agressions sexuelles ; etc.

[...]

Mais Cassie a aussi soulevé un autre argument qui est crucial : « Les femmes se sentent attaquées dès que l’on parle des femmes qui abusent de leurs droits. Les femmes ne sont pas toutes des anges ! On a le droit de dire que certaines femmes sont violentes, manipulatrices, agressives, qu’il y en a qui briment les hommes, les pères dans leurs droits. Mais ça, les féministes ne le supportent pas. »

J’ai demandé à Cassie ce qu’elle espérait véhiculer comme message aux spectateurs qui iront voir son film à Montréal le 21 janvier. « J’espère que ça va être l’amorce d’une discussion, d’un débat. J’espère que les féministes vont commencer à s’intéresser aux problématiques masculines. Si le féminisme ne met l’accent que sur les problématiques féminines, il faut qu’il change pour être vraiment un mouvement pour l’égalité entre les sexes.

“Les problématiques des hommes sont réduites au silence. La preuve, c’est qu’on veut me réduire au silence et réduire mon film au silence.” »

[...]

« C’est un film qui demande au public de penser par lui-même. Ça, pour certaines, c’est menaçant. »

Voir aussi

Entretien vidéo avec la réalisatrice du documentaire (1 h 13, en anglais, non sous-titré)

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Les résultats des élèves au PISA remis en question

Certains ont été agréablement surpris des résultats des élèves canadiens et québécois au PISA — le Programme international pour le suivi des acquis des élèves. Ils seraient très performants en sciences, en mathématiques et en lecture. Mais les résultats ont été remis en question assez vite.

C’est le sujet de l’émission de Je vote pour la science cette semaine, que vous pouvez écouter ici :

(Cliquer ici si les commandes audio n'apparaissent pas)


À la première lecture, ce rapport rassure sur la qualité de notre système éducatif. Les résultats montrent même que les Québécois surclassent les autres provinces.

En science, l’écart fille-garçon diminuerait. Le Québec serait même dans le peloton de tête de pays où au moins neuf élèves sur dix maîtriseraient les « savoirs fondamentaux que chaque élève devrait posséder avant de quitter l’école ».

De très bonnes nouvelles… mais les résultats ont été remis en question en raison d’un biais de non-réponses d’élèves québécois issus d’écoles publiques : en fait, moins de 52 % des écoles invitées y auraient participé. Moins que le taux de 85 % considéré comme normal.

Il y aurait donc eu un « gonflement » des résultats parce que les meilleurs élèves auraient répondu en plus grand nombre en raison d’une surreprésentation des écoles privées. Un angle mort que le PISA n’enregistre pas. Notons que d’autres tests souffrent des mêmes biais, voir ceux du TIMSS.

Nous en parlons avec :

Égide Royer, professeur titulaire à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval. Il est psychologue et un expert en éducation, particulièrement en ce qui a trait à la prévention de l’échec scolaire, les difficultés d’apprentissage et de comportement. Il a d’ailleurs été directeur du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire et fondé le Comité québécois pour les jeunes en difficulté de comportement.

Il nous rappelle qu’on avait déjà ces bémols québécois en 2012 : le biais avait alors été documenté (moins de garçons que de filles, davantage d’écoles privées, etc.). Les jeunes qui avaient participé à PISA étaient plus forts que la moyenne des élèves québécois. « En tant qu’experts, on ne peut tenir compte des données du Québec. » L’échantillon est « peut-être représentatif des meilleures écoles », mais même là, on ne peut pas en être sûr, dit-il.

Pourquoi est-il si important de se comparer ? Pour établir un diagnostic — par exemple, sur le taux de décrochage ou le taux d’obtention d’un diplôme chez les jeunes en difficulté. Du coup, on peut comparer : les sommes investies, par rapport à nos voisins, donnent-elles les résultats attendus ?

Au-delà du PISA, M. Royer nous parle aussi de l’écart entre francophones et anglophones et des écarts selon le statut socio-économique. De l’énorme question des élèves décrocheurs, de ceux qui ont des troubles d’apprentissage... et de la formation des futurs enseignants.



Je vote pour la science est diffusée le lundi à 13 h, sur les cinq stations régionales de Radio VM. Elle est animée par Isabelle Burgun. Recherche : Matthieu Fannière. Vous pouvez également écouter cette émission sur CHOQ-FM (Toronto) CIBO-FM (Senneterre), CJMD (Lévis) et vous abonner sur iTunes.

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France — La liberté scolaire menacée en son cœur par le pouvoir socialiste

Dans un entretien avec Caroline Beyer paru hier dans les colonnes du Figaro, Anne Coffinier (ci-contre), la Directrice générale de la Fondation pour l’école dénonce les projets du gouvernement.

Figure emblématique de l’enseignement privé, Anne Coffinier vient de déposer un recours auprès du Conseil d’État pour excès de pouvoir. En ligne de mire : le projet du gouvernement qui entend contrôler davantage les écoles n’ayant pas de contrat (c’est-à-dire ne recevant pas de subventions en échange de se plier aux conditions multiples du Ministère de l’Éducation français sur les programmes, l’embauche de personnel, etc.) Ces écoles hors contrat n’existent pas au Québec qui régente très sévèrement la création d’écoles, d’où la chasse périodique aux « écoles illégales » en cette époque qui dit chérir la liberté (voir ce que nous en pensons). Normalienne, convertie au catholicisme pendant sa scolarité à l’ENA, Anne Coffinier préside la Fondation pour l’école, qui, depuis 2008, finance des établissements hors contrat.


LE FIGARO. — Comme annoncé par la ministre il y a quelques mois, les conditions se sont durcies pour les établissements hors contrat. Comment l’interprétez-vous ?

Anne COFFINIER. — Najat Vallaud-Belkacem a ouvert les hostilités, en fin de mandat, pour s’offrir une victoire symbolique sur le dos du hors contrat. Mais, paradoxalement, elle a permis la constitution d’une coalition sans précédent pour défendre la liberté scolaire, allant de l’Enseignement catholique aux écoles écocitoyennes en passant par l’Association des maires de France. Une partie de la gauche — des écologistes et des communistes — est hostile à la mainmise de l’Éducation nationale sur la formation de la jeunesse ! Le droit au libre-choix de l’école est une revendication transpartis.

La loi égalité et citoyenneté, adoptée le 22 décembre, prévoit de remplacer le régime d’ouverture des écoles, en le soumettant non plus à déclaration mais autorisation. Cela change-t-il la donne ?

—  Le prétexte est de lutter contre des risques de radicalisation, mais il est clair que l’État n’a pas de légitimité pour s’octroyer le droit de délivrer des permis de naissance aux écoles de la société civile. Ce n’est qu’en contrôlant sur le terrain les écoles qu’il pourra — au-delà des beaux dossiers de projets — jauger l’esprit véritable d’une école, afin de vérifier qu’on y cultive paisiblement l’amour de la France !

Ainsi, un décret daté du 28 octobre organise un renforcement des contrôles de ces écoles. Vous venez pourtant de déposer un recours auprès du Conseil d’État pour excès de pouvoir. Quels sont vos arguments ?

Les écoles indépendantes ne rendent un service au pays que parce qu’elles sont libres de leur recrutement professoral et de leurs programmes et méthodes pédagogiques. Leur imposer la référence des programmes de l’Éducation nationale les prive de l’essentiel de leur intérêt. Ce décret touche en plein cœur la liberté scolaire.

« Il faut changer totalement de logique. Le financement public d’une école doit dépendre non plus de son statut juridique (public, sous contrat, hors contrat), mais de sa performance scolaire. »

Vous réclamez des financements publics. N’est-ce pas contradictoire avec cette revendication de liberté ?

Il faut changer totalement de logique. Le financement public d’une école doit dépendre non plus de son statut juridique (public, sous contrat, hors contrat), mais de sa performance académique. Pourquoi ne pas s’inspirer des « écoles libres » anglaises, ces écoles publiques gratuites créées par la société civile et intégralement financées par l’État, dans le plein respect de leur caractère propre spirituel, éducatif et pédagogique? Elles sont financées par l’État pour autant qu’elles font progresser. Sinon, elles sont fermées sans pitié. La grande révolution, c’est l’évaluation. Par un organisme indépendant, bien sûr, et non par une Éducation nationale juge et partie.

Quel serait alors le rôle de l’Éducation nationale?

Bien gérer ses propres écoles. Et laisser la société civile faire sa part librement en matière d’éducation, sans chercher à la caporaliser. Trop d’enfants sont en échec parce qu’ils n’arrivent pas à entrer dans le moule unique de l’Éducation nationale !

Êtes-vous favorable au chèque éducation (financé par l’État, il permet aux familles de scolariser leur enfant dans l’école de leur choix, NDLR) ?

Oui, mais le crédit impôt est plus facile à mettre en œuvre. Chaque foyer pourrait déduire des impôts ses frais de scolarité ou, s’il n’est pas imposable, recevoir un chèque du même montant. Tous les parents, riches ou pauvres, auraient alors accès à l’école privée de leur choix. Le système actuel, avec la gratuité et la carte scolaire obligatoire pour l’école publique, incite les parents à se laisser porter.

Le chèque éducation est une proposition traditionnelle du Front national… [!!]

Plus aujourd’hui en tout cas. Et certainement pas au niveau international où le mécanisme est plébiscité tant à gauche (Scandinavie, Pays-Bas…) qu’à droite.

Quel type d’école votre fondation finance-t-elle?

Les meilleures écoles libres non lucratives. La plupart sont de confession catholique, même si nous finançons aussi des écoles non confessionnelles répondant à une urgence éducative: écoles de grande ruralité, pour enfants en difficulté, etc.


Pourriez-vous accompagner des projets d’écoles musulmanes ?

Nous ne l’avons jamais fait. Les projets éducatifs qui nous étaient présentés étaient incompatibles avec les valeurs de notre charte, notamment sur l’articulation entre foi et raison. Pour autant, notre Institut libre de formation des maîtres (ILFM) forme des maîtres de toutes confessions. Nous défendons en outre le droit des musulmans à créer leur école, à condition que ce ne soient pas des écoles communautaristes insufflant la haine de la civilisation française. Les liens des écoles musulmanes sous contrat avec les Frères musulmans nous semblent à ce titre inadmissibles.

L’école publique, Normale Sup, l’ENA… Quel souvenir gardez-vous de votre scolarité ?

Disons que cela manquait terriblement d’âme. Heureusement que j’avais un père extraordinaire et que je faisais de la musique en parallèle. Quand j’ai intégré Sciences Po puis l’ENA, j’ai vite compris que dans l’administration, réussite rimait avec servilité.

Un portrait du Monde vous décrivait comme « l’autre égérie de la Manif pour tous ». Quel est votre engagement politique?

Je suis catholique, j’aime la France, je crois en la famille. Je n’appartiens à aucun mouvement ni parti politique. Je suis un acteur de la société civile qui croit à l’incroyable fécondité de cette dernière, dès lors qu’elle prend son destin résolument en mains, sans tout attendre de l’État.

Source Le Figaro