samedi 1 novembre 2014

Histoire — Abolir la Cour suprême du Canada... dès 1879

De 1879 à 1882, quatre tentatives d’abolition de la Cour suprême du Canada nouvellement créée en 1875 ont lieu à la Chambre des Communes du Parlement du Canada. Le 26 avril 1879, Joseph Keeler, député conservateur de Northum­berland-Est (Ontario) introduit le premier projet de loi allant en ce sens. Appuyé par Dalton McCarthy, député conservateur de Simcoe Nord (Ontario) et membre influent du Barreau du Haut-Canada, ainsi que par la députation québécoise, ce premier projet est adopté en première lecture à l’issue d’un vif débat. Cependant, le gouvernement fait croire qu’il va « étudier la question » et obtient ainsi que son cheminement législatif soit retardé. M. Keeler réintroduit son projet de loi en février 1880, mais le gouvernement réussit encore à l’écarter en obtenant sa « suspension pour six mois » à 148 voix contre 29, afin d’envoyer le projet aux oubliettes en attendant que l’opinion du milieu juridique ontarien bascule. M. Keeler introduit une troisième fois son projet en décembre 1880, mais il décède en janvier 1881.

C’est dès lors Auguste Phillipe Landry, député conservateur de Montmagny (Québec), qui parraine le projet de loi. Malheureusement, la députation anglophone commence alors à voir dans ce projet une expression du particularisme canadien-français, et dans la Cour suprême un levier de centralisation étatique. Les députés anglophones forcent encore une fois la « suspension pour six mois » du projet de loi, à 88 contre 39 voix. M. Landry tente pour une quatrième fois de faire avancer ce projet de loi le 12 avril 1882, mais cette fois aussi, les anglophones l’en empêchent définitivement dès la première lecture.

Par ailleurs, de 1881 à 1886, au moins cinq tentatives furent faites par la députation québécoise, avec à sa tête Désiré Girouard, député de Jacques-Cartier (Québec), dans le but de soustraire de la juridiction de la Cour suprême les matières de compétence provinciale (bref toute la législation provinciale). Même histoire : les anglophones, plutôt que de voir dans cette proposition une garantie de l’intégrité des provinces de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse, y voient une « menace française » et bloquent le projet. M. Girouard proposa même que cette loi ne s’applique qu’au Québec, mais les anglophones ne voulurent rien entendre. Le dernier obstacle à la toute-puissance de ce tribunal était la possibilité d’appeler de ses décisions à la Commission judiciaire du Conseil privé de Londres, chose qui fut impossible à partir de 1888 en matière criminelle (quoique brièvement possible entre 1926 à 1933) et pour toutes les matières en 1949. Dès lors, la porte était grande ouverte à la montée de l’activisme judiciaire, du gouvernement des juges et ultimement à la suprématie judiciaire au Canada, à l’instar des États-Unis.

Pour qu’on se souvienne que cela aurait pu être évité, je reproduis ci-dessous des extraits de l’intervention de Joseph Keeler au Parlement le samedi 26 avril 1879.




M. Keeler : « Je présente un bill (no 84) à l’effet d’abroger les actes relatifs à la Cour suprême et de l’Échiquier et leurs amendements. C’est du point de vue de l’économie que je soumets ce projet de loi ; et puis, nous avons beaucoup trop de tribunaux au Canada ; nous pouvons parfaitement nous passer de la Cour suprême. [...]

Le peuple partage avec moi l’opinion que ce tribunal est complètement inutile. Nous avons en effet dans chacune des provinces des cours qui sont bien préférables et dont les décisions ont plus de poids que celles de la Cour suprême qu’on a créée à Ottawa. [...]

La population des provinces d’Ontario et de Québec pense que ce tribunal a été créé pour procurer de bonnes positions aux honorables messieurs de la gauche et à leurs amis. [...]

Dans mon compté, la population en est très mécontente. Elle préfère la Cour du banc de la Reine d’Ontario, dont les décisions sont beaucoup plus respectées que celles de la Cour suprême. [...]

Je suis décidé à pousser cette affaire jusqu’au bout et à m’assurer si la majorité de la Chambre consent à perpétuer un système d’extravagance et de gaspillage des deniers publics tel que celui qu’entraîne le maintien de la Cour suprême. [...] Je suis très fier d’avoir provoqué, à l’appui de ma motion, le vote le plus nombreux qui ait été pris à cette session. »

David Mills, député libéral de Bothwell (Ontario) se lamenta : « En appuyant la motion de l’honorable député de Northumberland-Est, les honorables messieurs de la droite ont favorisé l’abolition de la Cour suprême qui est une grande institution politique. »

Le Premier ministre fédéral, John Macdonald, quoique ambivalent sur l’abolition, fustigea les députés libéraux qui affirmaient que la Cour suprême est une institution sacrée en comparant cette idée avec le fait que la Chambre étoilée (Star Chamber) — un tribunal de « prérogative royale » ayant servi à persécuter les protestants réformés au XVIIe siècle et qui fut abolie par ceux-ci dès qu’ils prirent le pouvoir — était considérée être une institution sacrée par ses partisans.

Alfred Boultbee, député conservateur de York-Est (Ontario) affirma ce jour-là : « La Chambre a parfaitement le droit de discuter l’opportunité de l’abolir [la Cour suprême]. Un jour ou l’autre, le peuple chargera peut-être ses représentants d’abolir cette cour, à laquelle ce n’est point manquer de respect que de discuter la question dès à présent. »

Alphonse Desjardins, député d’Hochelaga (Québec), expliqua en ces termes l’impertinence que représentait la Cour suprême pour la population québécoise : « Je sais parfaitement que dans la province de Québec il existe non sans raison de fortes préventions contre ce tribunal et plus particulièrement contre ses attributions comme cour d’appel des jugements de nos tribunaux civils. Il sera facile pour cette chambre de comprendre le motif de cette prévention quand elle se rappellera que pendant qu’aucune personne ne peut être appelée à siéger à la Cour supérieure ou a la Cour du banc de la Reine dans notre Province avant d’avoir suivi un cours de droit et pratiqué comme avocat pendant au moins dix ans, ici, pour ce tribunal de dernier ressort appelé à confirmer ou renverser les décisions de nos juges, quatre sur six de ces juges sont choisis dans d’autres provinces sans qu’ils n’aient été tenus au préalable d’étudier nos lois civiles. »

Sources du texte de l’article :

  • Débats de la Chambre des Communes du Canada, 4e Parlement, 4e Session, 1879, Ottawa, T.J. Richardson, Vol. II, p. 1391-1408 sur 2056.
  • James Snell et Frederick Vaughan, The Supreme Court of Canada : History of the Institution, Toronto, Toronto University Press, 1985, p. 28-32 et 269.
  • Ian Bushnell, The Captive Court, Montréal et Kingston, McGill — Queen’s University Press, 1992, p. 92-96.

Sur le thème de la suprématie judiciaire aux États-Unis, consultez aussi :


Source du billet : 26 avril 1879 : un projet de loi visant à abolir la Cour suprême est introduit à la Chambre des Communes du Canada [Le Monarchomaque] avec quelques corrections éditoriales.




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Théorie du genre, le nouveau puritanisme

« Invention réactionnaire » pour les socialistes et autres soi-disant « progressistes », « idéologie postmoderne » pour Michel Onfray, la théorie du genre suscite des réactions passionnées. On l’a vu notamment lors de la mise en place en France des ABCD de l’égalité. Mais de quoi s’agit-il ? Comment interpréter ce discours, qui veut déconstruire le féminin et le masculin ? Pourquoi la France, longtemps rétive, a-t-elle fini par y succomber ? Qu’est-ce qu’une éducation asexuée ? L’hétérosexualité serait-elle « notre dernière aliénation » ? Dans un essai à paraître la semaine prochaine la philosophe Bérénice Levet dissèque ce qui est selon elle un nouveau puritanisme, le « dernier avatar de la haine d’Éros ». Tout en dénonçant le mépris dont font l’objet les anti-genre, elle considère qu’invoquer l’ordre de la nature ou de la création est un peu court, selon elle. La philosophie qu’elle oppose au genre n’emprunte pas à Dieu ni aux sciences. « La différence des sexes ne rend pas seulement possible la filiation, la génération, écrit-elle, elle produit entre ces deux êtres tellement semblables et tellement différents une aimantation vertigineuse, un appel des sens que rien n’apaise et qui a sa fin en soi. » Bref, face à une élite intellectuelle qui se gargarise de « différences » à valoriser et pourtant en vient à nier celle de leurs corps, Bérénice Levet livre un vibrant hymne à l’altérité fondatrice.

Extraits de La théorie du genre ou le monde rêvé des anges (Grasset)

« Les corps perçus comme des objets quelconques

La formule a de quoi surprendre. Les partisans du genre se présentent au contraire comme les pourfendeurs d’un rigorisme moral dont nous resterions tributaires et qui expliquerait notre attitude critique à leur endroit. Mais le corset moral aujourd’hui, ce ne sont pas les chrétiens et autres esprits prétendument étriqués, crispés, bref réactionnaires, qui en resserrent toujours plus les fils, ce sont les idéologies les plus progressistes, celles qui, en dépit du XXe siècle, continuent de croire en une fin de l’Histoire, en un monde réconcilié, délivré des ténèbres, des ombres, des aspérités de la condition humaine. Et qui, en vertu de cette loi de l’Histoire dont ils seraient les confidents, refaçonnent l’humanité. Nous n’avons plus guère besoin de la religion pour prôner l’abstinence, la continence, prêcher l’ascétisme le plus strict. Les penseurs du genre s’en chargent très bien.

Le climat, science ou religion ?


De Didier Raoult, né en 1952 au Sénégal, il est un chercheur biologiste et professeur de microbiologie français. Médecin de formation, il se spécialise en maladies infectieuses. Il a découvert avec son équipe plus de soixante nouveaux virus, dont les mimivirus (ou virus géants). Il est classé parmi les dix premiers chercheurs français par la revue Nature.

La nature refuse d’obéir aux prédictions. Difficile à admettre pour certains scientifiques.

En tant que scientifique spécialisé dans la découverte de nouveaux microbes, puis comme chargé de mission auprès des ministères de la Santé et de la Recherche, j’ai été amené à m’interroger sur les prédictions d’épidémies et les modèles mathématiques qui les soutiennent.

Ma conclusion est qu’il est impossible de prédire l’avenir, ce que l’on voit pour Ebola. Nous pouvons extrapoler, à partir de données connues, que l’évolution des chiffres se fera au même rythme, par déduction, mais rien n’est moins sûr.

Concernant les prédictions sur le réchauffement climatique, Paul Nurse, le nouveau président de la British Science Association, a proposé que les climato-sceptiques soient écrasés puis brûlés !

L’adhésion à la prédiction climatique est devenue une ligne de démarcation entre démocrates et républicains aux États-Unis ! John Kerry, secrétaire d’État américain, compare les climato-sceptiques aux imbéciles qui croient que la Terre est plate et cite la Genèse de la Bible pour conforter son point de vue !

Cette nervosité croissante est née d’une inquiétude grandissante liée au fait que la nature a refusé d’obéir aux prédictions. Les faits sont difficilement contestables : la température de la Terre a augmenté rapidement de 1980 à la fin des années 90, depuis, elle est en plateau, on parle d’« hiatus » climatique.

La surface de la banquise antarctique bat tous les ans des records de taille et certains glaciers grossissent. De nombreuses explications et de multiples nouveaux modèles sont proposés, mais plus personne ne conteste le fait qu’aucun modèle prédictif n’avait prévu ce que nous observons.

En pratique, la température de la planète n’augmente plus. L’avenir dira si elle reste stable, diminue ou augmente.

Un article qui vient de paraître dans Nature annonce que la mesure de la température globale de la Terre n’est plus le bon indicateur. Il vaut mieux casser le thermomètre qui vous contredit ! Récemment, le New York Times et Nature ont relevé un intéressant renversement sémantique : le remplacement du terme « réchauffement de la planète » par « changement climatique ». Le basculement s’est opéré à partir de 2006 dans les colonnes du New York Times, quand l’évidence de l’« hiatus climatique » est devenue incontestable. Et, comme l’a constaté Nature, la courbe des publications scientifiques parlant de « réchauffement » et celles évoquant un « changement » s’est inversée en 2009.

Que les journalistes et les hommes politiques adhèrent sans nuance à une théorie qui leur donne l’impression d’être éclairés, ce n’est pas surprenant. Pour les scientifiques, c’est beaucoup plus gênant. En science, une théorie doit pouvoir être contredite. C’est la base de l’enseignement de Karl R. Popper, sinon elle perd son statut de théorie scientifique pour devenir une religion, ce qui justifie dès lors de brûler les hérétiques, comme le propose sir Paul Nurse. En leur temps, même les prédictions de Nostradamus n’étaient pas devenues des pièces de procès en hérésie scientifique !

Source : Le Point


Voir aussi


Débat à la télé belge entre un climato-sceptique et un réchauffiste

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Le réchauffement climatique est en panne depuis 16 ans.

Écologisme — la revue Nature reconnaît l'échec des modèles prédictifs informatiques


Conférence de Drieu Godefridi et Istvan Marko, coauteurs de Climat, quinze vérités qui dérangent, publié chez Texquis. La conférence s'est tenue à Louvain-la-Neuve (Belgique), le 23 février 2014, à 19 h. Durée : 1 h 5 min.

CERN : des modèles climatiques à corriger ?

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