mercredi 27 février 2013

Feu vert théorique au gaz de schiste en Allemagne ...ou moratoire en pratique ?

Le gouvernement d’Angela Merkel va déposer un projet de loi pour autoriser l’exploitation des gisements de gaz non conventionnel.

Le Québec aime se comparer au chef de file de l'écologie politique.Mais voilà l’Allemagne, après sa décision en 2011 d’abandonner le nucléaire cherche de nouvelles sources d'énergie à bon marché et moins polluantes que le charbon.

C'est pourquoi le gouvernement d’Angela Merkel a ainsi annoncé, mardi 26 février, le dépôt d’un projet de loi autorisant l’exploitation de gaz de schiste.

Pour rassurer une partie de l'opinion publique qui s’inquiète des conséquences environnementales potentielles, notamment sur les nappes phréatiques, la technique de la fracturation hydraulique de la roche pour récupérer le gaz sera encadrée. Le texte prévoit de l’interdire dans les zones d’eaux protégées et de sources minérales. Au total, 14 % du territoire allemand serait ainsi « sanctuarisé ». Ailleurs, des études d’impact sur l’environnement devront en outre être effectuées avant chaque projet d’extraction.

Réserves importantes de gaz 

La gauche allemande (les Verts et les sociaux-démocrates), réclament un moratoire, en attendant que l’on découvre de nouvelles techniques d’extraction. De leur côté, les milieux industriels font pression sur les pouvoirs publics pour que l’on exploite au plus vite ce gaz non conventionnel.

Contrairement au ministre de l'économie, le ministre de l'environnement allemand, Peter Altmaier, ci-dessous, considère qu'il s'agit dans les faits d'un moratoires car, selon lui, rien n'empêchait la fracturation hydraulique auparavant.

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Entrevue en allemand avec le ministre Altmaier (autre lien)

Le sous-sol allemand compterait jusqu’à 2 300 milliards de mètres cubes de gaz de schiste, selon l’Office fédéral de géophysique, qui qualifie ces ressources de « très importantes ». Les réserves du gisement Utica au  Québec étaient estimées à 3 500 milliards de mètres cubes de gaz en 2009 par l'Office national de l'énergie du Canada (actuellement environ seuls 20 % des réserves peuvent être exploitées).

L’Allemagne consomme actuellement 86 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an, dont la moitié environ provient de Russie. « Les réserves nationales d’hydrocarbures vont nettement contribuer à la sécurité d’approvisionnement et à la stabilité des prix énergétiques en Allemagne », affirme le projet de loi.

Selon le quotidien Handelsblatt, ces gisements de gaz non-conventionnels se situeraient principalement en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en Basse-Saxe, en Hesse et dans la partie haute du Rhin. Il s'agit des régions les plus peuplées de l'Allemagne.

Poussé par l'abandon du nucléaire

En pleine campagne électorale, cette transition énergétique suscite de nombreux débats en Allemagne, en particulier sur le financement des énergies renouvelables. D’ici à 2050, le pays compte tirer 80 % de son électricité des énergies renouvelables et la dernière centrale nucléaire doit fermer en 2022. La construction de nouvelles lignes à très haute tension pour relier les éoliennes de la mer du Nord aux bassins industriels du centre et du sud du pays, suscite aussi de nombreuses réactions négatives de la part des riverains concernés. Les travaux prennent beaucoup de retard et les recours juridiques se multiplient.

En attendant, le prix à payer pour les particuliers va singulièrement grimper, alors que les industriels sont pour l’heure relativement épargnés, au nom du maintien de la compétitivité. Rien que cette année, le coût de la garantie de rachat de l’énergie éolienne et solaire, à un prix supérieur au marché, est évalué à une vingtaine de milliards d’euros.

La facture moyenne d’électricité des ménages allemands, qui est déjà deux fois supérieure à celle des ménages français, devrait ainsi augmenter de 13 % en 2013.

Les centrales au charbon tournent à plein régime 

En attendant, les producteurs d'électricité allemands, comme E.ON et RWE, font tourner à plein régime leurs vieilles centrales à charbon, déjà largement amorties. Un moyen pour eux de compenser financièrement une partie des investissements colossaux qu’ils s’apprêtent à faire dans le renouvelable, et de récupérer un peu du manque à gagner lié à l’arrêt prématuré de leurs réacteurs nucléaires.

Le charbon demeure en effet une énergie très bon marché, comparé aux autres énergies fossiles. L’an dernier, son prix a même chuté de 35 %, en raison notamment de l’afflux en Europe de charbon américain qui a de plus en plus de mal à trouver preneur aux États-Unis, avec la concurrence du gaz de schiste. Le charbon allemand est souvent de la lignite, un charbon très polluant.

Excavateur à godets géant à Garzweiler (Allemagne occidentale, proche de la Belgique)

Émissions des gaz à effet de serre augmentent en Allemagne

Une mauvaise nouvelle pour l’environnement. Les émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne ont ainsi augmenté de 1,6 % en 2012, pour atteindre l’équivalent de 931 millions de tonnes de dioxyde de carbone, soit 14 millions de plus qu’en 2011. Dans un communiqué publié lundi 25 février, l’agence fédérale de l’environnement (UBA) justifie cette tendance par le fait que « plus de charbon et de houille ont été brûlés pour produire de l’électricité et que le gaz a été davantage utilisé pour le chauffage des habitations ».


Excavateur à godets géant à Nochten (Allemagne orientale, proche de la Pologne)

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