samedi 14 avril 2012

France — La « gauche » progressiste parle-t-elle encore aux ouvriers et au peuple ?



France Inter, Les Matins, 14/XII/2011

Christophe Guilluy
Géographe
Consultant spécialiste des nouvelles dynamiques sociales et territoriales
Vient de publier : Plaidoyer pour une gauche populaire (ouvrage colletif) éditions Le Bord de l’eau

Hervé Algalarrondo
Journaliste au Nouvel Observateur
Vient de publier chez Plon La gauche et la préférence immigrée




Marc Voinchet reçoit Christophe Guilluy, géographe, auteur de "Fractures françaises".
France Culture - Les Matins - 27/X/2010

Christophe Guilly cite les travaux de Robert Putnam sur la perte de confiance dans les sociétés multiethniques. Dans un article retentissant publié en juin 2007, ce sociologue et politiste en arrive à formuler un certain nombre de conclusions inattendues de la part d'un « progressiste », et qu'on peut réduire à quatre thèses :
  1. Plus la diversité ethnique grandit, plus la confiance entre les individus s'affaiblit  ;
  2. dans les communautés les plus diversifiées, les individus ont moins confiance en leurs voisins  ;
  3. dans ces mêmes communautés, non seulement la confiance inter-ethnique est plus faible qu'ailleurs, mais la confiance intra-ethnique l'est aussi ;
  4. la diversité ethnique conduit à l'anomie et à l'isolement social.
Il va de soi que de telles conclusions, établies à partir d'une enquête conduite d'une manière exemplairement scientifique sur un échantillon d'environ 30 000 individus, ne peuvent qu'affoler les adeptes du « politiquement correct » en matière d'immigration (célébrée comme une « richesse ») et les partisans du multiculturalisme. D'où sans doute l'idée qu'il faut agir au plus tôt sur les enfants en les « socialisant » correctement par des cours idéologiques comme le programme d'éthique et de culture religieuse (ECR). Pour être honnête, il faut dire que Putnam qui est un « liberal » américain pense que ces difficultés liées à la diversité sont passagères et que, sur le long terme, l'immigration est une bonne chose (ou plutôt l'immigration passée, c'est-à-dire très majoritairement européenne, aux États-Unis aurait été une bonne chose).



Écouter une débat radiophique avec Robert Putnam (en anglais)




Éric Zemmour et Éric Naulleau reçoivent Christophe Guilly
Christophe Guilluy a publié « Fractures françaises » en 2010

Paris Première, le 14/IV/2012


Des banlieues aux zones rurales, des métropoles aux petites villes, dans quel état se trouvent les couches populaires, après vingt ans de mondialisation ? Dans Fractures françaises, Christophe Guilluy nous propose une leçon inédite de géographie sociale. S'appuyant sur sa discipline, il révèle une situation des couches populaires très différente des représentations caricaturales habituelles. Leur évolution dessine une France minée par un séparatisme social et culturel. Derrière le trompe-l'oeil d'une société apaisée, s'affirme en fait une crise profonde du " vivre ensemble ". Les solutions politiques et une nouvelle attitude sont possibles, pour peu que les nouveaux antagonismes qui travaillent la société soient reconnus et discutés publiquement. Il y a urgence : si la raison ne l'emportait pas, les pressions de la mondialisation qui élargissent les fractures sociales et culturelles risqueraient de faire exploser le modèle républicain.

En bon géographe qu'il est, l'auteur tente de démonter un certain nombre de clichés qui ont cours depuis quelque temps et qui appuient une conception politique, notamment développée par la gauche. Le principal de ces clichés tient dans une vision de la société française qui se résumerait, pour l'essentiel, à une césure entre une minorité de pauvres issus de l'immigration et concentrés dans plusieurs banlieues urbaines, et une majorité de Français relevant des « classes moyennes », vivant en zones périurbaines et rurales. Voir les choses ainsi tend à déplacer la question sociale vers la lutte contre les discriminations ethniques et la promotion des minorités. Il en résulte une conception largement favorable à la mondialisation et au multiculturalisme. La réalité, pourtant, est bien différente. Quand bien même, pour les élites, la « France populaire, industrielle et rurale a vécu » (p. 105), elle demeure bien vivace. Sa population augmente dans les zones pavillonnaires et les espaces ruraux. Loin de se confondre avec les fameuses « classes moyennes », elle cumule plutôt les indicateurs socioéconomiques défavorables. Les taux de pauvreté sont plus élevés dans le Cantal (21, 6%), la Corse (21,4 %), l'Aude (21,4 %) qu'en Seine-Saint-Denis (18 %). Cette France-là n'abrite guère les élites bénéficiaires de la mondialisation. Elle la craint plutôt et en souffre fréquemment avec les délocalisations.

Fractures françaises
par Christophe Guilly
chez Bourin Éditeur
à Paris, le 21 octobre 2010
206 pages
ISBN-10: 2849412015


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Les femmes qui ont plusieurs enfants vivent plus longtemps

Selon une recherche publiée récemment (mars 2012) dans la revue britannique Age and Ageing, les femmes qui ont des enfants vivent plus longtemps que celles qui n’en ont pas.

Ces résultats se fondent sur une étude de la communauté des habitants âgés de Dubbo, une ville de Nouvelle-Galles-du-Sud en Australie. Les chercheurs ont constaté une augmentation de la mortalité, toutes causes confondues, à un âge avancé, chez les femmes nullipares (sans enfants) alors que plus une femme avait eu d’enfants plus elle était susceptible de vivre longtemps.

L'étude s’est penchée sur l'association de la parité (le nombre de fois qu'une femme a donné naissance) et la mortalité à un âge avancé. 1233 hommes et 1571 femmes âgés de 60 ans ou plus se sont inscrits pour participer à l'étude en 1988-89. Chaque participant a déclaré le nombre d'enfants qu'ils avaient eus. La population étudiée était largement représentative de la population australienne née avant 1930 selon le sexe, l'âge, l'emploi, le statut socioéconomique, l'usage du tabac, la pression artérielle moyenne et d'autres variables. Tous les participants ont subi des évaluations psychosociales et de risques cardio-vasculaires au début de l'étude. Pendant les seize années suivantes, les dossiers d'hospitalisation et de décès ont été surveillés en permanence. En outre, une enquête postale a été organisée tous les deux ans afin de confirmer l’état de santé des participants.

Les chercheurs ont examiné les liens entre la parité et les variables suivantes: âge, tabagisme, consommation d'alcool, indice de masse corporelle (IMC), lipides et lipoprotéines sériques, diabète, hypertension, débit expiratoire de pointe, maladies cardiaques ou AVC préalables, fibrillation auriculaire, note aux tests de dépression, taux d’activité physique quotidien et auto-évaluation de la santé.

L'étude a démontré que la mortalité, toutes causes confondues, diminue en même temps que la parité croît. La mortalité est la plus élevée chez les femmes nullipares (femmes sans enfants), elle diminue progressivement jusqu'à ce que les femmes aient trois enfants ou plus. Les femmes ayant six enfants ou plus bénéficiaient d’un risque de mortalité de 40 % inférieur à des femmes nullipares.

Les résultats de cette étude confirment ceux de recherches effectuées en Norvège et en Israël, mais elle contraste avec une étude menée en Angleterre et au Pays de Galles et publiée en 2005 qui suggérait que, à la fois, les femmes nullipares et celles ayant eu cinq enfants ou plus avaient des risques supplémentaires de décès. L'étude Dubbo n'a produit aucune preuve statistiquement significative qui relierait la mortalité masculine au nombre d'enfants engendrés.

Pour le professeur Simons qui a dirigé l’étude, « les résultats contradictoires de notre étude et ceux de l’étude menée en Angleterre et au Pays de Galles il y a quelques années ne peuvent pas facilement s’expliquer. Il est possible que ces différences soient liées à la conception de l’étude ou à des aspects sociodémographiques de la population étudiée. »


Source : Age et Ageing, 29 mars 2012 (Simons et al.)

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Passer aux bons scolaires : approche progressive ou bang créateur ?

Le chèque scolaire est la solution qui permettrait à la libre entreprise pédagogique de concurrencer à armes égales l’administration pédagogique qu’est l’Éducation nationale. Mais s’il se répand dans des pays anglo-saxons, peut-on l’acclimater à des pays dirigistes tels que la France ?

Par Jacques Bichot, économiste, professeur émérite à l’université Lyon III*.


Au pays de la carte scolaire, la liberté de choix de l’école par les familles est vaille que vaille assurée par l’existence d’établissements dits « libres » qui produisent un petit quart de l’enseignement des premier et second degrés.

Pourquoi « dits » libres ? Parce que ces institutions vivent très majoritairement grâce à un contrat léonin passé avec l’État : celui-ci prend en charge les salaires de leurs enseignants, mais en contrepartie leur impose des règles de fonctionnement calquées sur celles de leurs homologues publiques. La liberté de ces établissements « sous contrat » [nos écoles privées au Québec qui sont toutes sous la coupe du Monopole de l'Éducation] est donc limitée, qu’il s’agisse des programmes, des méthodes pédagogiques ou des équipes.

Certains d’entre eux envient les rares adeptes du loup de Jean de La Fontaine, qui ne portent aucun collier ; mais la maxime « point de franche lippée, tout à la pointe de l’épée » leur ferait perdre la plus grosse partie de leurs effectifs ; de nombreux enfants et adolescents seraient privés de services éducatifs qui leur conviennent mieux que ceux des établissements publics situés à proximité ; ils conservent donc le collier de la sujétion.

Le chèque scolaire est la solution qui permettrait à la libre entreprise pédagogique de concurrencer à armes égales l’administration pédagogique qu’est l’Éducation nationale. Il consiste en effet à fournir un budget par élève à tout établissement répondant à de strictes normes de qualité, qu’il soit public ou privé. Le financement reste assuré par l’impôt, ce qui garantit à tout citoyen, fut-il pauvre comme Job, que ses enfants pourront être scolarisés où il veut dans de bonnes conditions.

L’impôt, dès lors, ne servirait plus à soumettre les enfants et les jeunes à un enseignement « politiquement correct », mais à concilier concrètement les trois principes de la République : la liberté (pour les familles et pour les équipes pédagogiques), l’égalité (entre les enfants de riches et les enfants de pauvres), et la fraternité (les riches payant une bonne partie de la scolarité des enfants des pauvres).

Le chèque scolaire existe depuis fort longtemps aux Pays-Bas, et prend de l’extension dans divers pays anglo-saxons ; il fait également son apparition dans certains pays émergents. Pourrait-on l’acclimater à des pays dirigistes tels que la France ? L’amorce d’étude de faisabilité que j’ai réalisée il y a deux ans, et un récent colloque, montrent qu’il ne faut pas rêver : les obstacles à une réforme de grande envergure sont puissants, du fait des institutions, des statuts, et des mentalités.

Dans beaucoup de domaines, le « big-bang » serait en France la meilleure façon de réaliser un véritable changement institutionnel, si les dirigeants de ce pays avaient l’intelligence et l’audace requises pour mener une telle opération. Mais la ligne Maginot qui protège l’enseignement traditionnel est probablement beaucoup plus complète que celle qui, en 1940, a été débordée par la blitzkrieg allemande. Il faut donc réfléchir à une stratégie d’infiltration.

À cet égard, plusieurs « niches » mériteraient un examen attentif. Certains types d’études supérieures sont en contradiction avec le principe d’égalité, par exemple les études de gestion, tantôt prises en charge par l’impôt (Instituts d’administration des entreprises) et tantôt principalement financées par les étudiants ou leurs parents (écoles de commerce). Dans d’autres domaines, l’Éducation nationale est visiblement dépassée par les besoins de la population (handicapés, surdoués, quartiers défavorisés). En faisant des propositions constructives pour améliorer les choses dans de tels domaines grâce au chèque scolaire, peut-être pourrait-on commencer à faire comprendre l’intérêt qu’il présente pour la liberté, l’égalité et la fraternité, et aussi pour l’efficacité.




* Dernier ouvrage paru de l’auteur : Les enjeux 2012 de A à Z, éd. l’Harmattan, 2012.

Source

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