samedi 18 mars 2023

Le redressement commence par l'éducation et il ne s'agit pas de dépenser plus en éducation

Tiré d'un entretien entre le politologue Jérôme Fourquet et l'historien Pierre Vermeren paru dans Le Figaro du 10 mars 2023.

Pierre VERMEREN. - En tant que professeur, je pense qu’il faut commencer par le commencement, à savoir la formation et l’école. Il faut clairement repartir de zéro, parce que ce n’est pas avec des universités scientifiques vides et des classes prépa ingénieurs qui ferment à tour de bras, que l’on va réindustrialiser la France. De même, on ne sortira pas de la crise agricole sans ingénieurs agronomes en quantité. Le système scolaire est à bout de souffle, et non seulement on refuse d’y remédier, mais beaucoup le fuient. Bien des bourgeois envoient leurs enfants pour quelques trimestres dans des universités étrangères, exactement comme le font les Libanais, parce qu’ils imaginent que leur avenir ne sera probablement pas en France, mais loin de nos problèmes. Il faut faire en sorte que chaque élève acquière au moins un savoir minimum, ce que la IIIe République a très bien su faire avec infiniment moins de moyens. Cela suppose des exigences fermes dans le domaine de l’éducation: on en est très loin. À ce stade, le pays ne peut pas se relever en cinq ans, il faut voir sur le long terme. Ce sera l’affaire d’une ou deux générations, à condition de le vouloir. L’autre solution: le bateau ivre.

Jérôme FOURQUET . - Je suis tout à fait d’accord avec Pierre Vermeren, il faut partir des fondamentaux, c’est-à-dire l’éducation. Et il est nécessaire de poser un diagnostic général sur l’ensemble des secteurs en perdition. C’est un préalable nécessaire pour que des courants d’opinions et des responsables politiques s’emparent de ces sujets. Aujourd’hui tout le monde parle de la désindustrialisation, mais il faudrait que l’on comprenne vraiment quelle est la source du problème, et que des personnes décident d’y remédier. Si on veut être objectif vis-à-vis de nos dirigeants actuels, il est vrai que des mesures sur la politique de l’offre ont été prises, que ce soit par la baisse des impôts de production, ou le travail sur l’image de la compétitivité économique française, et ont porté quelques résultats encourageants. En effet, juste avant la crise du Covid, la balance entre les fermetures et les ouvertures des sites industriels était repassée dans le vert. Cela montre bien qu’on peut encore agir, mais il faut établir un constat lucide sur notre situation, avoir le courage d’affronter tous ces problèmes, et essayer de mobiliser le plus grand nombre des composantes de la société française dans un projet commun. Il y a quelques semaines, on a parlé dans l’actualité du cas d’un projet d’usine de pain brioché en Bretagne, qui se trouve confronté à une opposition des habitants. On voit donc que l’impératif de la réindustrialisation n’est pas encore partagé par tout le monde et que toute une partie des passagers du paquebot France n’a pas pleinement conscience que les cales se remplissent dangereusement d’eau.

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