samedi 18 juin 2022

Le Bescherelle se prononce contre le point médian de l'écriture inclusive

La référence en matière de grammaire et de conjugaison, publiée chez Hatier depuis 1913, jouit d’une notoriété qui ne faiblit pas. Certains de leurs manuels de conjugaison dépassent le million d’exemplaires vendus.

Le point médian

Ce signe veut marquer dans l’écriture inclusive une égalité entre masculin et féminin, comme dans « les artisan·e·s » (exemple tiré d’un manuel scolaire de 2017). Mais d’après le Bescherelle, il « ne contribue pas à simplifier l’orthographe » — ce qui n’est pas son but — et, plus fâcheux, « ne correspond pas à une prononciation ». Si le Bescherelle est irremplaçable pour apprendre la conjugaison de moudre, est-il une référence aujourd’hui ? Pour beaucoup de parents et d’enseignants, oui. Les éditions Hatier, qui revendiquent la place de numéro un en France du parascolaire (ouvrages destinés aux élèves en dehors de leur établissement), font vivre la marque avec succès depuis 1913.

Une référence… mais pas la seule

Le bibliothécaire et grammairien Louis-Nicolas Bescherelle (1802-1883) n’a pas laissé sur la langue la même empreinte qu’Émile Littré, Pierre Larousse, Maurice Grevisse ou même Édouard Bled. Un grand linguiste de notre siècle, Alain Rey, interrogé par l’AFP en 2013, s’étonnait même de la popularité de la marque. 

Mais le succès d’une parodie, en 2014, a prouvé son immense notoriété, voire sa cote d’amour. Son créateur Sylvain Szewczyk avait eu l’audace de s’approprier le nom d’utilisateur @Bescherelle sur Twitter, de créer la marque « Bescherelle ta mère ». Il corrigeait les fautes de français les plus absurdes. Bescherelle avait alors créé son compte, @BescherelleFR. « C’était notre entrée sur les réseaux sociaux. Et c’était sympa de voir combien de gens s’intéressaient à la langue et aux fautes de français », dit à l’AFP Véronique Cabon-Tournier, des éditions Hatier.

Par moments, ce compte passe pour trop directif. En mars, il écrivait que « le mot après-midi est masculin et invariable ». Or, le féminin est fréquent à l’oral comme à l’écrit, ce que même l’Académie française reconnaît. Et la très officielle réforme orthographique de 1990 adoube « les après-midis ». « On connaît le système français, l’enseignement très centralisé, l’attachement au bien-parler et au bien-écrire… Ce besoin de références se fait ressentir. Mais nous ne sommes pas un dictionnaire ni une autorité qui légifère », commente l’éditrice du Bescherelle.

Louis-Nicolas Bescherelle et son frère avaient pourtant publié en leur temps un Dictionnaire national tombé en désuétude face à ses concurrents. Ils affirmaient en introduction : « La langue a besoin non pas d’être bornée, mais fixée, ce qui est une tout autre chose. » Leurs successeurs se sont lancés dans d’autres aventures. Il y a 25 ans, ils s’attaquaient aux langues étrangères : l’espagnol d’abord, puis l’anglais, l’allemand, l’italien et le chinois. Ils publient, mercredi également, deux premiers ouvrages de mathématiques, Bescherelle maths école et collège.

Aucun commentaire: