jeudi 25 mars 2021

Budget genré aujourd'hui, budget racisé demain ?

La philosophe Bérénice Levet analyse dans le Figaro la portée de l’adoption par la mairie de Lyon d’un « budget genré », l’influence de la théorie du genre et la question de son lien avec le décolonialisme. Bérénice Levet est l’auteur du « Musée imaginaire d’Hannah Arendt » (Stock, 2011), de « La Théorie du genre ou le Monde rêvé des anges », préfacé par Michel Onfray (Livre de poche, 2016), du « Crépuscule des idoles progressistes » (Stock, 2017) et de « Libérons-nous du féminisme ! » (Éd. de l’Observatoire, 2018).

LE FIGARO. — La mairie de Lyon a mis en place un « budget genré » pour adapter le budget de la municipalité au souci de l’égalité hommes-femmes. Que vous inspire cette initiative ?

Bérénice LEVET. — Cette initiative n’a rien de très surprenant, la toute première mesure du maire Europe Écologie-Les Verts de la ville de Lyon, Grégory Doucet, fut l’adoption de la langue inclusive dans la communication municipale. Ces villes dont les écologistes sont les princes sont les laboratoires d’expérimentation d’une conversion de la France à des principes qui lui sont non seulement étrangers, mais contraires. Or, le prisme identitaire, qui préside à cette politique, est un produit d’importation, forgé sur les campus américains.

Rien de surprenant donc, mais tout en revanche de fort préoccupant car « un budget sensible au genre », cela signifie, par exemple, que le musée des Beaux-Arts, qui recèle des trésors, mais des trésors qui ont pour défaut, aux yeux de nos activistes, d’avoir été peints par des hommes, devra veiller à exposer autant d’œuvres d’artistes masculins que d’artistes femmes et donc non seulement remiser au placard bien des tableaux, mais revoir intégralement sa politique d’acquisition des œuvres. Désormais, foin de la beauté, foin de l’importance historique d’un tableau, seul le sexe importera et décidera des achats du musée.

C’est en outre une véritable boîte de Pandore. Leur politique sexuée, « binaire », pourrait être dénoncée comme « discriminante », que font-ils des transgenres, des « queer », des non-binaires, c’est-à-dire de ceux qui ne s’identifient à aucun sexe, ceux qui changent d’identité au gré de « leur ressenti » ?

Et puis, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? « Budget genré » aujourd’hui, pourquoi pas « budget racisé » demain ? Les « minorités » vont réclamer leur dû. Pourquoi le musée des Beaux-Arts ne serait-il pas sommé d’exposer non seulement des œuvres issues des minorités, mais aussi les représentant ? Et d’ailleurs, tout porte à croire, et à craindre, que même sans prononcer le mot de « budget racisé », le maire de Lyon n’adopte la chose. Le programme du candidat Doucet en portait implicitement la promesse : au chapitre « Lyon émancipatrice », le futur maire de Lyon s’engageait à œuvrer à « la valorisation des cultures non dominantes (où l’on vérifie que l’écologiste ne parle seulement la langue des néo-féministes, il maîtrise aussi très bien la langue des indigénistes) et de la mémoire et de la culture des migrations ». Et d’ailleurs, l’amputation de 500 000 euros des subventions allouées à l’Opéra de Lyon, institution dont l’excellence est de renommée internationale, ne peut-elle s’interpréter en ce sens : l’adjointe à la culture qui s’enorgueillit de « rééquilibrer une politique culturelle fossilisée » a en effet expliqué à Serge Dorny, le directeur de l’Opéra, qu’il s’agissait d’investir dans « l’accompagnement de la création et de l’émergence » !


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