samedi 15 août 2020

Covid-19: le système immunitaire a la mémoire longue

Pour mieux comprendre la mise en place de cette mémoire immunitaire, Simon Fillatreau, de l’Inserm, met en place un suivi de l’évolution des lymphocytes mémoire chez trente patients guéris. 
 
 Cellule infectée par la Covid 2019

Le fait que la majorité des populations infectées par le Sars-CoV-2 ne présente pas de symptômes notables pourrait être dû à la bonne mémoire de notre système immunitaire, selon plusieurs études indépendantes dont deux sont publiées dans la revue Nature. Ces travaux menés à Singapour, en Allemagne, aux Pays-Bas ou aux États-Unis ont découvert que le système immunitaire de 10% à 50% des personnes n’ayant jamais été en contact avec le virus était capable de le reconnaître. 

 Cette mémoire se met en place quand des lymphocytes T, cellules immunitaires dans le sang et la lymphe, se spécialisent pour reconnaître des parties du virus à la surface des cellules infectées. Pivots de la réponse immunitaire adaptative, ils activent alors les lymphocytes B, producteurs d’anticorps contre le virus, et d’autres lymphocytes T, chargés de tuer les cellules infectées. Une fois l’infection éradiquée, des lymphocytes B et T vétérans vont perdurer dans l’organisme et former la mémoire immunitaire contre le virus, prêts à intervenir rapidement en cas de nouvelle infection.

Lymphocytes vétérans

De tels lymphocytes T capables de reconnaître le Sars-CoV-2 ont bien été trouvés par les chercheurs chez des personnes vierges de tout contact avec ce virus. Ces cellules réagissaient à des parties du virus communes à quatre autres coronavirus qui circulent chaque hiver et sont responsables d’environ 20 % des rhumes. Une telle réaction croisée pourrait expliquer pourquoi le système immunitaire n’est pas toujours pris au dépourvu par le Sars-CoV-2.

Ce type de mémoire immunitaire s’avère aussi très stable dans le temps. À Singapour, par exemple, les chercheurs ont trouvé que les personnes infectées par le SarsCoV-2 en 2003 portaient encore des lymphocytes T «mémoires» capables de s’activer en présence de ce virus, soit dix-sept ans plus tard. Pour mieux comprendre la mise en place de cette mémoire immunitaire, Simon Fillatreau, de l’Inserm, met en place un suivi de l’évolution des lymphocytes mémoire chez trente patients guéris.

L’enjeu est important car leur détection s’avère une marque plus fiable d’une exposition passée au Sars-CoV-2 que celle des anticorps. C’est ce qui se dégage d’une étude mise en ligne sur le site MedRxiv menée par l’équipe du Pr Samira Fafi-Kremer, des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. « Nous avons trouvé que des personnes exposées au sein de leur couple ont eu des symptômes typiques du Covid-19 en moyenne sept jours après leur partenaire, puis développé une réponse T spécifique, mais sans produire d’anticorps », précise la chercheuse. Cette absence a été aussi rapportée par une étude chinoise montrant que certains malades peu symptomatiques du Covid-19 ne développent pas ou que très peu d’anticorps contre le virus. Des éléments qui suggèrent que la détection des anticorps dans le sang n’est pas un moyen très fiable de recenser la majorité des personnes ayant été infectées.

Deux conclusions se dégagent de l’ensemble de ces résultats. D’une part, le développement d’une immunité durable contre le Covid-19 repose en premier lieu sur la réponse des lymphocytes T mémoire. D’autre part, «le succès des vaccins anti-Covid-19 en cours de test clinique dépendra de leur capacité à induire non seulement des anticorps neutralisants mais aussi une réponse immunitaire T robuste contre le virus », souligne le Pr Fafi-Kremer. 

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