jeudi 9 novembre 2017

« Ségrégation scolaire » : harcèlement scolaire des bons élèves

Le quotidien Métro (France) publie un article sur la difficulté de l’intégration des bons élèves dans certaines écoles. Il en ressort que :

  • Loin d’être valorisés par leurs camarades, les bons élèves sont souvent mis à l’écart.
  • Outre les insultes, ils sont souvent la cible de violences physiques et d’humiliations en tous genres.
  • Ils reçoivent peu de soutien des adultes et gardent des séquelles de ces expériences douloureuses.


À l’heure où la société valorise tant la réussite scolaire, dans les cours de récréation c’est loin d’être le cas. Des élèves sont régulièrement agressés ou mis à l’écart en raison de leurs bonnes notes. Un phénomène dont témoignent nos internautes qui ont répondu très nombreux à notre appel à témoins, preuve de l’ampleur du fléau.

Parmi eux, Pauline : « Bonne élève, très curieuse, j’adorais discuter avec mes professeurs à la fin des cours. J’allais passer mes récréations au CDI à lire, j’étais studieuse et surtout j’aimais apprendre ; une hérésie dans mon collège où les profs étaient les “ennemis”. Mes camarades m’insultaient continuellement, me disaient que j’avais des bonnes notes uniquement parce que je “suçais les profs” », confie-t-elle à 20 Minutes.

Anne a vécu le même enfer : « J’ai reçu toutes sortes d’insultes à cause de mes bonnes notes (“fayote”, “intello”, “fille à papa”, “surdouée”…) », énumère-t-elle. Tout comme Marie-Elisabeth : « Tout le monde se moquait de moi et je n’avais pas d’amis dans la classe ».

« Je me suis retrouvée nue au milieu de la salle de gym »

Pour Claire, chaque remise d’un devoir corrigé était une épreuve : « Car tous mes camarades n’attendaient qu’une chose : connaître la note que j’avais reçue. Lorsque le professeur me rendait ma copie, s’ensuivaient des insultes (“oh la salope”, “quelle connasse”). J’étais isolée dans ma classe, mise à l’écart parce que considérée comme l’intello de service, la chouchoute des professeurs », déplore-t-elle.

Et les agresseurs font souvent preuve d’imagination dans les humiliations qu’ils font subir à leurs victimes, comme en témoigne Aurélie, qui a tout enduré : « poils à gratter, jet de boue, insultes, intimidations, rumeurs de maladies graves (une personne est parvenue à faire croire que j’avais un cancer…) En 3e, on écrivait même des menaces de mort sur ma table en classe », décrit-elle.

« On m’a volé mes affaires, on m’a traitée de tous les noms, on m’a tripotée dans la cour de récré », raconte aussi Berthe, collégienne précoce. Et le harcèlement scolaire se transforme parfois en violences physiques : « Un jour, un garçon m’a frappée au ventre », se remémore avec effroi Juliette. « Mo, i je me suis retrouvée nue au milieu de la salle de gym, lors d’un cours de sport », évoque Axelle. Des humiliations vécues très douloureusement à l’époque. Perrine décrit son « impression de ne pas faire partie de la bande, car trop de bonnes notes et trop calme en cours ». Laurent évoque un « sentiment d’exclusion » et Aurélie une « perte d’estime de soi, une timidité maladive, un repli sur soi et surtout l’apparition de tocs ».

« J’ai reçu peu de soutien de la part des professeurs »

Pour ne pas être confrontées à leurs agresseurs, certaines victimes de ce harcèlement ont adopté des stratégies d’évitement, comme Laly, qui a déserté la cour de son école primaire : « Le peu de fois où je m’y trouvais, j’étais harcelée (gomme à mâcher dans les cheveux, insultes sur mon physique, déshabillement devant tout le monde) », se souvient-elle. Quant à Lucie, elle a tenté de s’éloigner de l’image de bonne élève qui lui collait à la peau : « J’en suis arrivée à répondre faux quand le prof m’interrogeait pour éviter les moqueries », indique-t-elle.

Si toutes les victimes de ce harcèlement scolaire ont éprouvé un fort sentiment de solitude, il a été ravivé par le peu d’aide qu’elles ont reçu à l’époque, à l’instar de Laurent : « J’ai reçu peu de soutien de la part des professeurs (ils avaient d’autres chats à fouetter) et de l’administration ». « Seule ma professeure de mathématiques a eu une réaction appropriée face à ces comportements, punissant les élèves responsables lorsqu’elle en était témoin. Le reste de l’équipe éducative a, semble-t-il, feint de n’avoir pas conscience des traitements dont je faisais l’objet », témoigne aussi Claire. Mais il faut souligner aussi que beaucoup d’élèves harcelés n’osent pas se confier : « Je n’en ai jamais parlé à mes parents parce que j’avais honte », avoue ainsi Berte. Désespérée, Marie-Elisabeth confie même avoir cherché à se suicider.

« Il faut beaucoup de courage pour être bon élève aujourd’hui »

Déstabilisés dans leur scolarité, ces bons élèves confient conserver encore des séquelles de ce qu’ils ont vécu à l’époque. « Il m’a fallu des années pour reprendre confiance en moi », indique Berte. « C’est une période de la vie dont les souvenirs sont néfastes », soupire aussi Laly. « Encore aujourd’hui, à 22 ans, je n’ai absolument pas confiance en moi, je me déteste au plus haut point, je ne supporte pas mon reflet dans le miroir, car je ne cesse d’entendre les insultes qui ont rythmé mon quotidien durant tout ce temps », confie aussi Sara. Un sentiment partagé aussi par Laurent : « J’ai conservé beaucoup de colère face à tout ça. Et aussi de la méfiance et de la peur envers l’être humain ».

Quant à Claire, si elle a été harcelée au collège, au lycée elle en a encore subi les conséquences « J’ai pu constater que lorsque je recevais une meilleure note que mes camarades les plus proches, j’éprouvais toujours une sorte de honte, comme si j’avais à m’excuser d’avoir mieux réussi qu’eux ».

Avec le recul, Anne analyse clairement les choses : « Il faut beaucoup de courage pour être bon élève aujourd’hui et préférer sa construction personnelle plutôt que l’inclusion dans un groupe. Il faut accepter d’être seul ou alors plus proche des professeurs que des élèves. Et retirer du plaisir de ses résultats et non de sa place dans le microcosme de l’école ».

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