jeudi 30 novembre 2017

Québec — Les professeurs sont-ils prêts au retour de l’enseignement des connaissances ?

Lettre ouverte de Gilles Laporte, porte-parole de la Coalition pour l’histoire, parue dans Le Devoir, 27 novembre 2017.

À la suite de l’action menée notamment par la Coalition pour l’histoire, les élèves québécois ont enfin droit depuis septembre 2017 à un cours d’histoire réformé en 3e et 4e secondaire. Unanimement salué, ce nouveau cours d’histoire du Canada et du Québec emprunte désormais une trame chronologique, résolument axée sur l’acquisition de connaissances et l’apprentissage de la méthode historique. Dans ce contexte, il y a lieu de se demander si la formation que reçoivent les enseignants québécois les prépare adéquatement à offrir des cours désormais plus substantiels.

C’est le point de départ de l’étude que j’ai pilotée avec mes collègues Laurent Lamontagne et Myriam d’Arcy à propos de la formation des futurs enseignants dans les universités québécoises et sur le niveau de satisfaction qu’ils en ont tiré une fois leur carrière commencée. On a ainsi passé au crible chacun des 14 programmes de formation des maîtres dans dix universités québécoises. On a ensuite interrogé plus de 200 enseignants d’histoire à propos de leur cheminement universitaire et sur le profit véritable qu’ils en ont tiré. On a enfin mené des entrevues approfondies avec certains d’entre eux pour mieux interpréter le sens des données obtenues.

Les résultats de l’enquête sont accablants. Tous établissements confondus, le baccalauréat en enseignement secondaire de quatre années accorde la part du lion aux cours de didactique, de psychopédagogie et de science de l’éducation en général. En revanche, moins de la moitié des cours suivis concerne la formation disciplinaire des futurs enseignants, soit la géographie et l’histoire.

Le constat est particulièrement dramatique à propos de l’histoire du Canada et du Québec. Tandis que les futurs enseignants doivent offrir 200 heures de cours sur ce thème dans le programme d’Univers social, ils n’auront eux-mêmes suivi pour s’y préparer que trois ou quatre cours de 45 heures, dont seulement deux obligatoires, généralement les cours d’histoire du Canada avant et depuis 1867.

En somme, si les enseignants semblent adéquatement formés pour gérer une classe, évaluer une compétence et évoluer dans le système d’éducation, il est évident qu’ils n’ont pas reçu le bagage disciplinaire suffisant pour enseigner adéquatement l’histoire nationale et exposer leurs élèves à des connaissances qui aillent un tant soit peu au-delà de ce qu’ils peuvent trouver dans le manuel de classe ou sur Internet.

Recommandations

Forts de ces constats, mais conscients de la complexité des enjeux et des dilemmes auxquels font face l’enseignant et l’école québécoise, nous soumettons neuf recommandations nuancées qui visent d’abord à soutenir le travail déjà mené dans les établissements. Ces recommandations consistent, primo, à renforcer d’urgence la formation disciplinaire, notamment en géographie et en histoire du Canada et du Québec.

Secundo, qu’on accroisse la souplesse de la filière de la formation de sorte, par exemple, que le détenteur d’un baccalauréat disciplinaire puisse accéder à l’enseignement après une année de cours d’appoint en pédagogie, et que les directions d’écoles aient davantage la liberté de répartir à leur guise les ressources enseignantes pour atteindre les objectifs et standards.

Tertio, qu’on institue enfin un véritable dialogue entre les facultés d’éducation — qui forment les enseignants — et les établissements scolaires qui auront à les embaucher de sorte de mieux définir les outils dont auront besoin les futurs enseignants.

Notre conclusion est finalement que les lacunes observées dans la formation disciplinaire des enseignants d’Univers social se vérifient aussi dans d’autres programmes, comme l’enseignement du français ou des sciences de la nature : le nombre de crédits [unités] accaparés par la formation en sciences de l’éducation aux dépens de la formation disciplinaire y est tout aussi disproportionné. Les constats et les recommandations faits par notre étude nous apparaissent donc généralisables à l’ensemble de la formation des maîtres au Québec et tous les intervenants de cette filière névralgique pour l’avenir du Québec sont invités à en prendre connaissance.

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