mercredi 19 octobre 2016

France — 60% des Français voudraient scolariser leurs enfants dans une école privée, l'État en organise la pénurie

Extrait d’un débat entre Alain Juppé (à droite ci-contre), candidat à la primaire des Républicains à la présidentielle en France et Anne Coffinier (à gauche), directrice de la Fondation pour l’école, dont le but est de rénover le système éducatif via la création d’écoles libres.

Anne Coffinier — Lorsque l’Église enseigne, elle ne le fait pas en tant que délégataire de service public, mais de sa propre autorité, parce qu’elle est chargée par Dieu d’une imprescriptible mission d’intérêt général. La fondatrice de l’Université n’a pas besoin du « garde-fou » des programmes fixés par l’Éducation nationale !

Alain Juppé — Vous ne pouvez pas nier que, dans les écoles catholiques sous contrat, on applique les programmes de l’Éducation nationale, et que les élèves passent les mêmes examens, non ? C’est de cela que je parle. À partir de là, que l’on ait une liberté pour transmettre d’autres messages ou d’autres valeurs, c’est naturel. Si je reconnais une autonomie aux établissements publics, je le fais a fortiori pour les établissements catholiques sous contrat !

A. C. — L’Éducation nationale empiète de plus en plus sur les libertés pédagogiques de l’Enseignement catholique, surtout qu’elle prétend se mêler toujours plus d’éduquer (ou de rééduquer !) les consciences. Sa liberté pédagogique est amputée, comme ce fut le cas pour le genre, la réforme du redoublement ou du collège avec la fin du latin-grec, etc.

Le nouveau programme de SVT [sciences et vie de la terre] de 4e organise ainsi un véritable viol des consciences. Le manuel de Hatier demande ainsi aux élèves de se mettre dans la peau d’un médecin et de proposer la méthode de procréation artificielle la plus pertinente à un couple dont il connaît la cause d’infertilité. L’intitulé officiel du programme sur la reproduction est explicite : « Expliquer sur quoi reposent les comportements responsables dans le domaine de la sexualité : fertilité, grossesse, respect de l’autre, choix raisonné de la procréation, contraception, prévention des infections sexuellement transmissibles. » Il ne s’agit plus d’instruire objectivement, mais de « formater » la conscience morale des mineurs.

[Famille chrétienne a décidé de couper cet extrait qui suivait]

Vous évoquez la liberté de choisir l’école de ses enfants. Mais celle-ci n’est pas respectée en France puisque le privé sous contrat est saturé, car il est cantonné à 20 % des postes d’enseignants du public. Est-ce juste ?

A.J. — Ce chiffre de 20 % n’a pas de valeur légale. Il s’agit d’une pratique. Rien n’empêche de rééquilibrer les choses. Il faut aller dans cette direction. À Bordeaux ma politique consiste à viser l’égalité de traitement entre le public et le privé qu’il s’agisse du forfait communal ou de l’équipement numérique. Cela dit le clivage persiste et parfois de manière déchainée. Une partie de mon opposition — les Verts en l’occurrence — vote systématiquement contre.

A.C. — Oui, ces 20 % sont profondément scandaleux. Au nom de quoi l’État organiserait-il la pénurie de places dans le privé alors que, selon les sondages, 60 % des Français voudraient y scolariser leurs enfants ? Supprimer ce verrou des 20 % ne rallumera pas la guerre scolaire. Les Français veulent pouvoir choisir.

A.J. — Il y a aussi des établissements publics de qualité !

A.C. — Bien sûr, mais les parents sont aussi titulaires d’un droit constitutionnel non négociable à choisir l’éducation et donc l’école de leurs enfants. Le droit à une éducation de qualité passe aussi par la faculté d’accéder à une école privée. Il ne faudrait pas que seuls les privilégiés puissent choisir. Les pauvres aussi doivent pouvoir scolariser leurs enfants dans une école catholique !

[...]

Il faut aller plus loin et confier au Conseil d’administration de chaque école le recrutement du directeur, sans intervention du rectorat. Tous les professeurs (et non une partie) doivent être recrutés par le directeur, à partir de leur libre candidature et non des recommandations de l’Éducation nationale. Avec évidemment un système d’évaluation responsabilisant. C’est la question la plus délicate si l’on ne veut pas encourager à un bachotage étroit (le désastreux « axer l’apprentissage pour ne passer que le test »). Une vraie évaluation doit être indépendante, et non pas réalisée par le Ministère de l’Éducation nationale, manifestement juge et partie. Il convient aussi d’alléger le socle commun des connaissances qui est trop détaillé et prescriptif, pour revenir à des objectifs clairs et ramassés, sans jargon, qui laissent toute liberté sur la progression pédagogique pour les atteindre. L’État doit cesser de donner d’une main une marge de manœuvre qu’il reprend de l’autre, en imposant des thèmes d’étude, des collaborations, voire des problématiques obligatoires.



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