Angleterre : un jeune diplômé universitaire sur cinq aux prises avec des difficultés de lecture, d’écriture et de calcul.
Un important rapport international suggère que les étudiants aux prises avec de grandes difficultés de lecture et en calcul ne devraient pas aller à l’université ce qui est malheureusement trop souvent le cas.
Un rapport publié récemment par l’OCDE constate non seulement qu’une proportion non négligeable de diplômés de l’enseignement supérieur a de graves difficultés de lecture, d’écriture et de calcul, mais qu’ils ont en moyenne moins de compétence de base que leurs aînés qui fréquentaient l’école au cours des années 1950.
Le rapport utilise des données relevées en 2012 qui comparent les capacités des jeunes d’aujourd’hui à lire, écrire et compter, par rapport à celles des 55-65 ans. Pour l’Angleterre, le verdict est sans appel : à l’instar des États-Unis, la jeune génération présente des niveaux de « littératie » et de « numératie » (comme ils disent vilainement) désastreux, comparables à ceux des anciens qui eux, quittaient l’école bien plus tôt.
L’Angleterre se situe, avec 29 % de jeunes de 16 à 24 ans ayant des compétences « basses », en queue de peloton, uniquement dépassée dans la médiocrité par les États-Unis et l’Italie. La devancent l’Espagne, l’Irlande, l’Irlande du Nord et… la France, dans un mouchoir de poche autour de 23 %.
À titre de comparaisons, le Canada se classe au niveau de la moyenne de l’OCDE en littératie, en dessous de la moyenne de l’OCDE en numératie. Le Canada compte une plus grande proportion d’adultes qui se situent aux niveaux de compétence les plus faibles dans les trois domaines visés, comparativement à la moyenne de l’OCDE (voir résultats du PEICA).
L’OCDE constate aujourd’hui que les programmes de trois ans à l’université coûtent cher et qu’en les encombrant de jeunes mal formés on « dévalue » les diplômes qu’ils arrivent à décrocher malgré leurs lacunes.
L’étude n’explique pas comment ces étudiants aux lacunes si criantes parviennent à décrocher ces diplômes. Toutefois, l’étude identifie bien le fait que les diplômés aux faibles compétences ont également des revenus très inférieurs (voir figure ci-dessous) à ceux qui ont de bonnes compétences, ce qui semble indiquer que les diplômes de ces diplômés aux faibles compétences sont différents ou traités différemment (ils ont des spécialités moins rémunératrices ou sont diplômés d’universités moins bien cotées).
Seuls 7 % des diplômées de ce niveau en Angleterre ont des « compétences de numératie » inférieures à 2 selon l’échelle de l’OCDE ; 3,4 % affichent une « littératie » inférieure à ce niveau. Cela veut dire, en termes concrets, qu’ils ont du mal à évaluer l’essence qui reste dans un réservoir en regardant la jauge, ou qu’ils n’arrivent pas à comprendre le mode d’emploi sur une boîte d’aspirine.
En outre, 20 % de ces jeunes maîtrisent les tâches élémentaires, mais sont mal à l’aise dès lors qu’ils se trouvent confrontés à des problèmes plus complexes.
L’OCDE suggère que ces jeunes n’entrent pas à l’université sans avoir d’abord suivi des cours pour les aider à lire et à compter (après être passés par un coûteux système d’instruction subventionné à coups de milliards !), tandis que les universités elles-mêmes pourraient proposer des programmes de mise à niveau et s’abstenir de diplômer les jeunes qui n’ont pas acquis un strict minimum au long de leurs apprentissages.
Parmi les 16 à 19 ans, un tiers de jeunes en Angleterre ont des difficultés avec les compétences fondamentales, et parmi eux seuls 70 % s’orientent vers un enseignement professionnel, déplore l’OCDE. Les difficultés sont manifestes dès la fin de l’école primaire.
L’OCDE suggère donc de multiplier les apprentissages et les diplômes professionnels, ce qui n’a rien de répréhensible – mais cela ne risque-t-il pas déplacer le problème ? Ne créera-t-on pas ainsi un « prolétariat de l’intelligence » privée des connaissances élémentaires qui sont utiles même dans les métiers manuels, et nécessaires dès lors que le jeune aspire à progresser ou à entreprendre dans son domaine.
Le Daily Telegraph publie le témoignage d’une journaliste dont la mère, ayant quitté l’école à 16 ans au cours des années 1950, peut aujourd’hui tenir tête aux employés de la compagnie de gaz pour faire rectifier des erreurs de calcul et de facture : la vieille dame calculait mieux que son jeune et dynamique interlocuteur au point que celui-ci lui demanda ahuri : « Comment avez-vous fait pour trouver le résultat ? » Elle savait lire, écrire, et compter.
Le fils de la journaliste, lui, est passé par les écoles à la nouvelle pédagogie où l’enfant « construit son propre savoir » sans être encombré de règles et de faits. Lors d’un questionnaire en famille, à Noël, raconte Allison Pearson, il devait donner le nom d’une chute d’eau célèbre commençant avec un V. « Viagra ? » — « Ça y était presque », note la journaliste, sardonique.
Il est vrai, dit-elle, que de nombreuses femmes intelligentes et compétentes ont cessé d’embrasser la carrière d’enseignante à mesure que d’autres possibilités professionnelles s’ouvraient à elles.
Mais cela n’explique pas tout. La vérité, c’est qu’avec les nouvelles méthodes appliquées aux mathématiques, à l’anglais et aux autres langues, mais aussi à l’histoire et même à la musique, les jeunes n’apprennent plus à comprendre, quand bien même ils parviennent à retenir. Le problème est là, et il a provoqué une situation d’une grande « cruauté » (comme l’observe la journaliste) pour les jeunes qui se retrouvent dans l’enseignement supérieur sans espoir d’y obtenir la moindre qualification réelle.
Les écoles privées britanniques ont échappé à ces modes modernes « frappadingues » (selon la journaliste du Telegraph) parce que les parents ne sont pas prêts à payer des sommes conséquentes pour s'apercevoir que leur progéniture lit encore avec difficulté des textes simples à 17 ans.
Ces écoles privées britanniques sont beaucoup plus libres pédagogiquement que les québécoises qui ressemblent parfois qu’à une grosse commission scolaire moins bien subventionnée que les autres...
Rappelons également l'étude des auteurs d'Academically adrift, Richard Arum et Josipa Roksa qui montrait que le rendement des études universitaires était faible. Selon ces deux universitaires, 45 % des étudiants après deux ans d’université n’ont pas amélioré leurs compétences logiques, d’esprit critique ou d’écriture... Plus d’un tiers des étudiants de troisième année n’avaient pas amélioré leur compétence en écriture ou en raisonnement depuis leur inscription à l’université.
Voir aussi
La bulle universitaire aux États-Unis va-t-elle crever ?
Un important rapport international suggère que les étudiants aux prises avec de grandes difficultés de lecture et en calcul ne devraient pas aller à l’université ce qui est malheureusement trop souvent le cas.
Un rapport publié récemment par l’OCDE constate non seulement qu’une proportion non négligeable de diplômés de l’enseignement supérieur a de graves difficultés de lecture, d’écriture et de calcul, mais qu’ils ont en moyenne moins de compétence de base que leurs aînés qui fréquentaient l’école au cours des années 1950.
Le rapport utilise des données relevées en 2012 qui comparent les capacités des jeunes d’aujourd’hui à lire, écrire et compter, par rapport à celles des 55-65 ans. Pour l’Angleterre, le verdict est sans appel : à l’instar des États-Unis, la jeune génération présente des niveaux de « littératie » et de « numératie » (comme ils disent vilainement) désastreux, comparables à ceux des anciens qui eux, quittaient l’école bien plus tôt.
L’Angleterre se situe, avec 29 % de jeunes de 16 à 24 ans ayant des compétences « basses », en queue de peloton, uniquement dépassée dans la médiocrité par les États-Unis et l’Italie. La devancent l’Espagne, l’Irlande, l’Irlande du Nord et… la France, dans un mouchoir de poche autour de 23 %.
À titre de comparaisons, le Canada se classe au niveau de la moyenne de l’OCDE en littératie, en dessous de la moyenne de l’OCDE en numératie. Le Canada compte une plus grande proportion d’adultes qui se situent aux niveaux de compétence les plus faibles dans les trois domaines visés, comparativement à la moyenne de l’OCDE (voir résultats du PEICA).
L’OCDE constate aujourd’hui que les programmes de trois ans à l’université coûtent cher et qu’en les encombrant de jeunes mal formés on « dévalue » les diplômes qu’ils arrivent à décrocher malgré leurs lacunes.
L’étude n’explique pas comment ces étudiants aux lacunes si criantes parviennent à décrocher ces diplômes. Toutefois, l’étude identifie bien le fait que les diplômés aux faibles compétences ont également des revenus très inférieurs (voir figure ci-dessous) à ceux qui ont de bonnes compétences, ce qui semble indiquer que les diplômes de ces diplômés aux faibles compétences sont différents ou traités différemment (ils ont des spécialités moins rémunératrices ou sont diplômés d’universités moins bien cotées).
Seuls 7 % des diplômées de ce niveau en Angleterre ont des « compétences de numératie » inférieures à 2 selon l’échelle de l’OCDE ; 3,4 % affichent une « littératie » inférieure à ce niveau. Cela veut dire, en termes concrets, qu’ils ont du mal à évaluer l’essence qui reste dans un réservoir en regardant la jauge, ou qu’ils n’arrivent pas à comprendre le mode d’emploi sur une boîte d’aspirine.
En outre, 20 % de ces jeunes maîtrisent les tâches élémentaires, mais sont mal à l’aise dès lors qu’ils se trouvent confrontés à des problèmes plus complexes.
L’OCDE suggère que ces jeunes n’entrent pas à l’université sans avoir d’abord suivi des cours pour les aider à lire et à compter (après être passés par un coûteux système d’instruction subventionné à coups de milliards !), tandis que les universités elles-mêmes pourraient proposer des programmes de mise à niveau et s’abstenir de diplômer les jeunes qui n’ont pas acquis un strict minimum au long de leurs apprentissages.
Parmi les 16 à 19 ans, un tiers de jeunes en Angleterre ont des difficultés avec les compétences fondamentales, et parmi eux seuls 70 % s’orientent vers un enseignement professionnel, déplore l’OCDE. Les difficultés sont manifestes dès la fin de l’école primaire.
L’OCDE suggère donc de multiplier les apprentissages et les diplômes professionnels, ce qui n’a rien de répréhensible – mais cela ne risque-t-il pas déplacer le problème ? Ne créera-t-on pas ainsi un « prolétariat de l’intelligence » privée des connaissances élémentaires qui sont utiles même dans les métiers manuels, et nécessaires dès lors que le jeune aspire à progresser ou à entreprendre dans son domaine.
Le Daily Telegraph publie le témoignage d’une journaliste dont la mère, ayant quitté l’école à 16 ans au cours des années 1950, peut aujourd’hui tenir tête aux employés de la compagnie de gaz pour faire rectifier des erreurs de calcul et de facture : la vieille dame calculait mieux que son jeune et dynamique interlocuteur au point que celui-ci lui demanda ahuri : « Comment avez-vous fait pour trouver le résultat ? » Elle savait lire, écrire, et compter.
Le fils de la journaliste, lui, est passé par les écoles à la nouvelle pédagogie où l’enfant « construit son propre savoir » sans être encombré de règles et de faits. Lors d’un questionnaire en famille, à Noël, raconte Allison Pearson, il devait donner le nom d’une chute d’eau célèbre commençant avec un V. « Viagra ? » — « Ça y était presque », note la journaliste, sardonique.
Il est vrai, dit-elle, que de nombreuses femmes intelligentes et compétentes ont cessé d’embrasser la carrière d’enseignante à mesure que d’autres possibilités professionnelles s’ouvraient à elles.
Mais cela n’explique pas tout. La vérité, c’est qu’avec les nouvelles méthodes appliquées aux mathématiques, à l’anglais et aux autres langues, mais aussi à l’histoire et même à la musique, les jeunes n’apprennent plus à comprendre, quand bien même ils parviennent à retenir. Le problème est là, et il a provoqué une situation d’une grande « cruauté » (comme l’observe la journaliste) pour les jeunes qui se retrouvent dans l’enseignement supérieur sans espoir d’y obtenir la moindre qualification réelle.
Les écoles privées britanniques ont échappé à ces modes modernes « frappadingues » (selon la journaliste du Telegraph) parce que les parents ne sont pas prêts à payer des sommes conséquentes pour s'apercevoir que leur progéniture lit encore avec difficulté des textes simples à 17 ans.
Ces écoles privées britanniques sont beaucoup plus libres pédagogiquement que les québécoises qui ressemblent parfois qu’à une grosse commission scolaire moins bien subventionnée que les autres...
Rappelons également l'étude des auteurs d'Academically adrift, Richard Arum et Josipa Roksa qui montrait que le rendement des études universitaires était faible. Selon ces deux universitaires, 45 % des étudiants après deux ans d’université n’ont pas amélioré leurs compétences logiques, d’esprit critique ou d’écriture... Plus d’un tiers des étudiants de troisième année n’avaient pas amélioré leur compétence en écriture ou en raisonnement depuis leur inscription à l’université.
Voir aussi
La bulle universitaire aux États-Unis va-t-elle crever ?
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