mercredi 17 février 2016

Mathieu Bock-Côté : L’école brisée

Texte de Mathieu Bock-Côté publié aujourd’hui :

L’école, l’école ! Péquistes, libéraux et caquistes, tous ensemble, répètent à quel point ils y tiennent.

Ces temps-ci, on parle d’un plan pour encourager la persévérance scolaire. C’est très bien.

Mais une question demeure : pourquoi les jeunes sont-ils si nombreux à croire l’école superflue et à décrocher ? Comment leurs parents peuvent-ils les laisser faire ?

Cela témoigne de la persistance d’une vieille croyance remontant à la part la plus triste de notre passé : les meilleurs s’instruiront, les autres se débrouilleront. C’est une croyance funeste.

À quoi sert l’école ? Cette question nous hante.

La droite économique a sa réponse : préparer les jeunes gens au marché du travail.
Nous avons renoncé au culte des livres : on les traite comme des objets désuets, faits pour accumuler la poussière.

Elle insiste pour que l’école soit connectée à l’entreprise. On convaincra les jeunes d’y aller et d’y rester en leur montrant qu’elle sert à quelque chose. Avec elle, on peut faire de gros sous.

La gauche pédagogique prend le problème autrement : pour elle, l’école sert à combattre les inégalités.

C’est une machine de nivellement social. Et pas toujours vers le haut. On l’invite aussi à lutter contre les préjugés, les discriminations et tout le tralala qui alimente le politiquement correct.

La culture

Ce qui se perd, ici, c’est la valeur de l’éducation en soi.

On continue de croire que la culture est un luxe, une passion pour les riches, et peut-être même un signe de snobisme.

Honte à celui qui parle bien sa langue ! Ce ne peut être qu’un prétentieux. Si c’est un garçon, c’est encore pire : on veut qu’il se passionne pour le basketball et le motocross, pas pour Woody Allen ou Alexandre Dumas. Sans quoi, on doutera de sa virilité.

Il y a quelques années, une femme ardemment engagée dans la vie publique m’avait expliqué que l’enseignement de l’histoire était superflu au niveau collégial.

Sa raison ? Les uns aiment l’histoire, les autres non. Il faudrait respecter les goûts personnels de chacun et ne pas imposer une matière commune.

La technophilie débile en rajoute. On s’imagine que Google est l’encyclopédie dont chacun a besoin. Mais on peut s’y perdre si on ne s’y aventure pas avec une solide culture.

Quant à elle, la pédagogie des compétences, qui a remplacé celle des connaissances, a programmé l’inculture du plus grand nombre.

L’âme

Nous avons renoncé au culte des livres : on les traite comme des objets désuets, faits pour accumuler la poussière. Nous nous comportons comme des barbares.

On l’oublie, mais la culture a quelque chose de sacré. Elle parle à l’âme. Elle touche à ses besoins les plus fondamentaux. Ceux qu’on ne peut chiffrer, mais que tous ressentent intimement.

Elle modèle de jeunes esprits en leur apprenant à admirer plus grand qu’eux.

Elle sème dans le cœur le désir des belles et grandes choses.

La littérature nous fait aimer la langue.

L’histoire nous délivre d’un présent refermé sur lui-même.

La philosophie nous rappelle l’existence de questions éternelles.

On ne raccrochera les jeunes à l’école qu’en comprenant qu’elle doit transmettre un patrimoine de civilisation aussi nécessaire à la vie que l’oxygène.

Nous en sommes loin.

Voir aussi

Le PQ et l'éducation, la méthode comptable : ne penser qu'à lutter contre le décrochage

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