samedi 9 mai 2015

Le rapport du protecteur du citoyen sur la scolarisation à la maison

Le protecteur du citoyen a publié récemment un rapport sur l’instruction à domicile. Il a été relativement bien reçu par une des organisations de parents éducateurs.

Vous vous rappellerez que nous avions été convoqués à deux rencontres avec des représentants du Protecteur du citoyen au Québec, à l’automne 2013. Or, nous venons tout juste de recevoir de leur bureau l’accès au rapport qui vient d’être soumis au ministère de l’Éducation du Québec.

Nous sommes heureux de constater que plusieurs de leurs recommandations ont tenu compte de nos préoccupations. En voici quelques-unes :
  • on demande une plus grande flexibilité de la part des administrateurs scolaires pour ce qui concerne le choix de matériel et d’approche pédagogiques, ainsi que pour l’évaluation ;
  • on établit que la DPJ n’a pas à être appelée à intervenir pour un litige administratif (signature de contrat, manque d’informations quant au programme éducatif, etc.) ;
  • on recommande d’uniformiser [et de clarifier] les pratiques partout en province ;
  • on encourage une meilleure collaboration entre les parents éducateurs et leurs représentants, et les instances scolaires.

Lire le rapport au complet.

Vous lirez à la fin du rapport que le ministère de l’Éducation du Québec doit maintenant prendre en considération ces recommandations. Soyez assuré que nous sommes actifs sur ce terrain aussi. Nous vous tiendrons au courant de tout développement.

Le monopole de l’Éducation a émis un communiqué qui insiste d’abord sur le manque de suivi et une inquiétude, mais il reprend aussi des aspects de réelle protection des parents (et non simplement de surveillance) :

  • l’amélioration de l’information et du soutien offerts aux parents ;
  • d’encourager les autorités scolaires à offrir aux parents et à leurs enfants qui font l’objet d’une dispense de fréquentation scolaire un support matériel (ex. : prêt d’ouvrages didactiques, emprunts à la bibliothèque scolaire, obtention d’une carte étudiante) ;
  • d’étudier la possibilité d’élargir l’accès au programme de formation à distance aux jeunes de moins de 16 ans scolarisés à la maison et inscrits en dispense de fréquentation scolaire ;
  • en cas de litige, favoriser la médiation et non l’appel à la DPJ ni la judiciarisation.
Les médias se concentrent sur l’importance de mieux surveiller ces parents et leurs enfants

Les médias, étrangement, ont axé leurs articles relatifs à ce rapport sur les « inquiétudes » quant au manque de suivi. Le lecteur distrait en tirera surtout l’idée que de pauvres enfants sont mal instruits (plutôt que mal surveillés par le Monopole de l’éducation). Mais qu’attend le gouvernement, se demandera-t-il ?


Le rapport est pourtant nettement plus riche

Le rapport est pourtant plus riche qu’une simple demande de renforcement de la surveillance des parents qui osent ne pas envoyer leurs enfants à l’école (louche, ça).

On y apprend ainsi que, depuis 2002, les commissions scolaires recensent les enfants scolarisés à la maison sur leur territoire et les incluent dans la déclaration de leur effectif scolaire au 30 septembre de chaque année. Comme l’illustre le tableau ci-dessous, les données produites en date du 22 janvier 2015 par le Ministère révèlent que durant l’année scolaire 2012-2013, 1 114 enfants du primaire et du secondaire étaient scolarisés à la maison et que leur nombre tend à croître depuis 2007-2008. Il faut noter que les données colligées par le Ministère ne tiennent pas compte des enfants qui seraient scolarisés à la maison sans dispense formelle de fréquentation scolaire, dont le nombre demeure difficile à établir.



Une chercheuse, Christine Brabant, souligne que si le nombre total d’enfants non inscrits auprès d’une commission scolaire pouvait être comptabilisé, l’ensemble des enfants scolarisés à la maison représenterait au moins le double du nombre d’enfants formellement dispensés de fréquentation scolaire. De son côté, le Ministère estime à quelque 2 000 le nombre d’enfants scolarisés à la maison sans dispense de fréquentation scolaire. Environ 700 de ces enfants auraient été « désinscrits » au fil du temps, c’est-à-dire qu’ils sont scolarisés à la maison sans dispense formelle de fréquentation scolaire, bien qu’ils soient connus des autorités scolaires parce qu’ils ont déjà fréquenté un établissement ou obtenu une dispense.

La seule enquête, publiée et menée par Christine Brabant, qui se soit penchée sur le profil sociodémographique des familles québécoises qui scolarisent leurs enfants à la maison a été réalisée en 2003. Elle révèle que le portrait type du parent-éducateur responsable de la scolarisation de l’enfant est une mère âgée de 38 ans qui détient, dans une proportion de 44 %, une expérience professionnelle ou une formation en éducation. Les parents ayant participé à l’étude sont proportionnellement plus nombreux que la population générale à détenir un diplôme de maîtrise ou de doctorat. Ces familles compteraient plus d’enfants que la moyenne et déclareraient des revenus annuels comparables à ceux des autres familles québécoises. Contrairement au préjugé souvent véhiculé, la transmission de valeurs religieuses, morales ou spirituelles ne serait un facteur prédominant de motivation que pour une minorité de parents québécois qui choisissent de scolariser leurs enfants à la maison.

[Bien qu’avec la volonté du Monopole de l’Éducation du Québec de fermer toutes les écoles privées trop religieuses à son goût et de transférer ces élèves au secteur de l’instruction à domicile (voir les mennonites de Roxton Falls et les juifs orthodoxes de la Yéchiva Toras Moché), ce nombre devrait augmenter rapidement.]

En gardant à l’esprit les limites méthodologiques applicables, des études observent que les enfants scolarisés à la maison réussiraient en moyenne aussi bien que ceux scolarisés en établissement. Ils n’éprouveraient généralement pas de difficultés particulières lors de leur réintégration au système scolaire ni dans la poursuite d’études collégiales et universitaires.

Plusieurs études consultées par le protecteur du citoyen observent que les enfants scolarisés à la maison, au primaire et au secondaire, ont un rythme d’apprentissage et un taux de réussite scolaire équivalents ou supérieurs à ceux des enfants qui fréquentent l’école régulière. Voir notamment MARTIN-CHANG, Sandra, GOULD, Odette N., MEUSE, Reanne E., « The Impact of Schooling on Academic Achievement: Evidence from Homeschooled and Traditionally Schooled Students », Canadian Journal of Behavioural Science/Revue canadienne des sciences du comportement, vol. 43, n° 3, juillet 2011, p. 195-202 ; MEIGHAN (1996), BASHAM (2001), LINES (2001) et BLOCK (2004) ; KUNZMAN, R. et GAITHER, M. (2013). Homeschooling: A Comprehensive Survey of the Research. Other Education: The Journal of Alternative Education, 2
(1), 4-59.

La proportion de jeunes scolarisés à la maison qui poursuivent avec succès des études supérieures serait similaire à celle des élèves diplômés ayant fréquenté une école. Enfin, dans ces études, rien n’indique que la scolarisation à la maison a des effets néfastes sur la socialisation des enfants.

Plusieurs intervenants scolaires qu’a consultés le Protecteur du citoyen reconnaissent la qualité des projets éducatifs des parents ainsi que celle des apprentissages scolaires et sociaux des enfants qu’ils « suivent ». Néanmoins, dans certaines situations où la collaboration avec les parents s’avère problématique, ils entretiennent des inquiétudes sur la réussite éducative des enfants. Ils éprouvent un malaise lorsqu’ils ne réussissent pas à obtenir l’information requise pour assurer l’évaluation de l’enseignement et de l’expérience éducative de ces enfants. 

Le protecteur du citoyen ne semble pas s’être demandé si un suivi strict améliorait vraiment les résultats des enfants instruits à la maison. Si le suivi devient trop draconien, les parents des enfants les moins bons ne vont-ils pas tout simplement devenir « clandestins » ? Pourtant plusieurs enquêtes tendent à démontrer que les enfants instruits à la maison ont d’aussi bons résultats dans les États peu contraignants que dans les États tatillons. Ce carnet n’a pas, en principe, d’objection à ce que les enfants soient suivis pour autant que les évaluations ne soient pas idéologiques, mais se contentent de s’assurer que les enfants instruits à la maison reçoivent une formation au moins équivalente à l’école publique dans des matières de base (lecture, écriture, mathématiques, sciences). Nous sommes bien évidemment opposés à toute évaluation sur des sujets subjectifs ou controversés (l’enfant est-il assez « ouvert » sur la diversité « religieuse » ?)








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