Les quinze articles de cette charte [de la laïcité] seront désormais affichés en bonne place dans tous les établissements, auprès de la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. Il y est rappelé, notamment, qu’« aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question du programme ». Et, comme le prévoit la loi de 2004, que « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit » à l’école.
Le ministre de l’Éducation nationale a beau répéter qu’il ne s’agit pas du tout de pointer du doigt l’islam, les autorités musulmanes ont réagi vivement à la diffusion de ce texte. « 90 % des musulmans vont avoir l’impression d’être visés par cette charte alors que, dans 99 % des cas, ils ne posent pas de problème », affirme ainsi Dalil Boubakeur, qui redoute la « stigmatisation » de ses coreligionnaires. Une crainte partagée par une poignée de sociologues, comme Jean Baubérot, « expert » en laïcité : cette charte, prévient-il, ne doit pas devenir « un cache-sexe pour dissimuler l’islamophobie ».
Stigmatisation. Islamophobie. Discrimination. Et pourquoi pas racisme ? Autant de mots lâchés dans un seul but : interdire tout débat sur les revendications communautaires qui menacent non seulement l’école mais aussi la nation. Créé en 1989, à la suite de la première « affaire du voile » dans un collège de Creil, le Haut conseil à l’intégration (HCI) s’en est fait l’écho dans divers rapports, mais ses avertissements n’ont pas été entendus. En veut-on des exemples ?
« À tous les niveaux de la scolarité, les témoignages recueillis par le HCI font état d’obstacles croissants », lit-on dans un rapport remis à François Fillon en 2010, « Les défis de l’intégration à l’école ». Dès le primaire, « des enseignants se voient systématiquement opposés un refus de parents musulmans à l’étude, par leurs enfants, de la christianisation » du monde gallo-romain ou de l’histoire des Croisades au Moyen Âge. Les cours d’éducation physique, de sciences naturelles, d’éducation civique et même de musique n’échappent pas à cette pression religieuse. L’antisémitisme « peut se manifester lors des cours consacrés à l’enseignement du génocide des juifs […] Les tensions viennent souvent d’élèves qui s’affirment musulmans », notent les rédacteurs de ce rapport.
Le sentiment de ne pas appartenir à la communauté nationale est largement partagé dans certains quartiers : « Chacun se définit par la nationalité de ses parents avant de se sentir français. » Ce constat, c’est aussi celui que dresse la démographe Michèle Tribalat dans son nouveau livre, Assimilation : la fin du modèle français (éditions du Toucan).
De cette enquête, nourrie par un appareil statistique solide, il ressort que l’immigration reste toujours très soutenue en France : près de 200 000 nouveaux titres de séjour sont délivrés chaque année. [En proportion par rapport à sa population, le Québec en délivre plus du double.]
« Depuis 1999, écrit-elle, la population immigrée a augmenté de 24 % en dix ans [soit 1 million d’invididus]. Le nombre de natifs n’a progressé, lui, que de 5 % sur la même période. La proportion d’immigrés est donc passée de 7,4 % en 1999 à 8,5 % en 2009. »
L’intérêt de cet ouvrage réside aussi dans la démolition d’idées sans cesse répétées mais fausses. Par exemple, contrairement à ce que prétendent ses partisans, l’immigration ne changera pas grand-chose aux conséquences du vieillissement sur le marché du travail et, partant, sur le maintien des retraites : l’essentiel dépend des taux d’emploi. « Soit nous arriverons à faire progresser les taux d’emploi aux deux bouts de l’échelle des âges actifs, et alors l’immigration donnera un très léger coup de main pour retrouver en 2060 une situation voisine de celle d’aujourd’hui […] Soit nous n’y arriverons pas, et alors l’immigration ne nous aidera en rien. »
Surtout, ce livre met en évidence la responsabilité des élites intellectuelles et politiques dans le démantèlement du modèle français d’assimilation. Plusieurs raisons expliquent leur désertion. Une haine de soi qui se nourrit de l’histoire coloniale et du drame de la Shoah (« Les heures les plus sombres de notre histoire menacent à chaque instant ») ; l’adhésion à la construction européenne qui passe les nations par pertes et profits (« La persistance des nations est plus une gêne qu’une facilité pour l’Union européenne, car elles ont tendance à freiner ses velléités d’extension ou d’approfondissement ») ; enfin, des considérations électorales : abandonnée par les ouvriers qu’elle a cessé de défendre, la gauche parie sur la coalition des bobos diplômés et des minorités de la « diversité » pour se maintenir au pouvoir, selon l’analyse de la fondation Terra Nova dont le vice-président, Jean-Philippe Thiellay, est aussi conseiller de Jean-Marc Ayrault (« La vocation transformatrice de la gauche semble maintenant se réduire à accompagner ce qui vient », constate Michèle Tribalat).
Mais la fin de l'assimilation ne résulte pas seulement de la confusion des élites. Alors que les partisans de l’immigration prévoyaient une sécularisation des nouveaux venus au contact des populations européennes, la démographe souligne au contraire le « retour vers l’islam » des jeunes adultes qui pratiquent une forte endogamie religieuse, tout particulièrement dans les familles soucieuses de « sécuriser la transmission » de leur foi dans un environnement indifférent aux religions.
Et Michèle Tribalat de conclure : « Nous avons péché par excès d'optimisme en imaginant avoir résolu une fois pour toutes la question des prétentions religieuses sur la vie politique. » Il ne suffira pas de la charte de [la laïcité de ] Monsieur Peillon pour la résoudre...
À lire
Assimilation: la fin du modèle français
par Michèle Tribalat
éditions du Toucan,
Paris
354 pages, 20 €.
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