vendredi 12 avril 2013

Inadéquation des diplômés et des emplois disponibles : 31,5 % des travailleurs montréalais « surqualifiés »

Deux chercheurs du CIRANO ont étudié le taux d'adéquation des emploi et des diplômés qui les occupent dans la région montréalaise. Selon leurs conclusions, 31,5 % des travailleurs de la région de Montréal sont surqualifiés pour le poste qu'ils occupent. Autrement dit, près d'un employé sur trois a reçu une formation qui lui est peu ou pas utile, que ce soit au cégep, à l'université, au secondaire ou dans une école de métier. Cette proportion est légèrement plus basse à Toronto (29,2 %) et à Vancouver (29,3 %).

Leurs résultats renforcent les analyses du gouvernement fédéral au dernier budget, selon qui il faut mieux arrimer la formation au marché du travail dans le contexte appréhendé de pénurie de main-d'oeuvre.

Pour obtenir leurs résultats, les deux chercheurs ont utilisé des données de Statistique Canada. À défaut d'avoir les données détaillées du recensement de 2011 — pas encore disponibles —, ils ont dû se contenter de celui de 2006. Toutefois, leurs résultats globaux sont corroborés par l'enquête sur la population active de 2011. Leur analyse fait 118 pages.

Comme on s'y attendait, certaines formations ont de pires bilans que d'autres. La moitié des finissants en histoire, par exemple, ont étudié bien davantage que ne le requiert leur emploi. Même constat pour les diplômés en sciences sociales ou en philosophie, dont le taux de surqualification en emploi est de 53% et 41 %.

Ces diplômés se retrouvent parfois caissiers (caissières) dans un supermarché ou serveurs (serveuses) dans un restaurant. De fait, le taux de caissiers surqualifiés serait de 100%, selon l'étude, tandis que celui des serveurs est de 52 %.

Toujours selon l'étude, 13 % des diplômés universitaires (baccalauréat, maîtrise, doctorat) occupent un emploi qui ne requiert qu'un diplôme du secondaire.

Plusieurs études le confirment: la correspondance formation-emploi augmente la satisfaction et le bien-être des travailleurs et le niveau de leurs salaires. Pour les entreprises, elle diminue le taux de roulement et les besoins de formation et augmente la productivité.

La conclusion la plus frappante des chercheurs a trait à la surqualification des diplômés des écoles de métier. Globalement, 47 % de ces diplômés finissent par occuper un emploi pour lequel ils sont surqualifiés. « Plusieurs sortent de ces écoles, mais n'ont pas d'emplois dans leur domaine. Les écoles admettent peut-être davantage les élèves en fonction des places et des profs disponibles que de la demande réelle du marché », croit Claude Montmarquette, dont l'étude n'a toutefois pas validé ce constat sur le terrain.

Les données de l'étude font par ailleurs ressortir que les femmes suivent davantage des études qui ne correspondent pas au marché de l'emploi (33,4 % contre 29,5 % pour les hommes). Il en va de même des minorités visibles (46 % pour les noirs et les latino-américains, par exemple). Selon le CIRANO et la Presse, ces données illustrent la discrimination et non pas l'attrait vers des études peut-être plus intéressantes, plus faciles, mais à moindres débouchés.

L'inadéquation des études par rapport au marché est un phénomène trop répandu. Le sujet est préoccupant quand on sait qu'au Canada, les dépenses en éducation représentent 6,5% du produit intérieur brut (PIB), bien davantage que la moyenne des pays de l'OCDE (5,7%).

Ce n'est pas à l'État de dicter les choix des individus. En cette matière, l'État n'est pas un bon prédicteur des emplois d'avenir. Toutefois, les politiques gouvernementales ne doivent pas encourager la surqualification. À cet égard, financer les universités en fonction du nombre d'étudiants, par exemple, les incite probablement à attirer trop d'étudiants dans un trop grand nombre de secteurs peu en demande.



Taux de surqualification au travail (proportion de gens dont la formation excède les besoins pour le poste occupé)

Selon le poste


Secrétaires 6,8 %

Personnel technique, santé 11,4 %

Vendeurs 54,8 %

Caissiers 100,0 %

Selon le secteur

Construction 23,4 %

Finance et assurance 27,4 %

Commerce de détail 48,4 %

Hébergement et restauration 52,3 %

Selon le diplôme

Sciences physiques 27,1 %

Math. et statistiques 29,9 %

Philosophie et religion 40,8 %

Histoire 49,0 %

Sciences sociales 52,7 %

Arts et sciences 58,5 %

Moyenne 31,5 %

Sources : CIRANO et La Presse.

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