Par Olivier Vial, président de l'UNI et directeur du CERU (cercle de réflexion français sur l'éducation et la jeunesse).
Saluée par une partie de la droite et des éditorialistes, l'annonce faite par Vincent Peillon d'un retour de l'enseignement de la morale à l'école a tout du quiproquo. Ceux qui espèrent que « la morale laïque » promise par le ministre permette un retour aux valeurs et rappelle aux jeunes français quels sont leurs droits et leurs devoirs vont vite déchanter.
Si habilement, Vincent Peillon parle de « morale » faisant, ainsi, implicitement référence à l'école des hussards de la république, ce n'est que pour mettre en œuvre plus facilement la feuille de route sur l'école que les socialistes ont adoptée le 11 décembre 2011, lors de la convention nationale du PS intitulée « Pour l'égalité réelle ».
Pour eux, l'objectif de l'école n'a jamais été la transmission des savoirs. [voir le programme ECR au Québec] Fidèle à la ligne tracée en 1866 par Jean Macé, le fondateur de la Ligue de l'enseignement, les socialistes attendent de l'école qu'elle joue un rôle plus direct afin d'influencer, voire de façonner la société selon leurs plans.
Pour Jean Macé, l'objectif premier de l'école, ce n'est pas la simple diffusion du savoir, c'est « l'éducation au suffrage universel ». De son propre aveu, son organisation « poursuit un but essentiellement politique », qui fixe à l'éducation le soin « de faire des électeurs »[1].
Cette thèse, même si elle n'a pas toujours été aussi clairement affichée, n'a jamais cessé d'inspirer la gauche et ses alliés au sein du milieu scolaire [2]. Depuis, comme le note François Ewald, l'école est devenue le « lieu privilégié de l'initiation à la République, elle est chargée de « fabriquer" le citoyen de la démocratie « égalitaire ».[3] On lui a, ainsi, fixé pour mission d'apprendre aux enfants « les gestes citoyens », les comportements « éco-responsables », et le catéchisme « politiquement correct ». « Et cela, non pas en s'appuyant sur le capital social dont l'enfant hérite de sa communauté d'origine [quitte à l'enrichir], mais en prétendant forger un être nouveau. »[4]
Dans son entretien au Journal du Dimanche, Vincent Peillon s'inscrit dans cette tradition en précisant que sa morale laïque est plus large que la simple instruction civique : « cela comporte une construction du citoyen [...] mais aussi toutes les questions que l'on se pose sur le sens de l'existence humaine, sur le rapport à soi, aux autres, à ce qui fait une vie heureuse ou une vie bonne. » Pour parvenir à cela,« il faut être capable d'arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social. »[5] Et voici, la famille reléguée au rang des déterminismes dont il convient de s'émanciper !
Dans son projet « pour l'égalité réelle », le parti socialiste fixe à l'école l'objectif d'« éduquer pour changer les mentalités et transformer la société » en luttant contre les « stéréotypes et les préjugés ».
« L'éducation permettra de déconstruire les préjugés de genre [...]. Nous formerons tous les acteurs éducatifs à la question de l'éducation aux rapports entre les sexes, à partir d'un travail sur les stéréotypes et les assignations de genre, »[6] et cet enseignement concernera tous les élèves du CP jusqu'à la terminale.
L'école sera également mobilisée pour lutter contre les discriminations qui « prennent racine dans les mécanismes de rejet, de domination, qui persistent dans l'inconscient collectif. Les préjugés et les stéréotypes ont la vie dure : le seul moyen de les faire reculer durablement est un engagement politique déterminé de la puissance publique. En agissant sur les représentations, la puissance publique dispose d'un levier fort pour transformer l'égalité formelle en égalité réelle. » (Sic)[7] Quelle belle définition de la propagande !
La formation des enseignants, chère au nouveau ministre, devra intégrer « à leur formation initiale et continue des modules permettant d'appréhender les mécanismes de domination et de les déconstruire avec les élèves. » L'école devra également veiller à « enseigner la richesse et la diversité de l'histoire de France. Il est nécessaire de montrer que la France a toujours été traversée par des vagues de migrations » affirme-t-on de façon péremptoire dans ce texte adopté par l'ensemble du conseil national du PS.
Pour réussir une telle mission, les enseignants pourront compter sur l'appui des associations d'éducation populaire. « Pour faire reculer les préjugés, nous nous appuierons sur le mouvement social et associatif, qui a un rôle à jouer aux côtés des pouvoirs publics pour faire évoluer les mentalités. » Vincent Peillon, tout comme François Hollande, savent qu'ils pourront compter sur ces associations qui demeurent de fidèles alliées du parti socialiste. Rappelons simplement que les principales associations d'éducation populaires sont : la ligue de l'enseignement qui n'a jamais renié sa sympathie « pour tous ceux qui luttent pour la construction d'une société de type socialiste »[8] et la fédération Léo Lagrange, émanation historique du mouvement des jeunes socialistes qui reste présidée par Bruno Le Roux, lieutenant de François Hollande.
Voilà à quoi risque de ressembler la « morale laïque » de Vincent Peillon. Derrière ces mots se cache un catéchisme gauchisant [9] dont l'objectif est de formater les citoyens à la pensée politiquement correcte.
Si nous ne voulons pas d'une école Big Brother, nous devons rester vigilant et nous rappeler l'avertissement de la philosophe Chantal Delsol : « dans un pays libre, ce que nous nous flattons d'être, l'éducation morale est du ressort des familles. L'État peut instruire, mais il n'éduque pas. On peut douter d'ailleurs que la vertu s'enseigne comme la grammaire. Nous allons avoir des manuels dans lesquels la morale se résumera dans le bouclage de la ceinture de sécurité et l'interdiction de fumer. Car l'ordre moral passe aujourd'hui par ces momeries. D'autres feront la morale du la théorie du genre ou bien réduiront tout à l'écologie. Il sera donc assez utile (euphémisme !) que les parents vérifient ce qu'on prétend apprendre à leurs enfants en terme de vertu. »
Sage conseil !
[1] "Pour se souvenir de l'avenir. Brève histoire de la Ligue de l'enseignement", site internet de la Ligue de l'enseignement. www.laligue.org
[2] Extrait de "L'école malade de l'égalitarisme" d'Olivier Vial et Inès Charles-Lavauzelle
[3] François Ewald, "Refonder l'école", la Lettre n°15, Fondation pour l'innovation politique.
[4] Ibid.
[5] Journal du Dimanche, n°3425, 2 septembre 2012
[6] Convention pour l'égalité réelle- p 36
[7] Agir sur les représentations par le biais de l'action publique pour changer la réalité, voilà une méthode qui n'est pas très différente de la définition de la propagande : "la propagande désigne un ensemble d'actions psychologiques influençant la perception publique des événements, des personnes ou des enjeux, de façon à endoctriner ou embrigader une population et la faire agir et penser d'une manière voulue."
[8] "Pour se souvenir de l'avenir. Brève histoire de la Ligue de l'enseignement", site internet de la Ligue de l'enseignement. www.laligue.org
[9] selon la formule d'Etienne de Montety dans son éditorial du Figaro, le 3 septembre 2012.
Saluée par une partie de la droite et des éditorialistes, l'annonce faite par Vincent Peillon d'un retour de l'enseignement de la morale à l'école a tout du quiproquo. Ceux qui espèrent que « la morale laïque » promise par le ministre permette un retour aux valeurs et rappelle aux jeunes français quels sont leurs droits et leurs devoirs vont vite déchanter.
Si habilement, Vincent Peillon parle de « morale » faisant, ainsi, implicitement référence à l'école des hussards de la république, ce n'est que pour mettre en œuvre plus facilement la feuille de route sur l'école que les socialistes ont adoptée le 11 décembre 2011, lors de la convention nationale du PS intitulée « Pour l'égalité réelle ».
Pour eux, l'objectif de l'école n'a jamais été la transmission des savoirs. [voir le programme ECR au Québec] Fidèle à la ligne tracée en 1866 par Jean Macé, le fondateur de la Ligue de l'enseignement, les socialistes attendent de l'école qu'elle joue un rôle plus direct afin d'influencer, voire de façonner la société selon leurs plans.
Pour Jean Macé, l'objectif premier de l'école, ce n'est pas la simple diffusion du savoir, c'est « l'éducation au suffrage universel ». De son propre aveu, son organisation « poursuit un but essentiellement politique », qui fixe à l'éducation le soin « de faire des électeurs »[1].
Cette thèse, même si elle n'a pas toujours été aussi clairement affichée, n'a jamais cessé d'inspirer la gauche et ses alliés au sein du milieu scolaire [2]. Depuis, comme le note François Ewald, l'école est devenue le « lieu privilégié de l'initiation à la République, elle est chargée de « fabriquer" le citoyen de la démocratie « égalitaire ».[3] On lui a, ainsi, fixé pour mission d'apprendre aux enfants « les gestes citoyens », les comportements « éco-responsables », et le catéchisme « politiquement correct ». « Et cela, non pas en s'appuyant sur le capital social dont l'enfant hérite de sa communauté d'origine [quitte à l'enrichir], mais en prétendant forger un être nouveau. »[4]
Dans son entretien au Journal du Dimanche, Vincent Peillon s'inscrit dans cette tradition en précisant que sa morale laïque est plus large que la simple instruction civique : « cela comporte une construction du citoyen [...] mais aussi toutes les questions que l'on se pose sur le sens de l'existence humaine, sur le rapport à soi, aux autres, à ce qui fait une vie heureuse ou une vie bonne. » Pour parvenir à cela,« il faut être capable d'arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social. »[5] Et voici, la famille reléguée au rang des déterminismes dont il convient de s'émanciper !
Dans son projet « pour l'égalité réelle », le parti socialiste fixe à l'école l'objectif d'« éduquer pour changer les mentalités et transformer la société » en luttant contre les « stéréotypes et les préjugés ».
« L'éducation permettra de déconstruire les préjugés de genre [...]. Nous formerons tous les acteurs éducatifs à la question de l'éducation aux rapports entre les sexes, à partir d'un travail sur les stéréotypes et les assignations de genre, »[6] et cet enseignement concernera tous les élèves du CP jusqu'à la terminale.
L'école sera également mobilisée pour lutter contre les discriminations qui « prennent racine dans les mécanismes de rejet, de domination, qui persistent dans l'inconscient collectif. Les préjugés et les stéréotypes ont la vie dure : le seul moyen de les faire reculer durablement est un engagement politique déterminé de la puissance publique. En agissant sur les représentations, la puissance publique dispose d'un levier fort pour transformer l'égalité formelle en égalité réelle. » (Sic)[7] Quelle belle définition de la propagande !
La formation des enseignants, chère au nouveau ministre, devra intégrer « à leur formation initiale et continue des modules permettant d'appréhender les mécanismes de domination et de les déconstruire avec les élèves. » L'école devra également veiller à « enseigner la richesse et la diversité de l'histoire de France. Il est nécessaire de montrer que la France a toujours été traversée par des vagues de migrations » affirme-t-on de façon péremptoire dans ce texte adopté par l'ensemble du conseil national du PS.
Pour réussir une telle mission, les enseignants pourront compter sur l'appui des associations d'éducation populaire. « Pour faire reculer les préjugés, nous nous appuierons sur le mouvement social et associatif, qui a un rôle à jouer aux côtés des pouvoirs publics pour faire évoluer les mentalités. » Vincent Peillon, tout comme François Hollande, savent qu'ils pourront compter sur ces associations qui demeurent de fidèles alliées du parti socialiste. Rappelons simplement que les principales associations d'éducation populaires sont : la ligue de l'enseignement qui n'a jamais renié sa sympathie « pour tous ceux qui luttent pour la construction d'une société de type socialiste »[8] et la fédération Léo Lagrange, émanation historique du mouvement des jeunes socialistes qui reste présidée par Bruno Le Roux, lieutenant de François Hollande.
Voilà à quoi risque de ressembler la « morale laïque » de Vincent Peillon. Derrière ces mots se cache un catéchisme gauchisant [9] dont l'objectif est de formater les citoyens à la pensée politiquement correcte.
Si nous ne voulons pas d'une école Big Brother, nous devons rester vigilant et nous rappeler l'avertissement de la philosophe Chantal Delsol : « dans un pays libre, ce que nous nous flattons d'être, l'éducation morale est du ressort des familles. L'État peut instruire, mais il n'éduque pas. On peut douter d'ailleurs que la vertu s'enseigne comme la grammaire. Nous allons avoir des manuels dans lesquels la morale se résumera dans le bouclage de la ceinture de sécurité et l'interdiction de fumer. Car l'ordre moral passe aujourd'hui par ces momeries. D'autres feront la morale du la théorie du genre ou bien réduiront tout à l'écologie. Il sera donc assez utile (euphémisme !) que les parents vérifient ce qu'on prétend apprendre à leurs enfants en terme de vertu. »
Sage conseil !
[1] "Pour se souvenir de l'avenir. Brève histoire de la Ligue de l'enseignement", site internet de la Ligue de l'enseignement. www.laligue.org
[2] Extrait de "L'école malade de l'égalitarisme" d'Olivier Vial et Inès Charles-Lavauzelle
[3] François Ewald, "Refonder l'école", la Lettre n°15, Fondation pour l'innovation politique.
[4] Ibid.
[5] Journal du Dimanche, n°3425, 2 septembre 2012
[6] Convention pour l'égalité réelle- p 36
[7] Agir sur les représentations par le biais de l'action publique pour changer la réalité, voilà une méthode qui n'est pas très différente de la définition de la propagande : "la propagande désigne un ensemble d'actions psychologiques influençant la perception publique des événements, des personnes ou des enjeux, de façon à endoctriner ou embrigader une population et la faire agir et penser d'une manière voulue."
[8] "Pour se souvenir de l'avenir. Brève histoire de la Ligue de l'enseignement", site internet de la Ligue de l'enseignement. www.laligue.org
[9] selon la formule d'Etienne de Montety dans son éditorial du Figaro, le 3 septembre 2012.
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