mercredi 4 juillet 2012

The Guardian : nous avions tort au sujet du pic pétrolier

George Monbiot
Le chroniqueur écologique du journal de gauche britannique The Guardian, George Monbiot, fait son mea culpa au sujet des prévisions prématurées répercutées par les médias comme les siens (c'est-à-dire donc toute la presse conformiste québécoise) au sujet d'un imminent pic pétrolier.

Le pic pétrolier mondial serait ce moment où la production mondiale de pétrole plafonnera avant de commencer à décliner du fait de l'épuisement des réserves de pétrole exploitables entraînant, selon certains auteurs écologistes, une rapide hausse des prix et un effondrement de notre mode de vie actuel. Rappelons que le mode de vie contemporain dépend d'une énergie abondante et à bon marché alors que la société préindustrielle devait se satisfaire d'une énergie animale ou humaine, rare et chère.

La majorité des acteurs du secteur ont réfuté l'idée même de ce phénomène en argüant que des avancées techniques permettront une meilleure récupération du pétrole des gisements existants et l'exploitation de nouvelles sources d'hydrocarbures telles que les sables bitumineux ou la production hauturière. Mais ce n'était pas le cas de certains journalistes militants comme George Monbiot. Dans son article du 3 juillet 2012, le reporter activiste écrit :

« Certains d'entre nous avaient fait des prévisions vagues, d'autres avaient été plus précis. Dans tous les cas, nous avons eu tort. En 1975, M.K. Hubbert, un géologue à l'emploi de Shell qui avait correctement prédit le déclin de la production pétrolière américaine, a suggéré que les approvisionnements mondiaux pourrait atteindre un pic en 1995[1]. En 1997, le géologue pétrolier Colin Campbell a estimé que ce sommet se produirait avant 2010[2]. En 2003, le géophysicien Kenneth Deffeyes a dit qu'il était « sûr à 99 pour cent » que le pic pétrolier se produirait en 2004[3]. En 2004, le magnat texan T. Boone Pickens prédisait que « nous ne pomperons plus jamais plus de 82 millions de barils » par jour de carburants liquides[4]. (Or, la production moyenne de pétrole en mai 2012 était de 91 millions de barils[5]). En 2005, le banquier d'affaires Matthew Simmons a soutenu que « l'Arabie séoudite ... ne peut matériellement pas augmenter sa production de pétrole. »[6]  (Depuis lors, cette production est passée de 9 millions de barils par jour à 10, et l'Arabie séoudite bénéficie d'une capacité de réserve d'un 1,5 million de barils supplémentaires[7, 8].)

Le pic pétrolier ne s'est pas produit et il est peu probable qu'il se produise à court ou à moyen terme. Un rapport du cadre de l'industrie pétrolière Leonardo Maugeri, publié par l'Université Harvard, fournit des preuves convaincantes qu'un nouveau boom pétrolier a commencé[9]. Les contraintes sur l'approvisionnement en pétrole au cours des dix dernières années auraient eu comme cause une carence d'investissements plutôt qu'une raison géologique. Les bas prix d'avant 2003 avaient découragé les investisseurs de développer des champs pétrolifères difficiles. Les prix élevés de ces dernières années ont changé la donne.

L'analyse des projets pétroliers de Maugeri dans 23 pays indique que les approvisionnements mondiaux en pétrole devraient augmenter de 17 millions barils nets par jour (pour atteindre 110 millions) d'ici 2020. Il s'agit, selon lui, de « la plus grande augmentation potentielle de la capacité mondiale d'approvisionnement en pétrole depuis les années 1980. » Les investissements nécessaires à cette hausse dépendent d'un prix à long terme de 70 dollars le baril. Le coût actuel du pétrole brut Brent est de 95 $[10]. L'argent coule désormais à flot dans la prospection : un billion (mille milliards) de dollars a été dépensé au cours des deux dernières années, on prévoit un investissement record de 600 milliards $ pour 2012[11].

Le pays dans lequel la production est la plus susceptible d'augmenter, c'est l'Irak dans lequel les entreprises multinationales font désormais couler l'argent et font sentir leur emprise. Mais la plus grande surprise est sans doute que l'autre grand pays qui devrait connaître un boom pétrolier est les États-Unis. Le pic de Hubbert, la fameuse cloche qui représentait l'ascension et la chute de la production pétrolière aux États-Unis, est en passe de devenir les montagnes russes de Hubbert.

L'investissement s'y concentrera sur le pétrole non conventionnel, en particulier le pétrole de schiste. Il s'agit d'un brut de haute qualité piégé dans les roches à travers lesquelles il ne s'écoule pas naturellement. Il en existe, nous le savons désormais, des gisements gigantesques aux États-Unis : une estimation suggère que les schistes de Bakken au Dakota du Nord renferment presque autant de pétrole que l'Arabie séoudite (bien que moins de celui-ci est extractible)[14]. Et ce n'est qu'une des 20 formations de ce type aux États-Unis. L'extraction du pétrole de schiste nécessite un forage horizontal et une fracturation de la roche : une combinaison de prix élevés et d'améliorations techniques les a rendus rentables. C'est ainsi que la production dans le Dakota du Nord a augmenté pour passer de 100.000 barils par jour en 2005 à 550.000 en janvier de cette année[13]»



Entretemps, Radio-Canada propose toujours en 2012 dans son catalogue destiné aux écoles (au titre inquiétant et jargonneux : Instruire, « socialiser » et « qualifier ») un reportage de 2011 qui parle « des réserves de pétrole facilement accessibles [qui] s’épuisent », sans parler de l'augmentation de la production pétrolière et d'une relative stabilité des prix qui accompagne cette augmentation. Qui est conservateur dans ses schémas face à une nouvelle donne ?

Rappelons qu'une partie du programme d'éthique et de culture religieuse est consacrée à l'« avenir de la planète » qui permet aux éditeurs de manuels de ressortir tous les poncifs en la matière (voir la liste des hyperliens liens fournis comme ressources par LIDEC, voir aussi ici), là où d'aucuns prétendent sans rire que le programme ECR « ouvre l'esprit » ou qu'il serait « neutre ».



Notes de l'article de Monbiot

[1] http://www.hubbertpeak.com/hubbert/natgeog.htm

[2] Colin J. Campbell, 1997. The Coming Oil Crisis. Multi-Science Publishing Co. Ltd, Brentwood, Essex.

[3] Cité par Bob Holmes et Nicola Jones, le 2 août 2003. « Brace yourself for the end of cheap oil » (Préparez-vous pour la fin du pétrole bon marché). New Scientist, vol 179, issue 2406.

[4] T. Boone Pickens, le 9 août 2004. Lors d'un passage au Kudlow and Cramer Show sur MSNBC.

[5] Agence internationale de l'énergie, 13 juin 2012. Rapport sur les marchés pétroliers. http://omrpublic.iea.org/

[6] Matthew Simmons, 2005. Twilight in the Desert: The Coming Saudi Oil Shock and the World Economy (Crépuscule dans le désert : Le prochain choc pétrolier séoudien et l'économie mondiale) . Wiley.

[7] http://earlywarn.blogspot.co.uk/2011/02/latest-saudi-arabian-oil-production.html

[8] Voir la note au bas des pages 4-5, Leonardo Maugeri, juin 2012. Oil: The Next Revolution. The Unprecedented Upsurge of Oil Production Capacity and What It Means for the World. http://belfercenter.ksg.harvard.edu/files/Oil-%20The%20Next%20Revolution.pdf

[9] Leonardo Maugeri, juin 2012. Oil: The Next Revolution. The Unprecedented Upsurge of Oil Production Capacity and What It Means for the World. (Pétrole: la prochaine révolution. La recrudescence sans précédent de la capacité de production de pétrole et ce que cela signifie pour le monde.) http://belfercenter.ksg.harvard.edu/files/Oil-%20The%20Next%20Revolution.pdf

[10] http://www.oil-price.net/

[11] Examen des dépenses en amont de la Barclays (« Upstream Spending Review », 2012, cité par Leonardo Maugeri, comme ci-dessus.

[12] Maugeri écrit (page 47): « In 2011, Continental has estimated the Bakken OOP alone at 500 billion barrels. In terms of oil in place (not all of which is recoverable), both the Price and the Continental estimates would put the Bakken formation ahead of the largest oil basins in the world, making it the biggest one—a sort of Saudi Arabia within the United States. (In 2005, Saudi Oil Minister Al Naimi publicly estimated the OOP of Saudi Arabia to be around 700 billion barrels). »

[13] https://www.dmr.nd.gov/oilgas/stats/historicaloilprodstats.pdf




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3 commentaires:

Marre des cuistres a dit…

Monbiot oublie de dire qu'il y a 3 ans (TROIS), il prédisait le pic pétrolier pour 2020...

http://www.etopia.be/spip.php?article994

Loulou a dit…

Il est loin le temps quand Obama, le Messie, ne parlait que d'énergies vertes...

Un énorme fiasco et une gabegie financière.

Évidemment, les Québécois désinformés par leurs médias Obamolâtre (il est noir, il ne peut qu’être "bon"!) ont répétés les billevesées écologistes et effrayés les gens avec des films malhonnêtes comme Gasland.

Marre des cuistres a dit…

Le Québec fait fuir les investissements pétroliers

Hélène Baril, La Presse, 2012-06-26

Les efforts du premier ministre Jean Charest pour promouvoir son Plan Nord et intéresser les investisseurs étrangers à nos ressources naturelles ne réussissent pas à convaincre tout le monde. L'industrie du pétrole et du gaz, par exemple, considère toujours le Québec comme un des pires endroits au monde pour investir. Le Québec a encore reculé dans le classement international établi annuellement par l'Institut Fraser, après avoir sondé les dirigeants des principales entreprises du secteur. Ces entreprises, qui dépensent près de 300 milliards $ par année dans l'exploration et l'exploitation pétrolière, considèrent que le Québec décourage l'investissement. Le Québec occupe l'avant-dernière place au Canada dans l'opinion de ces dirigeants d'entreprises. Seul le Nouveau-Brunswick fait pire, lui qui veut imposer une ponction de 40 % sur les profits des entreprises pétrolières et gazières. Les commentaires recueillis lors du sondage en disent long sur ce que pensent les investisseurs des deux moutons noirs du Canada. « Le débat public est complètement dominé par ceux qui ne veulent rien savoir du développement pétrolier et gazier », estiment par exemple certains d'entre eux au sujet du Québec. D'autres déplorent que les règles fiscales et les redevances puissent changer à tout moment au Québec comme au Nouveau-Brunswick, ce qui crée beaucoup d'incertitudes. « Les bureaucrates sont capables de décisions arbitraires qui peuvent détruire les activités d'exploration pétrolières et gazières », dit un autre à propos du Nouveau-Brunswick. Les investisseurs ont été invités à évaluer le climat d'investissement d'un territoire sous plusieurs aspects comme la fiscalité en général, la réglementation et le climat de travail.

Au Canada, c'est le Manitoba qui est considéré comme la meilleure terre d'accueil pour l'industrie du pétrole et du gaz. La province a déclassé la Saskatchewan, qui était en tête l'an dernier. L'Alberta a réussi à remonter du sixième au troisième rang, grâce surtout à la volonté de son gouvernement de simplifier la réglementation en matière d'obtention de permis et de restauration des sites. À l'échelle mondiale, le Québec est au 101e rang sur les 147 pays et territoires examinés. Il se retrouve en compagnie du Gabon, de la Chine et de l'Égypte. Il s'agit d'un troisième recul en autant d'années dans le classement international. L'an dernier, le territoire québécois occupait le 92e rang sur 135. L'économiste Gerry Angevine, coauteur de l'enquête qui en est à sa sixième présentation, croit que le problème du Québec tient à sa réglementation environnementale coûteuse et incohérente, et à l'incertitude fiscale. « La province ne pourra devenir un important producteur de gaz de schiste que lorsqu'elle aura réglé ce problème », a-t-il indiqué. C'est toujours aux États-Unis que l'industrie pétrolière et gazière estime trouver le meilleur accueil pour ses activités. Quatre États américains, l'Oklahoma, le Mississippi, le Texas et le Dakota-du-Nord occupent les premières places du classement international de 2012. Le Manitoba suit en cinquième position. Tout en bas, la Bolivie occupe le 147e rang sur 147. Le pays andin était aussi parmi les derniers du classement en 2011, tout comme le Venezuela et l'Iran.

http://affaires.lapresse.ca/economie/energie-et-ressources/201206/25/01-4538233-le-quebec-fait-fuir-les-investissements-petroliers.php