samedi 24 mars 2012

« Même si code criminel canadien interdit formellement l'euthanasie...»

Selon le Journal de Montréal, même si code criminel canadien interdit formellement l'euthanasie, la Commission s'appuie sur le Barreau du Québec et soutient que ce n'est pas un obstacle pour aller de l'avant. La députée péquiste Véronique Hivon croit que le Procureur général pourrait émettre une directive au Directeur des poursuites criminelles et pénales afin de s'assurer qu'un médecin, qui se conforme aux lois québécoises, ne puisse faire l'objet de poursuites.

De la part de qui ? Du gouvernement québécois, mais pas d'un particulier... Un ayant-droit, par exemple.

Pour sa part, le réseau Vivre Dans la Dignité (VDD) considère le rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, rendu public hier, comme une trahison délibérée du processus démocratique.

« Au début du processus de consultation de la CSQMD, on a promis aux Québécois que leurs voix seraient entendues et leurs directives suivies. À cause de cette promesse, les Québécois ont manifesté leur forte opposition à l'introduction de l'euthanasie et du suicide assisté dans le système de santé. La Commission a renié, d'une manière arrogante et irresponsable, les promesses faites aux personnes dont les opinions étaient censées l'influencer, » déclare le Dr André Bourque, président de VDD.

Le Dr Bourque attire l'attention sur une analyse impartiale des mémoires soumis à la CSQMD, démontrant que les deux tiers des personnes ayant présenté des mémoires rejettent toute introduction de l'euthanasie et du suicide assisté dans le système de santé.

Un tiers des personnes entendues par la Commission étaient en faveur de l'euthanasie et à peine deux pour cent en faveur du suicide assisté.


Le Dr Bourque ajoute que, malgré ces résultats, la CSQMD n'a tenu aucun compte des opinions exprimées de manière démocratique, et a cédé aux pressions de petits groupes cherchant (de façon obsessive) à décriminaliser l'euthanasie et le suicide assisté au Québec.

De nombreux observateurs se demandent si la décision de céder aux pressions de ces groupes a été prise avant même le début de la consultation publique. Le Dr Bourque rappelle aussi aux Québécois que des députés membres de la Commission ont fait un voyage en France, Belgique et Hollande pour se renseigner sur l'euthanasie, alors qu'ils devaient s'informer sur ce que la population québécoise en pensait.

« Pourquoi gaspiller presque un million de dollars en fonds publics pour en arriver à une conclusion déterminée à l'avance ? Les audiences étaient-elles un simple coup publicitaire ? Si oui, la prochaine élection donnera l'occasion aux Québécois de demander des comptes aux députés qui les ont trahis. »

Le Dr Bourque mentionne un autre élément : le gouvernement de M. Charest n'est aucunement lié par les recommandations du rapport et peut refuser de suivre la CSQMD, créée à l'instigation du Parti Québécois. Le cabinet doit donner aux Québécois la garantie que l'euthanasie et le suicide assisté ne seront pas considérés comme des soins en fin de vie. De plus, le gouvernement doit faire porter ses efforts sur l'amélioration des soins palliatifs et les rendre accessibles à tous les citoyens qui en ont besoin.

« Les audiences ont démontré hors de tout doute que 99 pour cent des Québécois veulent que les soins palliatifs soient financés convenablement et offerts dans toute les régions », affirme le Dr Bourque. « La plus grande trahison est que nous semblons avoir perdu deux années et beaucoup d'argent, qui auraient pu être utilisés pour donner aux habitants du Québec ce qu'ils désirent, c'est-à-dire un plan de développement des soins palliatifs et leur financement. »

Notons qu'à la page 86 du rapport de la Commission « Mourir dans la dignité :», on retrouve un passage qui oblige les médecins qui refusent d'effectuer eux-même l'euthanasie à collaborer à un acte qu'il trouve abject en référant leur patient à un médecin n'ayant pas ces problèmes de conscience...

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2 commentaires:

Vivre dans la dignité a dit…

Il y a vingt ans l'historien Angus McLaren, de l'Université de Victoria, a publié un livre passionnant sur l'eugénisme au Canada au début du vingtième siècle. Ce livre était intitulé Our Own Master Race. L'étude de McLaren montrait à quel point, entre les deux guerres mondiales, les Canadiens étaient sensibles aux thèses de l'eugénisme sur les menaces encourues par la « race des maîtres ». Les menaces provenaient non seulement des immigrants « défectueux », mais aussi des « mères pauvres ignorantes », des « idiots », des « imbéciles », et des malades et arriérés mentaux. Loin d’être unifié, le mouvement eugénique bénéficiait toutefois de soutiens puissants. Presque toutes les personnes d’influence dans les domaines du travail social et de la santé publique soutenaient l'eugénisme. C'était le cas notamment de Tommy Douglas et de beaucoup d'autres Canadiens « progressistes » de cette époque. Pendant un certain temps au cours des années 1990, je me suis servi du livre du professeur McLaren pour un des cours que je donnais. Les étudiants étaient mal à l'aise de découvrir cette période sombre de l'histoire du Canada et beaucoup d'entre eux pensaient qu'elle appartenait à un passé révolu et que la société canadienne actuelle était plus civilisée et ouverte à la diversité. Je leur demandais s'ils pensaient que nous pourrions nous retrouver un jour dans une situation semblable à celle de l'entre-deux guerres. Un silence suivait ma question. Quelques étudiants opinaient finalement des appels à pratiquer ou à légaliser l'euthanasie pourraient nous faire vivre une expérience semblable. J’ai été frappé par leur commentaire, tout comme certains étudiants qui m’ont déçu en disant que l'histoire nous permet de ne pas répéter les mêmes erreurs (une expression qu'ils avaient dû entendre à l'école ou lire dans un magazine !).



Un des épisodes les plus sombres de l'histoire de l'eugénisme au Canada fut la mise en vigueur dans les années 1920 et 1930, en Alberta et Colombie-Britannique, de lois empêchant la reproduction d'au moins certains de ces indésirables. Il est difficile d'évaluer le nombre d'arriérés mentaux qui furent stérilisés, mais le professeur McLaren découvrit qu'au moins quelques centaines d'entre eux le furent dans ces deux provinces (la stérilisation de milliers de personnes avait été approuvée). Ceux qui furent soumis à la stérilisation étaient les membres les plus faibles et les plus démunis de la société : les femmes, les personnes non qualifiées, et des catholiques et des orthodoxes (qui à cette époque constituaient de faibles minorités dans l'Ouest canadien). Un quart des victimes étaient des autochtones. Le mouvement eugénique était une tentative de corriger les « maux » de la société. La société canadienne de l'entre-deux-guerres avait l'impression de subir un éclatement dû aux changements démographiques provoqués par une urbanisation croissante. L'état et la société, influencés par le langage de l'efficacité et de la gestion scientifique, recherchaient des solutions auprès des médecins, qui se considéraient de plus en plus comme des planificateurs sociaux. Les médecins et d’autres personnes travaillant dans le secteur de la santé constituaient, en fait, le groupe le plus important parmi les promoteurs de l'eugénisme. Ils n'avaient pas l'impression de causer du tort à des individus ; ils pensaient contribuer au bien de la société et estimaient qu'un problème complexe pouvait être résolu de manière simple. La stérilisation empêcherait les membres indésirables de contaminer la race des maîtres. Heureusement, des personnes réagirent alors et se rendirent compte à quel point la solution proposée était affreuse. Elle n'était qu'une réponse simpliste au problème récurrent du changement social et de la gestion de la diversité.

Vivre dans la dignité a dit…

Comme l’écrit le professeur McLaren, « le début de la guerre et le changement de programme eugénique des Nazis, qui passa de la stérilisation à l'euthanasie, provoquèrent une vive réaction contre l'eugénisme dans tous les pays occidentaux », y compris au Canada. Cette remarque n'a pas pour but de comparer aux Nazis les promoteurs de l'eugénisme de l'entre-deux-guerres, mais de démontrer que des réponses simplistes à des questions difficiles peuvent éventuellement entraîner des résultats désastreux. Le mouvement de stérilisation des arriérés mentaux était surtout fort dans l'Ouest canadien, et ses promoteurs étaient irrités de rencontrer de la résistance à leur entreprise. Les opposants se trouvaient dans l’Est, et les promoteurs de l'euthanasie étaient particulièrement en colère contre le Québec, dont les hommes politiques étaient proches de l'Église catholique et donc inspirés par elle. Revenons au mois de février 2010. Des audiences publiques sur l'euthanasie ont lieu au Québec. Comme les choses ont changé ! La province qui offrait le plus de résistance à la réingénierie sociale se trouve aujourd’hui à l'avant-garde pour ce qui est de permettre de tuer les infirmes, des personnes peut-être trop isolées et déprimées pour prendre une décision rationnelle. Les politiciens ne sont heureusement plus sous le joug de l'Église catholique, mais plutôt sous le joug de grands prêtres de la médecine et du monde universitaire ! Gaétan Barrette, qui prétend parler au nom de ses collègues (même ceux qui s'opposent ouvertement à lui) , est un promoteur convaincu de l'euthanasie. Utilisant le même langage clérical que ses prédécesseurs des Prairies, il présente l'euthanasie comme une solution « humaine ». Cette solution permet à la société de régler le problème de patients (des contribuables aussi, il ne faut pas l'oublier !) devenus un fardeau pour la société. Comme la stérilisation dans les années trente, l'euthanasie est une « solution » technique à un problème beaucoup plus complexe. Un problème complexe requiert plus qu'une solution technique. Mes étudiants avaient peut-être raison. Serons-nous jamais capables de tirer les leçons de l'histoire ?