samedi 18 février 2012

La neutralité de l'État et la neutralité de l'enfant

Dans les attendus du jugement de la Cour suprême du Canada que nous considérons très superficiels et dangereux en ce qu'il hausse considérablement le fardeau de la preuve pour un parent qui demande une exemption à un cours, la juge Deschamps déclare :
[32]     Par conséquent, suivant une approche réaliste et non absolutiste, la neutralité de l’État est assurée lorsque celui-ci ne favorise ni ne défavorise aucune conviction religieuse; en d’autres termes, lorsqu’il respecte toutes les positions à l’égard de la religion, y compris celle de n’en avoir aucune, tout en prenant en considération les droits constitutionnels concurrents des personnes affectées. 
Elle y déclare d'une part que la neutralité absolue n'existe pas, mais que, selon elle, le manque de neutralité dans ce cas-ci ne porte pas à conséquence. Mais comment peut-elle le savoir si ce n'est en se mettant dans la peau d'une croyante convaincue ? Une chose anodine pour une juge athée ou agnostique ne le sera pas pour une mère croyante et anxieuse du développement spirituel de ses enfants.

En outre des partisans comme Pierre Lucier, professeur au Département de sciences des religions de l'UQAM, ont déclaré : «Il faut le redire : le programme "Éthique et culture religieuse" ne se meut pas dans la neutralité. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas confessionnel qu'il n'affirme ou ne "confesse" rien.» Le responsable du cours ECR au ministère de l’Éducation, Denis Watters, avait reconnu publiquement : « Ce n’est pas un programme neutre, et je le dis haut et fort : ce n’est pas un programme neutre », et que le Mouvement laïque québécois entretenait « de sérieux doutes quant à la capacité de l’enseignant de demeurer complètement neutre sur ces questions ». Les experts des parents appelants en arrivent au même constat de non-neutralité (Expertises Durand et Mascré).

Madame Deschamps n'abordent pas ces avis et expertises. Elle s'en tire par une pirouette : la neutralité absolue n'existe pas. Voilà. Et si le programme n'est pas neutre c'est parce qu'il est laïque ou multiculturel. Na !

En outre, malgré une explication écrite et orale, Mme Deschamps semble confondre ici la neutralité nécessaire de l'État face aux religions et à l'athéisme (que personne ne conteste, la remarque est donc hors sujet) et la neutralité des enfants face aux religions et à l'athéisme. C'est de cela qu'il s'agissait. Car les parents ne sont pas contre les connaissances sur les autres religions ou positions éthiques, ils sont contre la neutralité vis-à-vis de tous ces choix. Ce n'est pas une éducation qui respecte leurs croyances. Dire que les parents peuvent corriger à la maison ce que l'école aura légitimer de son autorité pendant 11 ans dans un cours répétitif (la neutralité envers ces options) n'est qu'une autre pirouette. La mission des parents n'est pas de corriger l'école, c'est à l'école d'être le prolongement de l'éducation philosophique, religieuse et morale des parents respectables.

Rappelons le passage du mémoire du Regroupement chrétien pour le droit parental en éducation
19. Le pluralisme d’une société ne justifie pas que l’État doive imposer à chaque enfant québécois la diversité des repères et la pluralité des normes. Car si l’État est pluraliste, c’est pour permettre la coexistence respectueuse et harmonieuse de personnes qui considèrent leurs valeurs et leur foi comme des principes premiers dans leur vie, et non pour faire de chacune d’elles des pluralistes normatifs, des personnes moins ancrées dans leur religion ou philosophie de vie. Il est d'ailleurs paradoxal que les adeptes du pluralisme normatif, doctrine qui valorise la diversité, désirent uniformiser la société en imposant une approche unique de l’éthique et de la diversité religieuse à tous les élèves, en refusant toute exemption.

20. Ainsi, en voulant faire de chaque élève un « pluraliste » et un « relativiste », par le fait même, le programme ECR tue le véritable pluralisme. Ce paradoxe, inhérent à l’imposition obligatoire du cours, avait été anticipé par Claude Ryan, ancien ministre de l’Éducation, qui commentait ainsi le Rapport Proulx, dont le programme ECR est l’aboutissement :
L'autre approche, dont le Rapport Proulx fournit un exemple (…) pourrait facilement conduire à des formes de conformisme idéologique et de timidité politique qui pourraient s'avérer plus asphyxiantes pour la pleine réalisation de la liberté dans une société pluraliste que l'approche pragmatique. 





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