vendredi 13 janvier 2012

Histoire d'animatrice de classe de cégep et d'auto-apprenants

Mathieu Bock-Côté sur ce que serait devenu le cégep québécois (première et terminale en France).

Histoire vraie. Histoire de prof. Je vous parle d’une amie. Elle enseigne en sciences humaines au cégep. Elle est brillante. Cultivée. Excellente pédagogue. Et elle est désespérée par ce qu’elle voit. Pourquoi ? Car les enfants de la réforme scolaire viennent d’entrer dans sa classe.

Petit portrait d’une cohorte. D’abord et avant tout, les enfants de la réforme peinent à suivre un cours magistral. Ce n’est pas un détail. Ils ne savent plus prendre de notes. Et ils veulent qu’on leur fournisse à l’avance !

Cela ne les empêche pas de contester leurs mauvais résultats, car on les a persuadés de leur génie même si leur culture générale est anémique. L’enfant roi a des droits. Celui de réussir sans effort en est apparemment un. Comment expliquer cela ? Évitons les mauvais procès. Les jeunes n’y sont pour rien. C’est le système d’éducation qu’il faut blâmer. C’est lui qui a transformé une génération en cobaye d’une philosophie délirante.

Il s’agit d’un héritage des années 1970. La gauche radicale de l’époque détestait l’école. Elle l’imaginait au service des bourgeois. Elle détestait aussi la culture humaniste. Trop élitiste ! Elle se disait contre-culturelle. Elle était simplement contre la culture.

La déconstruire

L’école ne devait plus transmettre la culture humaniste. Mais la déconstruire. Elle devait non pas, transmettre un héritage culturel, mais l’abolir. On ne devait plus éduquer l’enfant. Mais se faire éduquer par lui. Par sa spontanéité. Moins on l’encadrera, plus il se formera librement.

Reformulée dans le jargon technocratique, c’est cette philosophie qui domine le ministère de l’Éducation. Elle se réclame du « socioconstructivisme ». Les idéologues au pouvoir se prennent pour des scientifiques. Il ne faut pas les croire.

Ils ont censuré les connaissances pour les remplacer par les « compétences transversales ». Pourquoi ? De peur de brimer l’authenticité du jeune, sa créativité. L’enfant doit tout découvrir par luimême. De préférence en jouant. L’autorité ? Taisez ce vilain mot que je ne saurais entendre.

Cette philosophie est catastrophique. L’État n’a pas besoin de sacrifier des millions de plus aux bureaucrates de l’éducation. L’école a besoin d’une révolution philosophique. De revenir aux valeurs fondamentales.

D’abord, l’autorité du professeur. Un professeur se vouvoie. On l’appelait autrefois le maître d’école. On avait raison. Maintenant, on lui demande d’être un animateur de camp de vacances. L’enseignant doit redevenir maître de sa classe.

À l'heure de Google

Ensuite, la valorisation du savoir humaniste. La littérature. L’histoire. La philosophie. On dit qu’à l’heure de Google, l’Internet peut être cultivé à notre place. Sottise ! La culture n’est pas que du « par cœur ». Elle éclaire le jugement. Elle raffine les goûts. Elle améliore la vie.

Enfin, l’école doit distinguer la réussite de l’échec. Elle ne doit pas conforter l’enfant dans l’idée qu’il a tous les droits. Au contraire. Elle doit lui apprendre que l’effort paie et que la paresse handicape. C’est justement parce que notre société ne croit plus à l’effort que l’école doit y croire. Je vous parlais de mon amie. Elle n’est pas la seule. Écoutez les enseignants, ceux dans les classes. L’avenir de l’école repose sur leur révolte de bon sens contre une idéologie qu’ils subissent. Si vous aimez l’école, apprenez à vous méfier du ministère qui l’a ruinée.




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