Nathalie Bulle revient sur le succès des Finlandais aux tests PISA. Extraits sur ces aspects trop souvent ignorés.
Le modèle éducatif finlandais fait figure d’exception par sa réussite qui le détache nettement des autres systèmes éducatifs. Certains caractères du système finlandais, qui satisfont les orientations préconisées par l’OCDE, sont d’autant plus aisément valorisés à l’étranger que ce petit pays de cinq millions d’habitants, situé à l’extrême nord de l’Europe, isolé par sa langue, le finnois, dans l’espace européen, tend à se soustraire aux explorations approfondies. Or les caractères du système éducatif finlandais qui inspirent les politiques scolaires dans le reste du monde, non seulement ne rendent pas raison du succès de la Finlande à PISA, mais sont au contraire à la source de graves problèmes. Pour expliquer ce succès, il s’agit de comprendre ce qui démarque le modèle finlandais du modèle nordique dans son ensemble, et les jeunes finlandais des jeunes scandinaves.
PISA évalue, avons-nous défendu, un certain potentiel académique de la population scolaire. Ce potentiel ne dépend pas, ou peu, des compétences académiques spécifiques effectivement développées par les systèmes éducatifs. Il est dépendant de la faiblesse de l’échec scolaire précoce et, corrélativement, de la réussite des premiers apprentissages. Or, des facteurs institutionnels et culturels expliquent l’avance importante et relativement stable de l’école finlandaise sur ces deux plans.
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Notons, par ailleurs, que l’apprentissage de la lecture pose moins de problèmes en Finlande que dans d’autres contextes linguistiques et culturels. La correspondance graphèmes/phonèmes très forte en finlandais facilite les premières phases de l’apprentissage. Elle engage à faire appel à des méthodes de nature syllabique, utilisées également pour l’apprentissage de la lecture dans d’autres langues maternelles comme le suédois, et prévient toute querelle de méthodes à cet égard.
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La culture de discipline de la population finlandaise la démarque en effet des autres sociétés nordiques. La Finlande a toujours été un pays frontière entre l’est et l’ouest. La naissance de la nation finlandaise a été réalisée sous l’Empire Russe au XIXe siècle. D’où la présence d’éléments de l’est un peu partout en Finlande qui ne rend pas paradoxale sa situation aux côtés de la Corée et du Japon dans les comparaisons internationales. Mais encore, le passage très rapide d’une société agricole à une société industrielle, puis postindustrielle, rend compte du caractère particulier de l’Etat providence finlandais : d’un coté industriel et individualiste, de l’autre agraire et collectiviste. La culture finnoise connaît, pour ces raisons, un caractère discipliné et un esprit collectif forts.
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Les enseignants sont décrits comme pédagogiquement conservateurs, en dépit du tournant progressiste pris par la philosophie scolaire finlandaise dans les années 1980s. En 1996, un rapport britannique a révélé le caractère traditionnel de l’organisation de l’enseignement dans les écoles malgré la réforme du curriculum. Ce dernier était dans la majorité des cas de type frontal (voir relation frontale), destiné à toute la classe avec peu de formes individualisées, « centrées sur l’élève ». [Note du carnet : Bref, les profs ne sont pas de gentils animateurs, ils enseignent surtout à l'ancienne, en maîtres.]
Il n’y a pas de « miracle » finlandais conclut Simola : le modèle d’élève décrit dans PISA 2000, très fortement orienté vers le futur, semble reposer en Finlande largement sur le passé, un monde en train de disparaître, une société préindustrielle et agraire, une éthique d’obéissance peut-être la plus forte parmi les sociétés européennes. La réforme de l’école unique pédagogiquement progressiste a par ailleurs été véhiculée en Finlande par des professeurs plutôt conservateurs, avec des résultats plus satisfaisants qu’ailleurs.
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Bons résultats aux tests PISA, insuffisance à l'arrivée à l'université
Ce succès en termes de potentiel académique ne se traduit pas de manière comparable en performances académiques. Comme le souligne le professeur George Malaty, PISA ne nécessite pas l’apprentissage des mathématiques comme structure : « Nous savons que nous n’aurions aucun succès à PISA si on demandait aux élèves une compréhension des concepts ou des relations mathématiques. Le plus difficile pour nos élèves est de faire une démonstration, ce qui est compréhensible puisqu’on n’apprend pas les mathématiques comme structure dans nos écoles [finlandaises]. » Au XXe siècle, jusqu’à la fin des années 1960s, le curriculum de mathématiques comportait de l’algèbre et de la géométrie.
Puis vint la réforme des mathématiques modernes et, à partir des années quatre-vingts, le mouvement de contre-réforme. Ce dernier a conduit à une focalisation sur les seules « compétences », notamment arithmétiques [note du carnet: compétences orientées ici vers la vie quotidienne, ce qui prépare bien à ce qu'évalue PISA], pour faire face aux critiques développées contre les mathématiques modernes. L’opposition de la transmission de compétences à celles de connaissances, à l’apprentissage des structures mathématiques, a conduit à inculquer simplement des règles pratiques aux élèves en les entraînant à les utiliser et à « donner les bonnes réponses ».
Le Basic Education Act de 1998 a défendu par ailleurs l’idée que l’« éducation de base » devait procurer à chaque enfant les connaissances et compétences nécessaires à la vie quotidienne. Comme cet enseignement ne suppose pas un apprentissage des fondements des mathématiques, les élèves ne peuvent conduire des démonstrations,ni développer des bases nécessaires à la poursuite ultérieure des études dans l’enseignement supérieur. C’est pourquoi les résultats des élèves finlandais à PISA, au niveau de l’enseignement obligatoire, contrastent avec l’avis porté par les professeurs de mathématiques de l’enseignement supérieur. Il y a un consensus parmi eux quant à la faiblesse des élèves dans cette discipline.
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Les traits du système finlandais qui inspirent les politiques scolaires à l’étranger ne sont pas à l’origine du succès de la Finlande à PISA. Ces traits sont au contraire à la source de problèmes rencontrés par les élèves finlandais, notamment au niveau de l’enseignement supérieur. Par ailleurs, l’affaiblissement des élèves français est directement lié aux politiques éducatives menées notamment depuis deux décennies en France, politiques qui suivent certaines orientations dominantes de la philosophie scolaire promue par l’OCDE.
Le modèle éducatif finlandais fait figure d’exception par sa réussite qui le détache nettement des autres systèmes éducatifs. Certains caractères du système finlandais, qui satisfont les orientations préconisées par l’OCDE, sont d’autant plus aisément valorisés à l’étranger que ce petit pays de cinq millions d’habitants, situé à l’extrême nord de l’Europe, isolé par sa langue, le finnois, dans l’espace européen, tend à se soustraire aux explorations approfondies. Or les caractères du système éducatif finlandais qui inspirent les politiques scolaires dans le reste du monde, non seulement ne rendent pas raison du succès de la Finlande à PISA, mais sont au contraire à la source de graves problèmes. Pour expliquer ce succès, il s’agit de comprendre ce qui démarque le modèle finlandais du modèle nordique dans son ensemble, et les jeunes finlandais des jeunes scandinaves.
PISA évalue, avons-nous défendu, un certain potentiel académique de la population scolaire. Ce potentiel ne dépend pas, ou peu, des compétences académiques spécifiques effectivement développées par les systèmes éducatifs. Il est dépendant de la faiblesse de l’échec scolaire précoce et, corrélativement, de la réussite des premiers apprentissages. Or, des facteurs institutionnels et culturels expliquent l’avance importante et relativement stable de l’école finlandaise sur ces deux plans.
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Notons, par ailleurs, que l’apprentissage de la lecture pose moins de problèmes en Finlande que dans d’autres contextes linguistiques et culturels. La correspondance graphèmes/phonèmes très forte en finlandais facilite les premières phases de l’apprentissage. Elle engage à faire appel à des méthodes de nature syllabique, utilisées également pour l’apprentissage de la lecture dans d’autres langues maternelles comme le suédois, et prévient toute querelle de méthodes à cet égard.
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La culture de discipline de la population finlandaise la démarque en effet des autres sociétés nordiques. La Finlande a toujours été un pays frontière entre l’est et l’ouest. La naissance de la nation finlandaise a été réalisée sous l’Empire Russe au XIXe siècle. D’où la présence d’éléments de l’est un peu partout en Finlande qui ne rend pas paradoxale sa situation aux côtés de la Corée et du Japon dans les comparaisons internationales. Mais encore, le passage très rapide d’une société agricole à une société industrielle, puis postindustrielle, rend compte du caractère particulier de l’Etat providence finlandais : d’un coté industriel et individualiste, de l’autre agraire et collectiviste. La culture finnoise connaît, pour ces raisons, un caractère discipliné et un esprit collectif forts.
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Les enseignants sont décrits comme pédagogiquement conservateurs, en dépit du tournant progressiste pris par la philosophie scolaire finlandaise dans les années 1980s. En 1996, un rapport britannique a révélé le caractère traditionnel de l’organisation de l’enseignement dans les écoles malgré la réforme du curriculum. Ce dernier était dans la majorité des cas de type frontal (voir relation frontale), destiné à toute la classe avec peu de formes individualisées, « centrées sur l’élève ». [Note du carnet : Bref, les profs ne sont pas de gentils animateurs, ils enseignent surtout à l'ancienne, en maîtres.]
Il n’y a pas de « miracle » finlandais conclut Simola : le modèle d’élève décrit dans PISA 2000, très fortement orienté vers le futur, semble reposer en Finlande largement sur le passé, un monde en train de disparaître, une société préindustrielle et agraire, une éthique d’obéissance peut-être la plus forte parmi les sociétés européennes. La réforme de l’école unique pédagogiquement progressiste a par ailleurs été véhiculée en Finlande par des professeurs plutôt conservateurs, avec des résultats plus satisfaisants qu’ailleurs.
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Bons résultats aux tests PISA, insuffisance à l'arrivée à l'université
Ce succès en termes de potentiel académique ne se traduit pas de manière comparable en performances académiques. Comme le souligne le professeur George Malaty, PISA ne nécessite pas l’apprentissage des mathématiques comme structure : « Nous savons que nous n’aurions aucun succès à PISA si on demandait aux élèves une compréhension des concepts ou des relations mathématiques. Le plus difficile pour nos élèves est de faire une démonstration, ce qui est compréhensible puisqu’on n’apprend pas les mathématiques comme structure dans nos écoles [finlandaises]. » Au XXe siècle, jusqu’à la fin des années 1960s, le curriculum de mathématiques comportait de l’algèbre et de la géométrie.
Puis vint la réforme des mathématiques modernes et, à partir des années quatre-vingts, le mouvement de contre-réforme. Ce dernier a conduit à une focalisation sur les seules « compétences », notamment arithmétiques [note du carnet: compétences orientées ici vers la vie quotidienne, ce qui prépare bien à ce qu'évalue PISA], pour faire face aux critiques développées contre les mathématiques modernes. L’opposition de la transmission de compétences à celles de connaissances, à l’apprentissage des structures mathématiques, a conduit à inculquer simplement des règles pratiques aux élèves en les entraînant à les utiliser et à « donner les bonnes réponses ».
Le Basic Education Act de 1998 a défendu par ailleurs l’idée que l’« éducation de base » devait procurer à chaque enfant les connaissances et compétences nécessaires à la vie quotidienne. Comme cet enseignement ne suppose pas un apprentissage des fondements des mathématiques, les élèves ne peuvent conduire des démonstrations,ni développer des bases nécessaires à la poursuite ultérieure des études dans l’enseignement supérieur. C’est pourquoi les résultats des élèves finlandais à PISA, au niveau de l’enseignement obligatoire, contrastent avec l’avis porté par les professeurs de mathématiques de l’enseignement supérieur. Il y a un consensus parmi eux quant à la faiblesse des élèves dans cette discipline.
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Les traits du système finlandais qui inspirent les politiques scolaires à l’étranger ne sont pas à l’origine du succès de la Finlande à PISA. Ces traits sont au contraire à la source de problèmes rencontrés par les élèves finlandais, notamment au niveau de l’enseignement supérieur. Par ailleurs, l’affaiblissement des élèves français est directement lié aux politiques éducatives menées notamment depuis deux décennies en France, politiques qui suivent certaines orientations dominantes de la philosophie scolaire promue par l’OCDE.
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