jeudi 13 août 2020

Des parents envisagent l’option des « microécoles »

Des parents québécois qui hésitent à envoyer leur enfant à l’école à cause de la COVID veulent embaucher des tuteurs.

Des familles déçues des mesures annoncées par le ministre de l’Éducation en vue de la rentrée scolaire tentent de se regrouper pour embaucher des profs qui feraient l’école à la maison à leurs enfants.

Depuis quelques jours, Fernanda Goldfarb (ci-contre) est à la recherche d’autres parents qui voudraient créer une « microécole » qui ne compterait que cinq ou six élèves, dans l’arrondissement Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal.

La réponse à sa publication dans un groupe Facebook du quartier l’a surprise : une vingtaine de personnes se sont montrées intéressées.

« Pourtant, c’est vraiment un plan d’urgence. Si je pensais que c’était sécuritaire, j’enverrais tout simplement mon garçon à l’école », dit la mère de Lorenzo, 8 ans, qui commencera sa troisième année loin de ses camarades de classe habituels.

Le dévoilement du nouveau plan de la rentrée a convaincu Fernanda Goldfarb, comme d’autres parents, de ne pas renvoyer son fils à l’école.

Elle espérait avoir accès à de l’enseignement à distance, mais cette option ne sera pas offerte aux familles dont aucun membre n’est à risque de contracter le virus.

L’école à la maison au sens traditionnel — où un parent enseigne à son enfant — ne convenait pas à son horaire de travail comme consultante en informatique ni à celui de son mari. L’idée d’une microécole s’est alors imposée.

« Il faut vraiment faire confiance aux autres, parce que certaines familles ont des problèmes de santé », reconnaît-elle.

900 enfants, non merci

Cependant, si son Lorenzo fréquentait l’école primaire de Notre-Dame-de-Grâce comme à son habitude, il côtoierait potentiellement 900 autres enfants, ajoute la femme de 42 ans.

Elle a déjà trouvé une tutrice de français, mais cherche encore un enseignant de mathématiques, d’anglais et de musique pour enseigner au groupe d’enfants quelques heures par semaine.

À quelques jours de la rentrée, Susy Jarra, mère de trois enfants, hésite encore.

Gavin, son plus vieux âgé de 9 ans, serait probablement admissible à l’enseignement à distance, puisque sa petite sœur souffre de problèmes de santé importants. « Sauf que si on ne faisait que l’école à distance, on perdrait l’aspect social », estime la femme de 41 ans.

« Déchirée »

Avec deux de ses amies, Susy Jarra a donc discuté de la possibilité de créer un petit groupe d’apprentissage (« cellule d’instruction ») pour leurs trois garçons en quatrième année, et d’embaucher des tuteurs pour leur enseigner. « On serait assez stable financièrement pour se le permettre. Mais je me sens déchirée », admet-elle.

D’autres, comme Cindy Turgel, de Blainville, aimeraient séparer la tâche d’enseignement entre quelques parents et avoir l’aide d’un tuteur au besoin, car l’embauche d’un enseignant à temps plein n’est pas dans ses moyens.

Dans tous les cas, il s’agit d’une solution de dernier recours pour les parents à qui Le Journal a parlé. « Dès que ça ira mieux, mon fils retournera à l’école », affirme Fernanda Goldfarb.

◆ En 2019-2020, 5964 enfants ont officiellement été scolarisés à la maison au Québec.

Marine Dumond, présidente de l’Association québécoise pour l’éducation à domicile, comprend l’attrait d’autres solutions éducatives, comme l’enseignement dispensé par un tuteur à quelques enfants à la fois. « Tous les parents ne se sentent pas à l’aise de créer un curriculum de A à Z », explique-t-elle.

La spécialiste des enjeux entourant l’école à la maison Christine Brabant, de son côté, ne voit pas les microécoles d’un mauvais œil, tant qu’elles restent dans le meilleur intérêt de l’enfant.

Intérêt supérieur de l'enfant

« Même si on peut avoir l’impression que les parents se retirent d’un système, ils se cassent la tête pour trouver le meilleur pour leurs enfants », souligne Mme Brabant.

Et des études ont démontré que le degré d’engagement des parents dans l’éducation de leur enfant est relié à leur réussite scolaire, ajoute la professeure de l’Université de Montréal.

Le risque de créer une éducation à plusieurs vitesses est toutefois bien réel, souligne pour sa part Mme Dumond. « Ce sont clairement les familles favorisées qui auront accès à ce genre d’éducation. » Une solution serait le chèque-éducation : l'État rendrait l'argent qu'il utilise dans l'école publique pour instruire ces enfants aux parents qui font un autre choix...

Pas donné

Par exemple, une compagnie de tutorat montréalaise que Le Journal a contactée prévoit facturer entre 11 000 $ et 14 000 $ par enfant pour un encadrement de cinq demi-journées par semaine pendant l’année scolaire.

Les parents des élèves qui fréquenteront une microécole restent tout de même responsables de l’éducation de leurs enfants aux yeux de la loi, rappellent les deux spécialistes.

Ils devront répondre aux mêmes exigences que les parents qui scolarisent leurs enfants à la maison.


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