lundi 26 novembre 2018

Suicide : déclin mondial mais augmentation chez les blancs américains

ZOJ est un néologisme russe, né d’un acronyme signifiant « mode de vie sain » (Здоровый образ жизни). Il est très présent sur Instagram, où des millions de messages célèbrent des corps redevenus sains et musclés, dans les clubs de santé en plein essor des villes russes ; dans la multiplication des cafés où les jeunes sirotent des sodas et mâchouillent du muesli.

Le mot est si populaire que le groupe de rock le plus célèbre de Russie, Leningrad, en a fait une satire (voir vidéo ci-dessous, vue plus de 53 millions de fois) : « Ils disent que boire de l'alcool n’est pas dans le vent, la mode est à une sorte de zoj. Avant il était ivre, et maintenant c’est Monsieur Muscle. » La vidéo de la chanson décrit des hommes en train de mourir d’une mort atroce pendant l’exercice. Pour un groupe qui pratique le cynisme dégénéré, la zoj peut être l’objet de sarcasme, mais pour le reste de la Russie, c’est une bonne nouvelle. Cela fait partie d’une transformation sociale qui a contribué à exorciser les démons de la Russie. Alors qu’exercice et frappés aux fruits (smoothies à Paris) remplaçaient désespoir et vodka, le taux de suicide en Russie s’est effondré. Et cette tendance n’est pas propre à la Russie (voir le graphique ci-dessous).



À l’échelle mondiale, ce taux a diminué de 38 % par rapport au sommet atteint en 1994. En conséquence, plus de 4 millions de vies ont été sauvées, soit quatre fois plus de personnes que de personnes tuées au combat au cours de cette période. Le déclin a eu lieu à des époques et des rythmes différents selon les régions du monde. En Occident, ce déclin a commencé depuis longtemps : en Grande-Bretagne, par exemple, le taux de suicide chez les hommes atteignait environ 30 pour 100.000 habitants par an en 1905, il remonta au même niveau en 1934, pendant la Grande Dépression ; chez les femmes, il a culminé à 12/100.000 en 1964. Dans la plupart des pays occidentaux, il est resté stable ou a diminué au cours des deux dernières décennies.

Dans d’autres parties du monde, les taux ont baissé plus récemment. La Chine a commencé à baisser dans les années 90 et a progressivement décliné pour se stabiliser ces dernières années. Les taux de la Russie, du Japon, de la Corée du Sud et de l’Inde, toujours élevés, ont tous baissé. Les États-Unis sont la grande exception. Jusqu’au tournant du siècle, le taux a baissé de concert avec celui d’autres pays riches. Mais depuis lors, il a augmenté de 18 % à 12,8 %, soit bien au-dessus du taux actuel de 7/100.000 en Chine. Les baisses enregistrées dans ces autres grands pays dépassent toutefois de loin la hausse en Amérique.

Bien que les chiffres américains sont probablement fiables, il y a lieu de traiter certaines de ces données avec prudence. Certains pays où des religions pregnantes interdisent le suicide ont historiquement sous-déclaré le nombre de suicides ; certains le font encore. Par exemple, une étude récente menée en Iran sur les tentatives de suicide révèle un taux dix fois supérieur à celui du ministère de la Santé. Mais les tendances sont probablement globalement correctes. Les experts estiment généralement que les données s’améliorent plutôt que d’empirer, ce qui (compte tenu des sous-déclarations antérieures) aurait tendance à pousser les taux à la hausse plutôt qu’à la baisse, mais l’inverse se produit. Pourquoi ?


L’une des principales raisons semble être l’amélioration du sort des femmes asiatiques. Dans la plupart des pays, les hommes sont plus susceptibles de se suicider que les femmes et les personnes plus âgées plus que les plus jeunes. Mais en Chine et en Inde, le taux de suicide chez les jeunes femmes a longtemps été exceptionnellement élevé. Cela a changé. Parmi les femmes chinoises dans la vingtaine, ce taux a diminué de neuf dixièmes depuis le milieu des années 90 ; ce groupe représente environ un demi-million de ces 4 millions de vies sauvées.

Selon Jing Jun, professeur à l’Université Ts'inghoua (Tsinghua) de Pékin « L’indépendance des femmes a sauvé beaucoup de femmes ». Dans une étude réalisée en 2002 sur les taux élevés de suicide parmi les jeunes femmes rurales, les deux tiers les tentatives de suicide s'expliqueraient des mariages malheureux, les deux cinquièmes déclarent avoir été battues par leur conjoint et un tiers se plaint d’un conflit avec leur belle-mère. Le professeur Jing explique : « elles se sont mariées dans les familles de leurs maris ; elles ont quitté leur ville natale ; elles déménageaient là où elles ne connaissaient personne. » De nos jours, la pénurie de femmes renforce la valeur et le pouvoir des femmes rurales : dans les villages chinois, parmi les 30 à 34 ans,  on trouve trois hommes célibataires pour chaque femme célibataire. Ajoutons que, plus globalement, les conditions économiques se sont grandement améliorées en Chine depuis quelques décennies.

Il se peut qu’il se passe quelque chose de similaire en Inde. Le taux de suicide chez les jeunes femmes a diminué plus rapidement que chez tout autre groupe depuis 1990 en Inde. En Chine comme en Inde, le taux élevé chez les jeunes femmes était inhabituel haut, mais en Russie, il était élevé chez les hommes d’âge moyen. Ils semblent avoir été les victimes de l’énorme bouleversement social survenu après l’effondrement de l’Union soviétique. Svetlana Alexievitch, une écrivaine récompensée par un prix Nobel, se distingue par son histoire ténébreuse : ses personnages continuent de se tuer eux-mêmes. Épuisé par la faim et la pauvreté, un homme s’est immolé par le feu dans son potager. Un ancien combattant vieillissant a survécu à la Seconde Guerre mondiale, avant de se jeter dans un train en 1992. Un officier qui a pris part à la tentative de coup d’État contre Mikhaïl Gorbatchev en 1991 s’est par la suite pendu au Kremlin. « Tout ce que j’ai considéré jusqu’à présent comme le sens de ma vie est en train d’être détruit », écrit-il dans une note de suicide. L’hyperinflation, la libéralisation forcenée, le dépècement de l’Empire soviétique, la chute des revenus et le chômage endémique dans les premières années de la transition ont laissé de nombreuses personnes dans la misère et le désir. La crise financière de 1998, due au non-remboursement de la dette par le gouvernement russe, a anéanti l’épargne de nombreuses familles. Depuis le début des années 2000, toutefois, les tendances se sont inversées. La Russie de Vladimir Poutine s’est redressée. Le taux de suicide en Russie se situe maintenant à 25, ce qui reste très élevé par rapport aux normes mondiales, mais il a diminué de moitié par rapport à son sommet. La baisse s’est produite de manière disproportionnée chez les hommes d’âge moyen, le groupe qui avait le plus souffert dans les années 90.


En 2016, l'espérance de vie des hommes russes est remontée à 66,5 ans.

Une des principales raisons est probablement que la société s’est rétablie après le bouleversement de l’ère postsoviétique. Selon Olga Kalachnikova, psychologue au département de psychiatrie du suicide et des crises de l’hôpital numéro 20 de la ville de Moscou, « les gens savent maintenant comment se débrouiller et se débrouiller sans l’État ». Depuis 2000, le PIB par habitant a presque doublé. Les salaires ont récupéré leurs pertes des années 1990 et plus. Le chômage est inférieur à 5 %. L’hypothèse socio-économique est renforcée par les taux de suicide relativement élevés observés chez les hommes des zones rurales, qui ont tendance à être moins aisés. Ilnour Aminov, démographe, souligne que près de 40 % de tous les suicides dans sa région d’origine de Bachkirie sont dus à des chômeurs.

Il existe des parallèles entre la montée du suicide dans la Russie postsoviétique et la « mort par désespoir » aux États-Unis identifiée par Anne Case et Sir Angus Deaton, économistes à l’Université de Princeton. Les taux de suicide chez les Blancs américains sont plus élevés et ont augmenté plus rapidement depuis 2000 que chez tout autre groupe, à l’exception des Amérindiens (voir graphique ci-dessous). La même tendance peut être observée chez les personnes d’âge moyen. Au tournant du siècle, les personnes âgées étaient beaucoup plus susceptibles de se tuer que celles âgées de 50 ans, mais ce n’est plus vrai. Les taux parmi les habitants des zones rurales sont plus élevés et ont augmenté plus rapidement que ceux des habitants des villes et des villages.


Anne Case et Angus Deaton au congrès annuel de l’association américaine d’histoire économique, en septembre 2018 à Montréal.

La Grande Récession n’est donc pas responsable de l’augmentation du nombre de « morts par désespoir » dans la population blanche aux États-Unis, précise le Prix Nobel d’économie Angus Deaton. L’« océan de souffrances » et le mal-être, auxquels certains attribuent l’élection de Donald Trump, avaient commencé à sévir bien avant la crise et continueront vraisemblablement de s’aggraver avant que les choses puissent s’améliorer.

Lauréat du prix Nobel d’économie en 2015 pour ses recherches sur la consommation et le bien-être des populations, Angus Deaton a longtemps fait parler de lui dans le grand public pour sa démonstration des spectaculaires progrès socioéconomiques accomplis par l’humanité au cours des derniers siècles aussi bien dans les sociétés riches que dans un grand nombre de pays en développement. Ses recherches avec sa consœur économiste à l’Université Princeton et conjointe dans la vie, Anne Case, les ont toutefois amenés, il y a quelques années, à remarquer un phénomène étonnant et beaucoup moins réjouissant : au lieu de continuer de reculer comme partout ailleurs, le taux de mortalité des Américains blancs s’est soudainement mis à remonter, particulièrement chez les personnes peu scolarisées âgées de 45 à 54 ans.



« Nous commencerons par être sinistres, avant d’être plus sinistres encore », a prévenu d’entrée de jeu Anne Case, au début de leur conférence au congrès annuel de l’association américaine d’histoire économique qui se tenait exceptionnellement à Montréal en septembre 2018. Par hausse du nombre de « morts par désespoir », les deux économistes entendent l’augmentation des décès par surdose, suicide et maladies dues à l’alcool. « Sous ce décompte des cadavres, il y a un océan de souffrances » physiques, comme le stress, l’obésité, les maux de dos chroniques et les maladies liées au tabagisme. Il y a aussi un mal-être qui découle de la précarité économique, l’exclusion du marché du travail, la fragilisation de la famille et la perte de liens sociaux.

Concentré chez les Américains blancs peu scolarisés, le phénomène s’observe à la grandeur des États-Unis, aussi bien dans les campagnes que dans les centres-villes, chez les hommes, mais aussi chez les femmes. Dans certains cas, la situation de ces tranches de la population s’est tellement détériorée que l’avantage dont ont historiquement bénéficié les Blancs sur les Noirs a complètement fondu et que l’espérance de vie dans une grande partie des Appalaches est inférieure à celle du Bangladesh.

Ce phénomène n’est pas uniquement attribuable à la dernière crise financière ni à la Grande Récession qui a suivi, a insisté en entrevue au Devoir Angus Deaton. « Le problème pouvait être observé au début des années 2000 et remontait probablement avant. On parle d’une accumulation de détresse qui se fait sur 30, 40, 50 ans de vie. »

Le phénomène ne peut pas non plus être uniquement attribué à la mondialisation, aux nouvelles technologies ou aux valeurs individualistes prêchées par le capitalisme, poursuit l’économiste. « Ces facteurs touchent aussi les autres pays et pourtant on n’y a pas vu de rebond du nombre de morts par désespoir. Non. C’est un mal américain principalement lié à des choix politiques. »

Les politiques sociales peuvent atténuer les effets de la récession alors que les corps sociaux intermédiaires (la famille élargie, l’église) sont en déclin rapide. Selon les recherches de David Stuckler de l’Université Bocconi de Milan, le nombre de suicides n’a pas augmenté en Suède, que ce soit durant la récession de 1991-1992 ou après 2007. M. Stuckler attribue cela en partie à l’amélioration des services de santé accessibles à tous et aux efforts du gouvernement pour ramener les gens au travail. Une étude menée dans 26 pays européens a montré que les taux de suicide étaient inversement corrélés aux dépenses consacrées aux politiques actives du marché du travail. Les observateurs japonais de suicides attribuent ce recul en partie au succès des Abenomics dans la réduction du chômage. Pour Michiko Ueda de l’Université Waseda, l’économie est la « première raison » du recul du suicide. L’alcool est également clairement lié au suicide. Au moins dans les cultures de « consommation à sec », comme la Russie, l’est du pays. L’Europe et la Scandinavie, où les gens boivent pour se saouler, mais pas dans des endroits où l’on boit bien, comme le sud et le centre de l’Europe, où l’on boit en société pendant un repas. En Russie, l’alcool et le suicide ont augmenté et diminué en même temps. La consommation d’alcool a diminué de moitié entre 2003 et 2016 ; à ce moment-là, les Russes buvaient moins par tête que les Français ou les Allemands. Alors que les Russes adoptent des modes de vie plus sains, la part du marché de la bière augmente et celle des spiritueux est en baisse.

Suicide et alcool semblent aller de pair, mais les deux pourraient être l’effet de la turbulence sociale. Les preuves antérieures à l’effondrement de l’Union soviétique suggèrent toutefois que, dans une certaine mesure du moins, l’alcool mène au suicide. En 1985, M. Gorbatchev a imposé des règles strictes à la production et à la distribution d’alcool. Les ventes de vodka ont diminué de moitié entre 1984 et 1986. Au cours de cette période, le taux de suicide chez les hommes a diminué de 41 % et le taux chez les femmes de 24 %. Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, le monopole de l’État sur l’alcool a été aboli et la réglementation a été abolie. La consommation d’alcool et le suicide ont tous deux augmenté.

L’intervention de l’État est probablement en partie responsable de la récente chute du suicide. En 2006, de nouvelles règles sur la production et la distribution d’alcool ont fait monter les prix. L’analyse statistique suggère que ces restrictions ont entraîné une baisse de 9 % du nombre de suicides chez les hommes, ce qui a permis de sauver 4 000 vies par an. Une politique similaire en Slovénie en 2003 a entraîné une baisse de 10 %.

L’amélioration de la vie des personnes âgées aurait également contribué à réduire les taux de suicide. Globalement, le taux chez les personnes âgées a tendance à être plus élevé que chez les jeunes et les personnes d’âge moyen, mais il a également diminué plus rapidement dans la plupart des pays.

L’une des raisons pourrait en être que, comme le souligne Diego de Leo, ancien directeur de l’Institut australien de prévention et de recherche du suicide, les taux de pauvreté dans le monde parmi les personnes âgées (le plus souvent le groupe le plus pauvre de la société) ont diminué plus rapidement que ceux d’autres tranches d’âge. De meilleurs services de santé, utilisés par les personnes âgées plus que par les jeunes, peuvent être une autre raison. Une maladie de longue durée est un motif courant de suicide et les efforts visant à soulager la douleur des patients peuvent faire toute la différence. Le système britannique de soins palliatifs, considéré comme le meilleur au monde, contribue à expliquer une baisse remarquable du taux de suicide chez les personnes âgées.

Les soins à domicile peuvent également rendre l’espoir aux personnes âgées. Les enfants italiens sont réticents à confier leurs parents chez des personnes âgées, mais ils n’ont souvent ni le temps ni la volonté de s’occuper eux-mêmes des personnes âgées. Les prestataires de soins à domicile y ont apporté « une amélioration considérable ».

Les gens ont tendance à croire que ceux qui ont l’intention de se tuer risquent fort de finir par le faire. Une enquête réalisée par Matthew Miller de l’Université Harvard a révélé que 34 % des personnes interrogées pensaient que toutes les personnes ayant sauté du Golden Gate Bridge avaient fini par trouver un autre moyen de se suicider si un obstacle les avait arrêtées ; 40 % pensaient en outre que la plupart de ces suicidaires avaient finalement mis fin à leur vie. Mais une étude portant sur 515 personnes ayant survécu au saut de pont entre 1937 et 1971 a montré que 94 % d’entre elles étaient encore en vie lorsque l’étude a été réalisée en 1978, ce qui suggère que le suicide est souvent une impulsion éphémère plutôt qu’une intention bien établie sur le long terme.

La Grande-Bretagne dans les années 1960 illustre parfaitement ce qui peut arriver si l’accès à un moyen facile de se tuer vient à disparaître. Lorsque le pays est passé du gaz de charbon toxique — le moyen de suicide préféré alors des femmes et des hommes âgés — au gaz inoffensif de la mer du Nord, les taux de suicide parmi ces groupes se sont effondrés. À l’époque, les taux étaient en hausse chez les jeunes hommes, ce qui conforte l’idée que le changement de type de gaz a bien joué un rôle.

C’était la conséquence fortuite d’une découverte de gisements de gaz naturel, mais une politique délibérée peut également jouer un rôle dans la restriction à l’accès à des moyens de suicide. Une série d’interdictions au Sri Lanka — la plus récente en 2008-2011 concernant le paraquat (un pesticide ayant un effet herbicide) — a permis de ramener le taux de 45 au début des années 90 à 20 aujourd’hui. Lorsque la Corée du Sud a interdit le paraquat en 2011, on estime que la réduction du nombre de décès par suicide a contribué pour moitié à la baisse globale du nombre de suicides au cours des deux prochaines années. Le paraquat est maintenant interdit dans l’UE ; La Chine a dit qu’elle l’interdirait, sa distribution est restreinte en Amérique ; mais dans de nombreuses régions du monde, il reste librement disponible.

En Europe occidentale, où les pesticides ne constituent plus un risque sérieux, l’accent a été mis sur la limitation de l’accès aux pilules dangereuses. En Grande-Bretagne, par exemple, une loi a été adoptée en 1998 pour limiter le nombre d’aspirines et de paracétamol pouvant être vendu dans un seul emballage. L’année suivante, les suicides liés à l’aspirine ont diminué de 46 % et ceux au paracétamol de 22 %.

Le principal moyen de suicide en Amérique est les armes à feu. Ils représentent la moitié des suicides, et les suicides représentent plus de décès par arme à feu que les homicides. Les armes à feu sont plus efficaces que les pilules, de sorte que les personnes qui se tirent impulsivement risquent davantage de se retrouver à la morgue qu’à l’urgence. Selon Matthew Miller, de l’Université de Harvard, les niveaux de possession d’armes à feu expliquent en grande partie la variation des taux de suicide, allant de 26 sur 100 000 dans le Montana à cinq à Washington, DC pour certains, si les États-Unis abandonnaient leurs armes, le nombre de suicides dégringolerait.

Sources : Le Devoir, The Economist, statistiques du CDCP

Voir aussi

Québec — Premier pour le suicide des hommes au Canada

À la lumière de six études Remafedi trouve que le suicide chez les jeunes homosexuels s'explique peu par l'homophobie, mais davantage par la prostitution, la famille désunie, l'agression sexuelle en bas âge, les peines d'amour et l'étiquetage prématuré de l'orientation sexuelle.

Brésil — Nomination d'un ministre de l'Éducation conservateur

Le nouveau président du Brésil, Jair Bolsonaro, qui prendra fonction en janvier 2019, a dévoilé le nom du nouveau ministre de l’Éducation du Brésil. Il s’agit d’un philosophe et théologien colombien connu pour ses vues conservatrices.

Favorable aux religieux conservateurs, le futur ministre de l’Éducation est actuellement professeur émérite à l’École de l’état-major de l’armée. Colombien, naturalisé Brésilien il y a plus de 20 ans, Ricardo Vélez Rodriguez est connu pour son opposition à la théorie des genres, il est contre l’éducation sexuelle à l’école — à l’image de Jair Bolsonaro.

Très proche des intellectuels brésiliens de droite, il ne cache pas une certaine nostalgie pour le régime militaire qui a dirigé le pays de 1964 à 1985. Ricardo Vélez Rodriguez compte mettre « les valeurs traditionnelles, de la préservation de la famille, la protection de la vie » au centre de l’éducation. Elles doivent, selon lui « prévaloir pour ce qui est de l’éducation morale, sexuelle et religieuse ». Il a publié plusieurs livres qui s’attaquaient à la corruption de l’ancien parti travailliste au pouvoir du temps de Lula et de Roussef.

(Vidéo en portugais : « En premier lieu, que l’on se débarrasse tous les déchets marxistes qui ont repris les propositions éducatives de nombreux fonctionnaires du ministère de l’Éducation. »)

Sa nomination est aussi le résultat des pressions du groupe parlementaire évangélique, le plus puissant désormais au Congrès. Leur influence sur le président élu ne cesse de grandir.

Selon le journal Estadão, Ricardo Vélez Rodriguez a écrit qu’il est nécessaire de « refonder » le ministère de l’Éducation dans le « contexte de valorisation de l’éducation pour la vie et la citoyenneté des municipalités », dans la ligne droite du slogan Jair Bolsonaro « Davantage de Brésil, moins de Brasilia ». Il a également déclaré que Bolsonaro avait gagné parce qu’il exprimait le mécontentement de tous les Brésiliens contre les gouvernements du Parti travailliste.

Le ministre désigné dénonce également l’examen national de l’enseignement secondaire (Enem) comme un « instrument d’idéologisation ».

Sur l’éducation, Vélez Rodríguez a soutenu des projets comme l'École sans parti (Escola sem Partido – ESP). Le mouvement École sans parti (Escola sem Partido – ESP) se présente comme une « initiative conjointe d’élèves et de parents préoccupés par le degré de contamination politico-idéologique des écoles brésiliennes à tous les niveaux : du primaire au supérieur. » Fondé en 2004 par l’avocat Miguel Nagib, ESP est resté dans l’ombre jusqu’au début des années 2010 lorsque le mouvement s’est imposé comme une voix incontournable des débats sur l’éducation au Brésil. L’émergence d’ESP dans le débat public est contemporaine de l’apparition d’une nouvelle thématique dans le discours conservateur, la lutte contre « l’idéologie du genre », alors qu’auparavant la cible était la « doctrine marxiste ». La question du genre, qui avait fait son entrée dans les écoles avec les combats contre l’homophobie et le sexisme, est devenue un sujet majeur pour les groupes religieux conservateurs. ESP se positionne ainsi sur un terrain en apparence « moral » (par opposition au « politique ») pour relancer le débat sur le rôle de l’école et de la famille dans l’éducation des enfants.


Le futur ministre brésilien de l’Éducation a déclaré sur son carnet que les Brésiliens sont « otages d’un système d’éducation étranger à leur vie et à l’écoute de la tentative d’imposer à la société un endoctrinement ancré dans l’idéologie marxiste [...] telle que l’éducation sexuelle. » Pour Vélez Rodríguez, l’éducation actuelle serait « destinée à démanteler les valeurs traditionnelles de notre société, en ce qui concerne la préservation de la vie, de la famille, de la religion, de la citoyenneté. En somme, du patriotisme ».

Le philosophe s’oppose aux quotas raciaux, y compris à l’université. Vélez Rodríguez les considère comme des « palliatifs qui font avancer l’exclusion ».


Source : RFI, Estadão.