mercredi 8 avril 2015

Humour — Guy Nantel à la manifestation étudiante



L’avis du journaliste québéco-congolais François Bugingo sur ce micro-trottoir.
Avez-vous la vidéo du micro-trottoir réalisé par Guy Nantel au milieu des manifestants ? Par honnêteté intellectuelle, l’humoriste nous avertit à la fin du film qu’il n’a retenu (pour l’effet comique) que les réponses les plus absurdes. Certes ! Mais ce qu’il révèle est particulièrement troublant.

Je me suis demandé si je devenais un vieux réac qui va désormais passer son temps à regretter l’époque passée. J’ai eu peur d’être en train de perdre mon sens de l’humour. Puis, j’ai visionné encore et encore le court film pour en saisir ce qui me troublait vraiment. Et j’ai compris...

Plus que l’ignorance démontrée par les jeunes interviewés par Guy Nantel, c’est la désinvolture avec laquelle ils assument leurs lacunes qui choque. Pas grave. Pas important de connaître. Pas nécessaire d’être instruit pour mener la “révolution”. Car c’est de cela qu’il s’agit après tout. Une révolution pour le bien de ces masses amorphes qui ne comprennent décidément rien.

Bien sûr, se garder de la généralisation. Mais quand même, de l’aveu de Guy Nantel lui-même, la statistique frappe : 13 sur 15 des jeunes interrogés au hasard démontrent des lacunes de connaissance abyssales.

Bien entendu, se garder de moraliser. N’empêche, on a l’impression d’un vrai gâchis que cette jeunesse assumant avec le sourire son ignorance. Je ne m’exprime pas ici sur la pertinence ou la justesse du mouvement social en lui-même. En même temps, je me demande si, avant de mener une bataille sur l’économie du savoir, les manifestants ne devraient pas d’abord s’investir dans celle de l’effort d’apprentissage. La notion de l’effort qui a foutu le camp. Car, croit-on, mal pris, la technologie palliera. Prof d’histoire, je ne connais même pas les origines de Montréal ? C’est quoi le problème, au moment requis, je ferais un tour sur google et j’aurais la réponse. Futur administrateur ou comptable, je ne suis pas capable de résoudre une fraction simplissime ? Une calculatrice s’en chargera. Futurs leaders de la société massacrant allégrement la langue française ? Qu’importe, le sourire les rend si attachants.

J’ai beau vouloir me garder des jugements lapidaires, je ne peux m’empêcher y voir un renversement de la notion du droit à l’éducation dont on a retiré tout élément de conscience de privilège pour n’en garder que la dimension de tout m’est dû.

Je pense alors à la petite Malala Yousafzai qui a failli payer de sa vie son amour de l’école au Pakistan. Je pense aux jeunes étudiants de Garissa au Kenya qui ont été massacrés pour être allés à l’école [surtout être chrétiens, les étudiants musulmans ont été séparés et épargnés]. Je pense aux enfants du Nigeria, de l’Afghanistan, de l’Inde qui risquent tout pour s’approcher de l’apprentissage. On en est loin, je sais.

Mais que l’on méprise la connaissance pour des motifs religieux, idéologiques ou de paresse, le résultat demeure le même, la lumière recule et la noirceur s’étend.

C’est pour cela que je n’ai pas cœur à rire sur ce film de Guy Nantel. Ce n’est pas ce dernier qui est en cause. C’est ce qu’il révèle qui me fait peur.




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