lundi 14 mai 2012

Joseph Facal et « nos valeurs » québécoises

L'ancien ministre Joseph Facal revient sur la scie de « nos valeurs » québécoises :
« Une niaiserie particulièrement tenace est que le carré rouge serait un signe de fidélité aux valeurs social-démocrates qui distingueraient le Québec. Des jeunes me le soutenaient avec acharnement l’autre jour. Leur fière ignorance, combinée à la certitude d’avoir raison dont on peut être capable à cet âge, rendaient futile tout dialogue. La social-démocratie n’est pas une invention québécoise, même pas en Amérique du Nord. On tend à oublier ces temps-ci qu’il existe un autre Canada que celui de Stephen Harper. Plusieurs provinces sont ou ont été dirigées par des gouvernements néo-démocrates ou libéraux de centre-gauche. On y a haussé régulièrement les droits de scolarité pour tenir compte du fait que les coûts de fonctionnement des universités augmentaient eux aussi. Dans ces provinces, les jeunes fréquentent plus les universités qu’au Québec, un fait massif qui ne semble plus avoir la moindre importance dans le débat actuel. Ailleurs au Canada, on ne s’est pas non plus laisser enfermer dans le faux débat qui nous divise : l’éducation universitaire est-elle un droit ou un investissement sur soi ? On a compris qu’elle est les deux. Remarquez, c’est aussi ce qu’ont compris les étudiants restés en classe. Ce n’est pas un hasard si les facultés universitaires qui ne sont pas en grève sont celles qui offrent les formations avec les meilleurs débouchés et les meilleurs revenus. C’est en Europe que la social-démocratie a les racines les plus profondes. La Grande-Bretagne, par exemple, a fréquemment été gouvernée par les travaillistes. Tony Blair, après des décennies d’immobilisme national sur cette question, a bien dû se rendre à l’évidence : la qualité, ça se paie, et il a haussé les droits universitaires. 
En France, berceau de l’idée d’égalité, les universités sont, pour ainsi dire, gratuites. Mais il faut n’y avoir jamais mis les pieds pour proposer ce système en exemple. Les universités françaises tombent en ruines pour cause de sous-financement. Les gouvernements, de gauche comme de droite, n’ont rien fait de sérieux pour stopper ce déclin. Résultat : un réseau parallèle de grandes écoles hyper-sélectives et très chères s’est développé. La demande pour de la qualité a généré une offre pour y répondre. En Norvège, il n’y a pas de droits de scolarité universitaires. Mais ce pays a choisi d’exploiter le pétrole qu’il possède, ce qui l’a fabuleusement enrichi. Au Québec, ceux qui prônent le gel ou la gratuité universitaire sont souvent les mêmes qui s’opposent à l’exploitation de nos richesses naturelles. En Suède, bastion historique de la social-démocratie, il n’y a non plus de droits de scolarité universitaires. Mais cette « gratuité » est une illusion d’optique. Le taux moyen d’imposition sur les revenus des particuliers est de 58 % et la taxe de vente y est de 25 %. Nos valeureux « progressistes » locaux proposent-ils d’introduire cela ici ? Si la réponse est non, mais qu’on persiste à revendiquer la gratuité ou le gel, ce n’est pas la social-démocratie qu’on veut : c’est le beurre, l’argent du beurre et la fille du marchand de beurre. Quand l’ignorance et la démagogie se drapent dans les « principes », la réalité objective n’a plus la moindre importance. »





Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, démissionne, retour de Michelle Courchesne

Mme Line Beauchamp démissionne de ses postes de ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport et de vice-première ministre. Elle quitte aussi ses fonctions de députée. Line Beauchamp est entrée en politique en 1998.

Line Beauchamp (à gauche) et le premier Ministre Jean Charest
M. Charest a fait un long éloge de Mme Line Beauchamp où il a salué celle qui a travaillé à ses côtés pendant une dizaine d'années. « Ma chère Line, je veux saluer ta patience, ton courage, et ta très grande détermination », a-t-il dit. « J'ai tenté de te retenir », a-t-il ajouté, évoquant un « sacrifice ».

Mme Line Beauchamp explique qu'elle espère que son départ débloquera la situation dans le dossier du boycott des étudiants, que cette démission agira comme « un électrochoc ». L'équipe qu'elle laisse derrière continuerait avec la même détermination. Elle espère que les deux côtés soient plus ouverts au compromis. Pour l'ancienne ministre, les grands perdants actuellement sont les étudiants qui veulent étudier et ne peuvent le faire car on leur empêche l'entrée des classes. En tant que démocrate, elle s'est dite choquée de se faire dire par les représentants des étudiants qu'ils ne faisaient pas confiance dans les représentants du peuple. Elle a également rapporté les nombreuses déceptions suscitées par les fédérations étudiantes qui ne respectaient pas leur parole et lui avaient fait faux bond quand elles avaient promis de la recontacter.

M. Charest répète qu'il s'agit d'une décision personnelle de Mme  Beauchamp et à son initiative. M. Charest se dit attristé de cette décision et qu'il a tenté de la retenir. « Tout ce que Line a fait, elle l'a fait avec le soutien de ses collègues », a-t-il ajouté. M. Charest ne veut pas répondre à la question d'une journaliste qui lui suggère qu'il s'agit là d'un constat d'échec. Le premier Ministre se dit très déterminé dans ce dossier, cette politique étant cruciale pour l'avenir du Québec. Le premier ministre a rappelé qu'il avait écouté et que le gouvernement avait modifié sa position (hausse sur 7 ans plutôt que 5, remboursement selon la capacité de payer, amélioration du programme de bourses), mais que cette attitude ouverte n'était pas partagée par les fédérations étudiantes.

Michelle Courchesne succède à Line Beauchamp comme ministre de l'Éducation, elle revient à son ancien poste. Lire notre bilan sur ses trois ans de ministre de l'Éducation. Elle a montré assez de surdité envers les parents opposés à l'imposition d'ECR, voyons si ce trait de caractère volontaire servira pour mettre en place une autre politique envers les étudiants contestataires.









Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

ECR — Appel de la cause Loyola, les trois juges en délibéré

Dura lex, sed lex
Le bâtiment de la Cour d’appel du Québec est un bâtiment néo-classique à l’élégance sévère. Sa façade est composée de quatorze colonnes de style dorique en granit. Gravissant les degrés de l’escalier, le visiteur traverse d’abord l’hémicycle du porche dans l’œuvre où trônent deux grandes torchères de bronze puis les deux lourds vantaux du portail couverts de bas-reliefs allégoriques représentant la justice, le châtiment et la vérité. En haut d’un des battants, la maxime gravée « Dura lex, sed lex ».

Le contrôle de sécurité se situe à l’entrée de la salle des pas perdus. Cette grande bâtisse est quasi vide en cette matinée printanière enfin clémente. On croise quelques avocats qui se précipitent vers leur vestiaire pour y revêtir leur toge et achever leurs derniers préparatifs. Des parents commencent à arriver et à se rassembler devant la salle d’audience où trois juges entendront l’affaire du collège Loyola. Il est 9 h 30, on ouvre les portes.

Le bas de la salle est couvert de lambris, au fond le banc des juges et derrière celui-ci un panneau de bois qui devait accueillir un grand portait désormais absent et puis, bien haut, les armoiries du Royaume-Uni supportées à dextre par un léopard et à senestre par une licorne au pied desquels on peut lire « Dieu et mon droit ». La salle est éclairée par un grand plafonnier d’albâtre en forme de vasque parcourue de veines brunes ainsi que des appliques dans ce même style Art déco.

La salle des pas perdus

Les procureurs s’installent à l’avant de la salle d’audience : d'un côté, Me Benoît Boucher et une assistante qui restera silencieuse tout au long de l’audience représentent le ministère de l’Éducation, de l’autre côté, Me Jacques Darche et Me Mark Phillips pour le collège Loyola. Derrière les avocats quelques travées de bancs occupées par l’assistance, une quinzaine de personnes. Du côté du gouvernement, quelques personnes seulement dont M. Jacques Pettigrew, le responsable du programme ECR au MELS, en face, derrière les avocats de l'école, deux jésuites du collège, plusieurs membres de la famille Zucchi dont un des garçons était inscrit à Loyola et le directeur de l’école, Paul Donovan, ainsi qu’une petite demi-douzaine d’autres personnes. Aucun journaliste apparemment.

Les trois juges font leur entrée. La salle se lève. Les magistrats s’asseyent. Au centre, le juge qui mènera les débats : le juge Allan Hilton, un sexagénaire à la mince chevelure blanche, à sa droite le juvénile Richard Wagner aux cheveux châtain et à sa gauche Jacques Fournier, un quinquagénaire, dont la nomination récente avait été qualifiée d’« incompréhensible » par Yves Boisvert, le chroniqueur judiciaire de La Presse.

La plaidoirie du Monopole de l’Éducation

Le procureur Me Boucher, personnage sec aux cheveux poivre et sel, prend la parole. Il veut faire renverser la décision du juge de première instance, Gérard Dugré, qui avait vu la victoire du collège Loyola : le gouvernement aurait dû considérer le cours de religions du monde que cette école donne depuis de nombreuses années comme équivalent au programme ECR. Le juge Dugré avait également déclaré que, sur un plan constitutionnel, en imposant un cours non confessionnel le Ministère violait la liberté de religion de Loyola, qui est protégée par les Chartes des droits et libertés du Canada et du Québec.