mercredi 7 septembre 2011

Les jeunes ados sont-ils moins doués aujourd'hui pour le travail manuel ?

« Ils ne savent pas comment se servir d'un outil correctement » de déclarer Barry Smith, directeur d'une société de couvreurs de Toronto. « Ce sont des jeunes intelligents, mais ils tiennent le marteau en haut au lieu d'en bas, ils doivent donc donner quatre coups au lieu d'un seul pour enfoncer un clou. Ils ne savent pas à quoi correspondent les petites lignes sur un mètre et ils n'ont jamais utilisé d'outils électriques, ce qui vous rend très prudents.  »


Les cours d'enseignement dans un métier comme la menuiserie ou l'électricité ne sont plus qu'un lointain souvenir dans la plupart des écoles canadiennes, le résultat de craintes d'être poursuivi en justice pour responsabilité civile, de compressions budgétaires et d'une obsession pour les matières intellectuelles.

Mais, même dans les écoles professionnelles où les classes de métier survivent, une baisse des compétences manuelles et techniques semble évidente. Un enseignant en mécanique interrogé par Maclean's a affirmé qu'il enseignait désormais aux élèves de 12e année ce qu'il enseignait aux élèves de 9e année il y a dix ans. « Nous démontions alors une transmission, maintenant je leur apprends ce que c'est en théorie. » Singulièrement, la plupart de ses élèves de 11e  année arrivent en ne sachant pas dans quel sens il faut tourner un tournevis.

S'il met un écrou à filetage inversé, c'est-à-dire dans le sens contraire aux aiguilles d'une montre, ses élèves ont du mal à conceptualiser le fait qu'il faille tourner le tournevis dans le sens inverse.

Parmi les raisons avancées par Maclean's pour expliquer ce manque d'habiletés manuelles : le manque de pratique à la maison.

À la maison, les jeunes ne passent plus leur temps libre à démonter et remonter des gadgets, à construire des modèles réduits d'avion ou de à réparer de vieux appareils avec leur père. Il est devenu difficile de bricoler sa voiture, tellement informatisée désormais que même si on le voulait on ne pourrait pas la rafistoler. Un sondage de 2009 a révélé qu'un tiers des adolescents passe zéro heure par semaine à faire du travail manuel ; la même proportion que leurs parents. Au lieu de cela, selon une étude, les enfants âgés de huit à dix-huit ans passent 53 heures par semaine à se divertir à regarder des vidéos ou avec des jeux électroniques.

Qu'en est-il des nouveaux apprentis ? Ils s'inscrivent pour ensuite décrocher. En fonction de la province et du métier, quelque 40 à 75 pour cent des apprentis décrochent avant la fin de leur programme scolaire.

« Les jeunes de la campagne n'ont pas peur de mettre les mains dans le cambouis et de se salir. Ils parviennent à effectuer tout seuls les réparations de base. Et, quand vous avez à nourrir les poules et traire les vaches tous les jours, vous apprenez à arriver au travail à temps. » Les jeunes qui n'ont pas eu d'expérience pratique ne pouvaient saisir les rudiments de la mécanique, ils ne pouvaient pas résoudre des problèmes simples. Pire, ils n'avaient pas la même conscience professionnelle, ce qui les rendait trop difficiles à former.

L'ergothérapeute Stacy Kramer, directrice clinique de Hands Skills for Children de Toronto, propose une explication. Tout commence avec les bébés qu'on ne met plus autant par terre qui rampent moins et qui développent moins leur coordination manuelle. Puis vient la litanie des gadgets à bouton-poussoir qui n'exercent pas toute la main. Cela mène à des difficultés de coordination entre la main et le cerveau, comme la tenue d'un crayon ou de l'utilisation de ciseaux en maternelle dont se plaignent de plus en plus de puéricultrices. « Il nous arrive d'avoir des jeunes de 13 ans qui sont incapables de lacer leurs chaussures ou de boutonner leur vêtement » de constater Mme Kramer. « Les parents évitent ces difficultés en achetant des chaussures qui se ferment au velcro ou des T-shirts. »

Comme on pouvait s'y attendre, ces changements dans les compétences manuelles des jeunes ont un impact sur les industries qui dépendent d'une main-d'œuvre douée en mécanique. Après que le Laboratoire de propulsion à réaction de la NASA ait remarqué que ses jeunes ingénieurs ne pouvaient résoudre des problèmes pratiques aussi bien que ses retraités, il a cessé d'embaucher des candidats qui n'avaient pas bricolé dans leur jeunesse. Lorsque le MIT s'est rendu compte que ses étudiants en génie ne pouvaient plus évaluer par eux-mêmes des solutions aux problèmes posés, mais qu'ils avaient besoin de leurs ordinateurs, le MIT a commencé à ajouter des classes de rattrapage en construction afin de mieux préparer ses futurs diplômés aux véritables emplois disponibles dans le monde réel, comme la conception d'avions et de ponts. Les écoles d'architecture ajoutent également des cours de notions élémentaires. Et pour les écoles techniques ? Les pédagogues chevronnés comme Barry Smith n'ont guère le choix : ils doivent tenter d'inculquer plus de compétences concrètes manuelles chez les nouvelles recrues, erreur de manipulation après erreur de manipulation, afin que la prochaine génération de travailleurs manuels qualifiés sache comment planter un clou.




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