mercredi 16 novembre 2011

Essai sur les méfaits de la télévision

D'après une étude de l'Unesco de 1998, l'écran domine la vie des enfants « dans l'ensemble des zones urbaines et rurales électrifiées à travers le monde ». 88 % des enfants de la planète reconnaissent Terminator, presque la moitié voudrait lui ressembler, mais la plupart sont incapables de citer un seul personnage clé de l'histoire de leur pays.

« Sophie, 2 ans, regarde la télé une heure par jour. Cela double ses chances de présenter des troubles attentionnels en grandissant » affirme Michel Desmurget, docteur en neurosciences et chercheur à l’INSERM dans son ouvrage  TV Lobotomie.

Mais « critiquer la télévision, c’est, en bout de chaîne, éreinter celui qui la regarde. Si vous affirmez "la télé est toxique pour les enfants", la fameuse ménagère de moins de 50 ans traduira "je suis une mauvaise mère et j’éduque mal mes gosses". Ce genre d’idées passe d’autant plus mal qu’une armée d’"éminents spécialistes" s’évertue à saturer l’espace public de propos lénifiants », admet ce chercheur. Cela ne l’a pas empêché, bien au contraire, de publier en février dernier un ouvrage de référence, au terme de quatre ans de recherche. Cet ouvrage repose sur des centaines d’études scientifiques publiées dans le monde au sujet des effets de la télévision sur l’intelligence et la santé.

L’ouvrage est doté d’un appareil critique très complet composé de 1193 notes très exactement... Toute affirmation repose sur des études scientifiques dont les références exactes sont données en annexe pour que chacun puisse vérifier par soi-même. « Cette dénonciation de la nocivité de la télévision est ‘tellement difficile à entendre’ qu’il fallait donner les notes et références scientifiques », explique le Dr Desmurget.
Les enfants regardent la télévision en moyenne près de 15 heures par semaine y compris pendant les vacances scolaires, soit 780 heures par an (Statistique Canada, 2001.) C'est à peine moins que les 846 heures prescrites par an aux écoliers du primaire et les 900 heures aux élèves du secondaire du Québec.
Ce bilan scientifique serait, selon l'auteur, effrayant. Plus on regarde la télévision, plus on a regardé la télévision, plus on l’a fait jeune, plus on augmente toutes choses égales par ailleurs les probabilités d’événements défavorables pour soi-même à tous les âges de la vie. De fait, pour croire aux résultats cités de cette étude, il faut fondamentalement être accessible à la pensée statistique.

Pour lui, « le poste est un voleur de temps. Il est aussi une cause d’isolement social, une source de paresse intellectuelle, un agent de stérilité cognitive et un vecteur de déstructuration psychique ». Savez-vous qu’« un écolier du primaire passe, tous les ans, plus de temps devant le tube cathodique que face à son instituteur (956 heures contre 864 en France) » et que cela représente 75 % de son temps libre ?


De fait, la liste des effets nocifs de la télévision est assez impressionnante. Citons en quelques-uns, en développant ceux qui concernent l’éducation et la famille :

—  Des études montrent que même à l'âge précoce de 0 à 3 ans, le simple fait d’avoir la télévision allumée dans une pièce sans la regarder aurait des effets sur le développement intellectuel. La raison profonde de cette déficience en matière de maturation de l’intelligence ne serait pas liée à la qualité déficiente (ou non) des programmes, mais à la nature non interactive de la télévision.

— La télévision « empêche le déploiement optimal des fonctions cérébrales », compromettant ainsi « l’ensemble du devenir intellectuel, culturel, scolaire et professionnel de l’enfant ».

— La télévision fait apparaître des troubles du langage chez l’enfant, associés à des troubles de l’élocution, notamment parce qu’elle limite les interactions entre les personnes réelles et laisse moins de temps aux activités ludiques spontanées.

— La télévision occasionne des retards de langage et fait baisser le niveau de compétence langagière, elle limite l’acquisition de vocabulaire et l’accès aux compétences syntaxiques de base.

— La télévision a un « impact négatif sur l’attention, les facultés d’apprentissage et la réussite scolaire à long terme ». Avec un risque accru de quitter l’école sans diplôme et de ne jamais s’asseoir sur les bancs de l’université. Voir la troublante courbe historique des résultats obtenus aux tests d’admission dans les universités américaines, corrélés avec un retard d’une vingtaine d’années avec la pénétration de la télévision dans les foyers  (p. 92).

— La télévision occasionne des difficultés en lecture, et fait baisser le temps de lecture, qui se trouve réduit à la portion congrue ; ainsi, un flux cathodique permanent (la télévision en bruit de fond) diminue de presque 30 % le temps de lecture des 5-6 ans, qui passe de 49 à 35 minutes quotidiennes en moyenne.

— La télévision fait baisser le niveau scolaire général, en français comme en mathématiques et, par manque d’interaction, n’aide en rien à apprendre les langues étrangères.

— La télévision fait baisser le niveau universitaire. Un seul exemple : « Jean aimerait obtenir un MBA. Il est sur la liste d’attente d’un établissement prestigieux et sent "les pieds [sic] de Damoclès au-dessus de sa tête". » L’étudiant soumis depuis la petite enfance à une forte exposition à la télévision souffre de très graves lacunes en orthographe, en conjugaison, en syntaxe, en vocabulaire, il manque de logique, de capacités analytiques et d’esprit de synthèse – tout cela lui interdit tout accès à des savoirs complexes.

— La télévision, « troisième parent cathodique », réduit de manière draconienne « le volume et la qualité des interactions parents-enfants », mutilant ainsi la sociabilité intrafamiliale.

— La télévision castre l’imaginaire enfantin ; les enfants rejouent les scripts des films et des séries et n’inventent plus de jeux.

— La télévision augmente la consommation de tabac et d’alcool et la fait commencer plus tôt.

— La télévision pousse au sexe de plus en plus jeune et génère des taux élevés d’avortements chez les adolescentes (cf. une étude qui porte spécifiquement sur l’addiction à la série mythique « Beautés désespérées », « Desperate housewives » en... France) et démontre qu’elle multiplie par trois le risque de grossesses non désirées chez les adolescentes.)

— La télévision accélère le déclin du niveau cognitif des vieillards et accroît les maladies d’Alzheimer.

— La télévision constitue une addiction psychologique chez les enfants et les adultes, notamment en accaparant l’attention par le changement perpétuel.

— La télévision augmente l’obésité. Regarder la télévision plus de 2 heures par jour multiplie le risque de surpoids d’un enfant de 3 ans de 2,6 % ; pour un adolescent, ce risque augmente de 55 %.

— La télévision diminue l’espérance de vie, en ayant une forte influence négative sur les pathologies cardiovasculaires.

— La télévision favorise la violence. Aux États-Unis, 60 % des émissions télévisées contiennent des actes de violence, qui, le plus souvent sont réalistes et n’occasionnent ni remords ni sanction.
« La télévision n'exige du spectateur qu'un acte de courage, mais il est surhumain, c'est de l'éteindre ».

Pascal Brucker, La Tentation de l'innocence, Grasset, Paris, 1995
Dans son ouvrage, Desmurget cite Lamennais qui, il y a deux siècles, écrivait : « l'esprit est appelé de trop de côtés ; il faut lui parler vite ou il passe. Mais il y a des choses qui ne peuvent être dites ni comprises si vite, et ce sont là les plus importantes pour l'homme. Cette accélération du mouvement qui ne permet de rien enchaîner, de rien méditer, suffirait seule pour affaiblir et à la longue détruire entièrement la raison humaine. » Que dirait Lamennais en voyant la télévision d'aujourd'hui ?

Ce qui frappe le lecteur averti est la divergence entre les conclusions que l'auteur de cet ouvrage tire à partir des très nombreuses études tirées essentiellement des revues de médecine, d’épidémiologie et de psychologie et le consensus lénifiant des spécialistes des médias qui insistent plutôt sur les filtres sociaux à la réception et donc sur le côté anodin de tous ces contenus.

Et le Professeur Desmurgets de conclure : après la cigarette ou le resto rapide, nul doute que la télévision sera la prochaine grande question de santé publique. Il donne cinq pistes aux parents responsables : au mieux « zéro télé » pour toute la famille ; sinon, pas de poste dans la chambre des enfants ; pas de télévision avant 6 ans ; moins de 3 heures par semaine devant un écran (télévision ou vidéo) pour les écoliers et les collégiens, et jamais le soir ; et pour les adultes, avoir toujours à l’esprit les risques d’isolement, de maladies, de déclin cognitif…

Si Michel Desmurget a raison et que de nombreuses études scientifiques prouvent l'effet néfaste de la télévision, pourquoi l'État doit-il continuer à la financer à hauteur de plus de 1,1 milliard $ par an au Canada...



Biographie de l'auteur

Michel Desmurget est docteur en neurosciences. Après avoir fréquenté plusieurs grandes universités américaines (MIT, Emory, UCSF), il est aujourd'hui directeur de recherche à l'INSERM. Il est l'auteur de Mad in USA.

TV Lobotomie
par Michel Desmurget
aux éditions Max Milo
dans la collection L'Inconnu
à Paris
paru le 3 février 2011
318 pages
ISBN-10: 2315001455





Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

3 commentaires:

Durandal a dit…

Je n'ai pas de télé chez moi depuis maintenant dix mois et je m'en passe très bien.

Lucie a dit…

Idem pour moi.

Unknown a dit…

moi ça vas faire 12 ans. Mais ça empêche pas que mes enfants sont déficit d'attention car jeunes ils ont eu le merveilleux effet de la télévision sur leur cerveau.

De plus que dire des ordinateurs? mon jeune de 21 est completement accroc a son ordinateur, lorsu'il revient du travail et la fin de semaine il est branché la dessus tout le temps! Comme il me verse un montant pour le loyer, je ne fait que l'avertir gentiment ... Car il est maintenant condidéré comme un locataire.