lundi 15 mars 2010

L’«interculturalisme», ce fantôme

Joseph Facal revient dans un billet sur les différences entre multiculturalisme et interculturalisme.
[D]ans La Presse du 11 juin 2008, le professeur Daniel Weinstock notait que le rapport Bouchard-Taylor était « un argument massue » contre le projet souverainiste, que son interculturalisme était « somme toute assez canadien » et qu’il fallait avoir une «vision caricaturale» du multiculturalisme pour s’imaginer qu’il y avait de grandes différences entre les deux.

J’apprécie la franchise. Posons tout de même respectueusement la question : pourquoi le chat est-il aujourd’hui rebaptisé félin domestique ?

Ces gens se disent aujourd’hui inquiets de la tournure que prend le débat public. Inquiets de quoi au juste ?

Les gouvernements québécois et canadien et les tribunaux sont pourtant de leur côté. Inquiets de trois universitaires et de deux chroniqueurs ?

La vérité est qu’ils sont surtout désarçonnés de voir que le peuple s’obstine à ne pas penser comme eux.






Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

Toujours moins de choix : plus de religion dans les écoles même privées pour le PQ

La Presse canadienne rapporte que, pour le Parti québécois (PQ), il ne devrait donc plus y avoir d'enseignement religieux dans les écoles privées subventionnées.

Dans un entretien à La Presse canadienne, en marge d'un colloque du parti sur la création de richesse, la fin de semaine dernière, il a plaidé pour une école laïque, qu'elle soit publique ou privée. On ne voit pas le rapport avec la création de richesse, au passage.

« L'école devrait être essentiellement un lieu de connaissances ou de compétences. La religion, si elle est présente, devrait être à l'extérieur, très clairement à l'extérieur du corpus d'enseignement, donc du régime pédagogique. Cela est ma première certitude », a-t-il commenté. De quel régime pédagogique M. Curzi veut-il parler ? Les cours confessionnels de religion ne sont pas inclus dans le régime pédagogique québécois... Mais peut-être M. Curzi veut-il parler du cours ECR qui lui est bien imposé à toutes les écoles ?

À l'heure actuelle, le ministère de l'Éducation finance près de 300 écoles primaires et secondaires privées, qui accueillent quelque 125 000 jeunes. La plupart sont officiellement confessionnelles. La majeure partie (60 %) de leur financement est assumée par l'État, qui leur verse au total environ un demi-milliard de $ annuellement.

Or, « est-ce que l'État a à intervenir là? Je ne le crois pas », a ajouté le député de Borduas, qui dit « plaider fermement pour la laïcité de l'État ».

On ne voit pas trop le rapport sauf à adopter une définition de la laïcité comme une opposition à la religion, car ces cours de religion ne sont même pas financés par l'État ! Rappelons que c'est la raison — ou le prétexte comme on voudra — pour laquelle l'État ne paie que 60 % des frais de ces écoles qui doivent appliquer fidèlement le régime pédagogique décidé par le Monopole de l'Éducation. Les 40 % de frais qui ne sont pas couverts par l'État correspondent aux coûts encourus notamment par l'enseignement de matières facultatives comme la religion.

M. Curzi juge que Québec devrait poursuivre sur sa lancée et appliquer aux écoles primaires et secondaires privées subventionnées le même traitement qu'aux services de garde.

La semaine dernière, le ministre de la Famille, Tony Tomassi, annonçait que désormais la religion ne pourrait plus faire partie du programme éducatif des services de garde subventionnés.

Ceux qui ne se conformeront pas à cette directive s'exposent à perdre leur financement public.

« Je ne crois pas que l'école doit être le lieu d'un enseignement religieux », a-t-il ajouté, en faisant de ce principe une question de cohérence quant à l'affirmation du caractère laïque du Québec et de ses institutions publiques.

Ce type d'apprentissage devrait donc être réservé à la sphère de la vie privée, a-t-il plaidé, et non en milieu scolaire : « Dans le fond, la logique est juste là. » Il n'aura pas échappé à M. Curzi qu'il parlait d'écoles privées. Est-il en train de dire que les écoles privées ne font plus partie de la sphère privée ?

On peut donc sans problème, selon lui, tout à fait appliquer ce principe de laïcité au réseau scolaire privé, « tout en respectant le droit de gens ou des communautés à pratiquer leur religion », reconnu dans les Chartes.






Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

Le « scandale des garderies religieuses »

Plusieurs lecteurs de ce carnet nous ont demandé ce que nous pensions du « scandale des garderies religieuses ».

Rappelons les faits :

Le lundi 8 mars, les médias québécois révélaient que des associations dont l'objectif déclaré est de faire la promotion de la religion juive ou musulmane reçoivent des subventions de plusieurs centaines de milliers de dollars.

La garderie Beth Rivkah, que dirige le rabbin ultraorthodoxe Yosef Minkowitz à Montréal, aurait ainsi reçu une subvention gouvernementale totale de 1,3 million de dollars l'an dernier. La page internet de la garderie précisait que sa mission était : « Apprendre la Torah, c'est vivre la Torah. Toutes nos activités journalières sont pénétrées de l'esprit de la Torah et de la tradition juive, exposant ainsi l'enfant vers un riche mélange d'études juives et laïques. » Cette page a été supprimée, mais Google l'a conservée dans son antémémoire.

L'autre cas exposé par l'agence de presse canadienne est celui de la garderie privée Oasis Bout'Chou, gérée par l'Association islamique des projets charitables, qui offre 80 places à 7 $ à Laval. L'Association indique dans le registraire des entreprises que son but est de « propager l'enseignement islamique parmi les musulmans et les non-musulmans ». En entrevue à Radio-Canada, un porte-parole de la garderie Oasis Bout'Chou, Bassam Derbas, a expliqué que le service de garde n'enseigne pas l'islam à proprement dit, mais qu'il propage les valeurs de l'islam sans que l'on ne sache exactement en pratique ce que distinguo signifie pour de jeunes enfants. La garderie subventionnée Maïmonide offre pour sa part une « initiation aux rituels juifs séfarades ». « Tout en développant leur attachement à l'État d'Israël, les enfants vivent au rythme d'un calendrier religieux extrêmement riche et diversifié », indique son site Internet.

Le financement des garderies à 7 $ provient à 82 % du gouvernement du Québec. Le contenu éducatif qu'elles offrent doit respecter un programme éducatif approuvé par le ministère. Eh, oui ! Tout est contrôlé de manière centralisée par le Monopole étatique. Un programme dont les intentions sont claires selon Jean Robitaille, président de l'Association québécoise des CPE (AQCPE), qui rappelle le principe « d'inclusion » auquel ce programme fait référence. Le préambule du programme éducatif des services de garde du Québec indique que ce programme vise à « aider [les enfants] à s'intégrer harmonieusement à la société québécoise en les initiant aux valeurs qui y sont privilégiées : respect de soi [?], des autres et de l'environnement [?], résolution pacifique des conflits, égalité entre les sexes et entre les personnes, acceptation des différences [hmmm], partage et solidarité ».

Mardi matin, le ministre Tomassi déclarait ne voir aucun problème dans le fait que des services de garde financés avec l'argent des contribuables enseignent les rudiments de l'islam, du judaïsme ou du catholicisme aux enfants qui les fréquentent.

« Un service de garde, c'est le prolongement de la vie familiale. Nécessairement, les parents [...] se tournent vers des services de garde qui [...] adoptent les mêmes valeurs qu'ils ont », avait-il déclaré sur les ondes du Réseau de l'information.

Nous sommes assez d'accord avec cela, nous pensons que la cohérence — et les conventions internationales — commandent de considérer également l'école comme un prolongement de la vie familiale, plutôt que de l'inféoder au Monopole de l'Éducation et ses préjugés pédagogiques ou idéologiques.

Radio-Canada a fait grand bruit de cette affaire et demandait « innocemment » sur son site si « cela est réglementaire, à une époque où les écoles, elles, sont déconfessionnalisées ? »

Soumis à une forte pression médiatique et du PQ, mercredi M. Tomassi déclarait que, à l'heure actuelle, les garderies qui offrent de l'enseignement religieux n'agissent pas de façon illégale. Elles sont cependant obligées de respecter le programme éducatif du ministère de la Famille, a-t-il précisé.

Selon le ministre Tomassi, une vingtaine de services de garde de la province seraient touchés par cette mesure. Cela inclurait le Centre de la petite enfance (CPE) Beth Rivkah, fréquenté par la communauté juive de Montréal, mais pas la garderie privée Oasis Bout'Chou, que gère l'Association islamique des projets charitables à Laval.

Comme nous l'avions mentionné la semaine passée, le financement des garderies à 7 $ provient à 82 % du gouvernement du Québec, chaque place quotidienne coûtant donc en réalité 50 $. Des garderies privées non subventionnées font la promotion de leur préférence religieuse en indiquant qu'à défaut de payer 7 $, les parents peuvent obtenir l'équivalent en obtenant le crédit d'impôt offert par Québec.

Mérites d’un (autre) ministre-girouette

La dernière déclaration du ministre Tomassi sous la pression des médias et lobbies laïcistes – y a-t-il d’ailleurs une distance quelconque des médias dans ce débat ? – a au moins eu le mérite de faire comprendre à tous les parents que l’État n’accepte pas que les garderies publiques transmettent leurs valeurs, car enfin dans le cas de la garderie juive les parents sont prévenus et le milieu culturel de ces parents est juif homogène. La question des subventions est en quelque sorte un artifice : des garderies privées confessionnelles sont indirectement subventionnées par des crédits d'impôt.

Autre mérite de cette affaire : montrer que, sur le plan des convictions et la doctrine, le PLQ et le PQ sont aujourd’hui tout aussi étatistes l’un que l’autre dans ce dossier. Dans le cas du PLQ on notera qu’il cède de plus en plus facilement aux premiers cris d’orfraie des laïcistes fort bien relayés par les médias.

« À la maison, je m'ennuie ! À la garderie, je suis content ! »
Affiche soviétique des années 30


Les garderies d’État sont-elles vraiment neutres ?

Il faut aussi se demander s’il est possible de prétendre que des garderies qui doivent appliquer un programme donné prônant des valeurs particulières à forte connotation « humaniste » et « laïque » moderne peuvent être neutres, ne fût-ce qu’en termes philosophiques. Pour un croyant, chasser la spiritualité c’est déjà un acte partisan. Interdire la transmission de ses valeurs à ses enfants pendant de longues heures de garde, ce n’est pas un acte neutre pour ces parents qui y voient plutôt une éducation à l’agnosticisme.

Sortir l’État des garderies

Dans ce débat, il faut à nouveau se demander pourquoi le Québec s’est doté d’un réseau extrêmement coûteux de garderies d’État ?

Est-ce pour limiter le choix des parents en faussant le marché grâce à des subventions massives (42 $ par jour et par enfant) en faveur de ses garderies « laïques » ? Non seulement c’est au désavantage des garderies privées (les parents doivent d’abord y débourser l’argent avant d’être remboursés par des crédits d’impôt), mais aussi d’autres modes de garde plus traditionnels, notamment, par la femme au foyer honnie par les milieux qui se prétendent « progressistes » au Québec.

On sait qu’il s’agit d’un choix idéologique : il s’agit de récompenser les femmes qui retournent au bureau ou à l’atelier, de défavoriser les femmes qui restent au foyer. Il faut se rappeler de la forte opposition de la part de politiciennes féministes aux allocations universelles également accessibles aux femmes qui désirent élever leurs enfants à la maison. En 1982, Claire Bonenfant, présidente du Conseil du statut de la femme nommée par René Lévesque, avait demandé, au sujet d’une politique avec de timides conséquences natalistes : « Cette politique sera-t-elle une politique nataliste déguisée cherchant à nous retourner aux berceaux et aux fourneaux ou bien se présente-t-elle comme une politique de justice sociale ? » La démographie, le bien de l'enfant, la transmission de valeurs n’avaient aucune importance, seule la « justice sociale » importait. Michel David dans le Devoir de ce samedi ne disait rien d’autre en ne parlant que des merveilleuses « possibilités de promotion socioéconomique qu'offrait la disponibilité de services de garde abordables » tout en ignorant l’iniquité même du système.



Aujourd’hui, on prétend que les garderies à 50 $ contribueraient à la hausse de la démographie. Or rien n’est moins sûr : on ne cesse de construire des garderies, mais la natalité s’essouffle et le reste du Canada pourtant dépourvu de garderies subventionnées à 82 % a également connu une augmentation de sa fécondité.

Il existe de nombreuses solutions nettement plus justes et sans doute moins coûteuses que la création d’un énorme réseau de garderies d’État toutes « laïques ». Une solution simple consisterait à considérablement diminuer les impôts des familles et les laisser décider la forme de garde de leurs enfants : dans une garderie, à la maison par leur mère, par des tiers. Mais, comme on le sait, les partisans de la laïcité militante, comme ceux de l'interculturalisme, ne sont pas férus de liberté.

C'est toujours la même bataille pour qui élèvera vraiment les enfants : les parents ou l'État. Il est évident qu’actuellement deux partis, le PLQ et le PQ, pensent que l’État prime et que les parents n’ont plus grand-chose à dire à l’école et, semble-t-il, dans les garderies.

La « diversité » est-elle un bienfait, oui ou non ?

Il y a malheureusement fort à craindre que l’on assiste à une nouvelle crispation sur ce dossier. Selon une étude publiée cette semaine, en 2031 un Montréalais sur trois sera issu d'une minorité visible. Un « formidable défi d'intégration » comme l'écrivait le journaliste du Devoir Michel David ce samedi.

On risque donc d’assister à une répétition de ce qui s’est passé avec le cours d’éthique et de culture religieuse, mais cette fois au niveau des garderies : une forte demande de laïcisme, d’idéologie « ouverte », « interculturelle » et progressiste pour tous, d’étatisation, moins de choix pour le parent québécois de base, le tout pour mieux gérer la « diversité ». La liberté des parents passant par pertes et profits.

Or, il faudrait savoir : cette diversité ethnico-religieuse est-elle une richesse pour le Québec, oui ou non ? Si c’est le cas, pourquoi cette diversité présenterait-elle un « formidable défi d’intégration » qui commencerait dès la garderie ? Pourquoi priver de choix en éducation les Québécois pour accueillir cette richesse que serait la diversité ?

La sourde angoisse de la diversité comme moteur du laïcisme

Si la diversité pose un problème, pourquoi continuer à augmenter celle-ci et accroître le « formidable défi d’intégration » en haussant les quotas d’immigration ? De toute façon, les gens comme Michel David pensent-ils vraiment intégrer les juifs ultraorthodoxes grâce à des garderies laïques ? À quoi pensent-ils intégrer les musulmans qui arrivent de plus en plus nombreux ? Ces musulmans s’intègreront-ils mieux qu’en France grâce à des garderies « laïques » qui existent aussi en France ? Pourquoi alors qu'ils représenteront un poids de plus en plus important de la population montréalaise ? Ou s’agira-t-il à nouveau de culpabiliser les Québécois de souche, de les « intégrer » au multiculturalisme – pardon l’interculturalisme ! – en les privant de choix ?

Les laïcistes n'utilisent-ils pas en quelque sorte l'immigration et la sourde angoisse qu'elle engendre — pardon le formidable défi qu'elle représente ! — pour imposer leur vision étatiste, de plus en plus centralisée, de l'éducation pluraliste et laïque et cela désormais dès la garderie ? Il est coutumier d'accuser les partis d'extrême droite de surfer sur les peurs de l'électorat, on peut se demander si les laïcistes et les multiinterculturalistes ne font pas de même au Québec pour imposer partout, les uns une laïcité stricte, les autres leur programme « pluraliste », mais à chaque fois sans réel débat. Peu importe si, de la sorte, ils briment la liberté des Québécois qui ne partagent pas les préjugés pédagogiques ou philosophiques qu'on cherche à imposer à leurs enfants.






Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)