jeudi 28 janvier 2010

La ministre promet de corriger la réforme pédagogique

Selon Radio-Canada, après plusieurs mois de négociations et de travaux communs, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) et son syndicat d'enseignants, l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal (APPM), viennent de signer une entente pour proposer des changements majeurs dans l'évaluation scolaire.

Dans une lettre adressée à la ministre de l'Éducation, la présidente de la CSDM, Diane de Courcy, et la présidente du syndicat APPM, Nathalie Morel, proposent conjointement un projet de refonte totale de l'évaluation scolaire au primaire et au secondaire.
« Les compétences transversales, l'évaluation actuellement de ça, aussi pertinente pourrait-elle être, ce n'est pas possible, c'est trop compliqué pour le moment. [...] C'est une réforme en profondeur de l'évaluation. »

Diane de Courcy

Selon le texte de l'entente, ce ne sont plus les compétences qui doivent être évaluées, mais les connaissances acquises, et ce, de façon « prioritaire et fondamentale ».

Et les compétences en ECR ?

Que se passera-t-il avec la fameuse compétence centrale du « dialogue » qui doit être mobilisée pour le volet religieux et d'éthique en éthique et culture religieuse (ECR) ? Arrêtera-t-on uniquement l'évaluation de cette compétence du dialogue ou également la fin de l'enseignement de cette notion des plus vagues du « dialogue » ?



Rénouveau pédagogique sans effet bénéfique
« On vient, selon nous, corriger de façon importante un des pans, sinon le plus important, des ratés de cette réforme. [...] Je pense que la CSDM s'est rendue aux arguments des enseignants sur le fait que la réforme n'avait pas diminué le taux de décrochage, pas amélioré la réussite et qu'il fallait donner un coup de barre. »

Nathalie Morel

Abandon de l'évaluation des compétences transversales

Avec cette proposition conjointe, l'évaluation formelle des compétences transversales serait abandonnée et les bulletins scolaires seraient normalisés et chiffrés sur l'ensemble du territoire québécois. Des examens nationaux seraient tenus en toute fin d'année. L'article de Radio-Canada ne précise pas si ceci s'appliquera aux écoles privées, seront-elles soumises obligatoirement à ces examens provinciaux annuels ?

Cette entente intervient juste avant que la ministre commence une tournée de consultation sur de possibles changements en éducation. Or, la CSDM et ses professeurs entendent mettre la pression qu'il faut afin que ces modifications soient notables, sans oser parler officiellement de fin de la réforme scolaire.

Détail des recommandations

Les élèves doivent apprendre une fois pour toutes la syntaxe, l’orthographe, la conjugaison des verbes et les mathématiques plutôt que de réaliser des projets de toutes sortes pour bâtir leurs « compétences » mises de l’avant par la réforme. C’est ce que réclament à la ministre de l’Éducation la Commission scolaire de Montréal et ses profs dans une entente conjointe, une première.

La CSDM et l'alliance ont convenu que :
  • l’acquisition des connaissances constitue la pierre d’assise des apprentissages de ses élèves.

  • l’acquisition des connaissances doit faire l’objet d’une évaluation explicite et continue pour en être témoignée dans le résultat de l’élève.

  • l’acquisition des connaissances doit faire l’objet d’une évaluation explicite et continue pour en être témoignée dans le résultat de l’élève.

Pour la présidente de l'Alliance des professeurs de Montréal, Nathalie Morel :
« En recentrant sur les connaissances, c’est possible qu’on ait un choc. On va peut-être devoir composer avec une chute des notes. Mais collectivement, ça va être quand même un bon coup parce qu’on va arrêter de se conter des histoires. »
Elle ajoute que les examens obligatoires du ministère doivent absolument être simplifiés. : « Ils doivent être beaucoup allégés. En ce moment, ça prend parfois trois semaines pour faire l’examen, qui est étalé sur huit périodes de 75 minutes. Ça n’a pas de bon sens. »

La ministre fait siennes les recommandations de la CDSM et de l'APPM

Le 29 janvier, la ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, annonçait que les recommandations conjointes de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) et l'Alliance des professeurs sur la réforme de l’éducation seront mises en œuvre dans leur totalité.

Malgré les ajustements importants qui seront apportés, il n’y a pas lieu de mettre un frein à la réforme et de faire marche arrière, prévient la ministre de l’Éducation, soulignant que l’approche par compétences demeurait pertinente une fois les connaissances acquises.

Texte de l'entente APPM-CSDM






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Juge américain accorde le statut de réfugiés politiques à des parents-éducateurs persécutés en Allemagne


Hannelore et Uwe Romeike enseignent à leurs enfants.

Dans un cas sans précédent, un juge fédéral d’immigration à Memphis au Tennessee a accordé ce mardi 26 janvier 2010 le statut de réfugiés politiques aux membres de la famille Romeike qui avait fui l’Allemagne pour échapper aux persécutions du gouvernement allemand qui lui reprochait d'éduquer leurs enfants à la maison. Les Romeike ont expliqué à Lawrence O. Burman, juge de l'immigration de Memphis avoir fui Bissingen avec leurs cinq enfants, dans le Bade-Wurtemberg (sud-ouest de l'Allemagne) en août 2008, pour s'installer aux États-Unis, berceau du mouvement de l'instruction à domicile.

Dans sa décision, le juge Lawrence Burman précise qu’« il s’agissait ici de transgressions de droits humains fondamentaux qu’aucun pays n’a le droit d’enfreindre. »

Le juge Burman s’est également dit préoccupé par le fait que, bien que l’Allemagne soit un pays démocratique et un allié des États-Unis, sa politique de persécution des parents qui éduquent leurs enfants à la maison « est particulièrement répugnante pour des Américains. »

La persécution des parents-éducateurs en Allemagne s’est intensifiée ses dernières années à tel point que des familles sont régulièrement mises à l’amende de plusieurs milliers de dollars, menacées d’emprisonnement ou se voient priver de garde de leurs enfants parce qu’ils décident d’éduquer eux-mêmes leurs enfants.

À l'inverse de l'Allemagne, aux États-Unis, l'instruction à la maison est reconnue comme une forme légale d'instruction. L'Allemagne interdit celle-ci en s'inspirant d'une loi promulguée sous le régime d'Adolf Hilter et la justifie aujourd'hui par l'idée qu'il faut éviter l'apparition de « sociétés parallèles ». C'est le seul pays d'Europe occidentale à interdire complètement l'instruction à domicile. Les parents qui instruisent leurs enfants à la maison y sont très majoritairement des Allemands de souche mécontents du niveau scolaire des écoles ou des valeurs morales qui y sont enseignées.

Dans son jugement rendu mardi, le juge Burman a « reconnu que les Allemands qui souhaitent éduquer leurs enfants eux-mêmes sont une minorité sociale persécutée » dans leur pays et a donc tranché en faveur des Romeike, a expliqué Mike Donnelly, l'avocat de la Home School Legal Defense Association qui les représente. « Ce jugement est une humiliation pour l'Allemagne », a estimé Me Donnelly.

Uwe Romeike, le père des cinq enfants, a exprimé sa « gratitude », dans un communiqué. « Nous apprécions la liberté que nous donnent les États-Unis de pouvoir faire classe à nos enfants à la maison. C'est le début d'une nouvelle vie ».

On s'attend désormais à de nouvelles demandes d'asile, d'autant plus que la Cour européenne des droits de l'homme a clairement affirmé le droit de l'Allemagne d'exiger l'inscription dans des écoles contrôlées par l'État (Konrad et autres c. Allemagne, affaire n° 35504/03, 11 septembre 2006)

En France, la liberté des parents d'instruire leurs enfants reste fragile et compromise. Au Québec, le Monopole de l'Éducation serre depuis quelques années la vis en obligeant en pratique les parents-éducateurs à suivre son programme pourtant fortement contesté : les enfants sont convoqués à passer des examens dans l'école la plus proche, on restreint de plus en plus l'accès aux cégeps aux seuls enfants munis d'un diplôme du Monopole et l'on commence à prétendre qu'empêcher les enfants de passer ces examens et ce diplôme restreint les possibilités d'avenir de ces enfants et que l'État doit veiller aux intérêts des enfants. Rappelons que, dans les juridictions anglo-saxonnes, l'entrée à l'université se fait habituellement selon le classement des candidats à une série d'examens normalisés et les enfants instruits à la maison s'en tirent mieux que ceux des écoles publiques.




Lire aussi Famille allemande exonérée de négligence criminelle envers ses enfants qu'elle enseignait à la maison et École à la maison : les familles fuient l’Allemagne.

Lire (en anglais) le mémoire préparé pour l'audience devant le juge par les avocats des parents de la HSLDA.

Source

lundi 25 janvier 2010

Entretien avec Philippe Nemo sur l'école unique et le monopole d'État


Q. Philippe Nemo, bonjour. Afin de démarrer cet entretien, peut-être pourriez-vous faire un résumé rapide de votre livre pour ceux qui n'ont pas encore lu ?

Ph. N. Dans ce livre, je raconte en accéléré l'histoire politique de la France aux XIXe et XXe siècles. Je montre qu'elle est structurée, pour l'essentiel, autour de l'antagonisme entre deux idéaux-types, le jacobinisme révolutionnaire (que j'appelle « 1793 ») et la démocratie libérale (que j'appelle « 1789 »). Je montre que les grands progrès histo­riques sont venus par « 1789 » et par lui seulement, tandis que « 1793 » était responsable uniquement de violences, de refus des élections démocratiques, d'obscu­rantisme intel­lectuel et de régres­sions sociales. Je montre également que la République à laquelle la plupart des Français sont aujourd'hui attachés, c'est-à-dire l'État de droit démo­cra­tique défendant les libertés fondamentales et les droits de l'homme, a été créé non pas par ceux qui ont sans cesse à la bouche « Marianne » et la « République », mais, essen­tiel­lement, par leurs adversaires. Elle a été fondée, en effet, par les monar­chistes et les bona­par­tistes raisonnables qui, à mesure qu'avançait le XIXe siècle, avaient compris qu'aucune des trois dynasties ayant régné sur la France, les Bourbons légitimes, les Orléans, les Bonapartes, ne pouvait plus reprendre seule le pouvoir sans bain de sang, et que donc, selon le mot profond d'Adolphe Thiers, la République était « le régime qui nous divise le moins ». C'est eux qui, en 1875, en alliance avec les républicains modérés de Jules Ferry et Jules Grévy, ont fondé le régime actuel.

À cette époque, les socialo-­communistes étaient dans l'opposition à ce régime ! Ce n'est que plus tard, à l'occasion du Bloc des Gauches de 1901-1906, qu'ils ont commencé à participer au gouver­nement. La gauche franc-maçonne et socialiste a fait alors une véritable OPA [mainmise] sur la République, prétendant qu'elle en était l'inventeur et que tous ceux qui refusaient le collectivisme étaient des réaction­naires, des partisans du retour à l'Ancien Régime, des cléricaux ennemis bornés de la science, etc. C'était faux, mais, comme cette même gauche s'était emparée de l'école et fait depuis lors le caté­chisme à tous les enfants de France petits et grands, cela explique que la plupart des Français de bonne foi, mais qui n'ont pas spécialement étudié l'histoire, croient aux mythes répandus par la gauche.

Ce sont ces mythes que j'essaie d'élucider et de démonter un à un dans le livre. Par exemple, que la gauche aurait été dreyfusarde, qu'elle serait laïque (alors qu'elle est adepte d'une religion millénariste-révolutionnaire intolérante, une « foi laïque » parfaitement indémontrable et visant néanmoins au monopole idéologique), qu'elle aurait été anti-vichyssoise (alors que le régime de Vichy a été largement fondé et dirigé par des gens de gauche : Laval a été pendant vingt ans membre de la SFIO, et même de sa composante blanquiste la plus radicale ; quant aux partis collaborationnistes pronazis de Paris rêvant d'être nommés par les Allemands à la place de Laval, ils étaient dirigés par Marcel Déat, ex-numéro 2 du Parti socialiste (et principal théoricien de l'école unique !) et par Jacques Doriot, ex-numéro 2 du Parti communiste ; un des idéologues patentés de Vichy a été Gaston Bergery, ex-numéro 2 du Parti radical, plusieurs syndicalistes ont été ministres du régime, à commencer par le Secrétaire général de la CGT, René Belin, signataire de la première loi sur les juifs...)

Mais il est clair que ce n'est pas comme cela qu'on raconte l'histoire aux Français.

Q. Pouvez-vous nous présenter les raisons qui vous ont poussé à écrire ce livre ? Est-ce l'actualité ? L'aboutissement d'un travail ?

Ph. N. J'ai fait ce minutieux travail d'enquête d'abord pour y voir clair pour moi-même, et ensuite, à mesure que je comprenais « les choses cachées depuis la fondation de la République » (pour paraphraser le titre du célèbre livre de René Girard Des choses cachées depuis la fondation du monde où il analyse la formation des mythes), pour essayer de faire profiter de ces mises au point le plus grand nombre possible de mes compatriotes. Car j'ai foi (une foi peut-être aveugle) dans notre pays qui a été, dans le passé, un grand pays intellectuel. Je m'imagine qu'il y a partout en France des esprits libres capables de résister à décennies de propagande et de penser et d'agir à contre-courant pour préparer l'avenir, comme cela s'est d'ailleurs toujours fait dans l'Histoire où les grandes illusions ne sont jamais éternelles.

Il y a aussi à ce livre une cause occasionnelle. J'avais organisé avec Jean Petitot, entre 2001 et 2005, un séminaire de recherche, commun à l'ESCP et au CREA de l'École polytechnique, sur l'histoire du libéralisme en Europe. De ce séminaire est sorti un livre, Histoire du libéralisme en Europe (PUF, 2006) pour lequel j'avais écrit un article intitulé « La face libérale de la République française ». Je commençais à y analyser les idées évoquées plus haut : je montrais le rôle des hommes de « 1789 » dans la naissance et le gouvernement de la IIIe République, j'expliquais l'anti-républicanisme foncier des hommes de « 1793 ». Mais cette thèse politiquement incorrecte avait besoin d'être suffisamment documentée et étayée. Il fallait que j'étudie à nouveaux frais des dossiers compliqués et énormes comme la fondation de la IIIe République, l'Affaire Dreyfus, Vichy... Renonçant donc au dernier moment à insérer l'article en question, trop incomplet, dans notre ouvrage, je me suis remis au travail. Ce n'est que deux ans plus tard que j'ai pu présenter le résultat de ces recherches dans Les deux Républiques françaises.

Q. Dans cet ouvrage, vous parlez longuement du problème de l'éducation. Vous évoquez le concept d'« école unique » élaboré dans les années 1920 par la franc-maçonnerie radical-socialiste et peu ou prou réalisé par l'Éducation nationale de la seconde moitié du XXe siècle. La dérive de notre école remonte donc loin. Y a-t-il quelque chose à faire aujourd'hui pour remonter la pente ? Quelles mesures préconiseriez-vous pour faire avancer la liberté scolaire aujourd'hui ?

Ph. N. Mettre fin au monopole idéologique de l'Éducation nationale est une priorité. Les initiatives de la société civile, par exemple la création de l'association « Créer son école » par Anne Coffinier ou de l'association « SOS Education » fondée par Vincent Laarman, un de mes anciens élèves, sont très encourageantes. D'autre part, il faut convaincre l'opinion que la liberté scolaire est une nécessité, qu'elle est techniquement possible, et surtout qu'elle est légitime, et même seule légitime dans des sociétés démocratiques. Il y a beaucoup à faire à cet égard, tant les mythes ont la vie dure, tant les prétendus « laïques » ont été longtemps seuls à occuper le terrain et ont pu faire croire aux Français que le monopole scolaire est aussi naturel que l'air qu'on respire. Pourtant, il n'existe dans aucun grand pays démocratique autre que la France. [Note du carnet : Étant donné que ce monopole est encore plus étouffant au Québec où même les écoles non subventionnées doivent appliquer le programme du Monopole de l'Éducation, il faut en conclure que le Québec n'est pas un grand pays démocratique.]

Q. Que pensez-vous par exemple du chèque-éducation, plébiscité par nombre de libéraux ?

Ph. N. J'en pense le plus grand bien et j'ai précisément publié plusieurs articles allant dans ce sens, dont deux, tout récemment, en espagnol. L'Espagne est en effet un pays très intéressant du point de vue scolaire, car le monopole socialo-communiste sur l'école n'a jamais pu s'y imposer totalement comme en France, pour la double raison de la guerre civile (qui s'est terminée sur une sorte de statu quo, chaque camp gardant des positions) et de la structure fédérale du pays (l'éducation étant en partie du ressort des communautés autonomes).

Il faut à mon sens un pluralisme scolaire, pour briser l'actuel monopole de la prétendue Éducation nationale. Celle-ci usurpe doublement son nom, puisqu'elle n'éduque plus et n'est en aucune façon nationale, mais appartient depuis le début du XXe siècle à un groupe privé et partisan, l'alliance de la franc-maçonnerie et des syndicats enseignants socialo-communistes. Cette alliance est parvenue à imposer au pays une idéologie qui est la cause profonde de l'appauvrissement et de la décadence relatifs de la France dans les dernières décennies. Donc il faut un pluralisme scolaire pour mettre fin à ce monopole et que chaque famille puisse trouver une école respectant ses valeurs. La France est divisée à peu près à 50/50 entre droite et gauche ; or 90 % des professeurs sont de gauche. Est-ce normal ? N'est-ce pas un despotisme caractérisé ?

Cependant, il ne faut pas non plus que l'éducation soit assurée par le seul secteur marchand, ce qui aurait les effets pervers qu'a excellemment étudiés Hayek dans un célèbre chapitre de son grand ouvrage de 1960, la Constitution de la liberté. Il y a d'excellents arguments libéraux en faveur d'un financement collectif de l'éducation générale de base, en tant que siège d'externalités tant positives (si l'éducation est bien faite) que négatives (si elle est mal faite ou si elle n'existe pas).

Fort heureusement, il est parfaitement possible de concilier le principe du pluralisme et celui du financement collectif. La solution est de découpler le problème du financement de l'éducation de celui de sa prestation. On peut très bien avoir un financement public et une prestation privée, pluraliste et concurrentielle. Avec ce système, l'école de base est gratuite pour tous, et il y a une émulation entre les écoles qui joue dans le sens de la qualité et de la responsabilité ; en même temps, l'emprise idéologique d'un groupe sur la société trouve ses contrepoisons. C'est bien l'idée directrice du « chèque-éducation ».

La même idée peut être mise en œuvre de façon un peu différente. Pour ma part, j'ai suggéré un système où la loi établit un « Cahier des charges » que doit respecter toute école et où une autorité administrative indépendante accorde l'agrément aux écoles dont elle a pu constater qu'elles se conforment audit Cahier des charges, et le leur retire quand ce n'est plus le cas. Munies de l'agrément, les écoles ont le droit de passer des contrats pluriannuels avec les pouvoirs publics (rectorats ou collectivités locales). Mais elles sont de statut privé : elles recrutent et gèrent librement leur personnel, elles inscrivent et renvoient librement leurs élèves, elles choisissent leur pédagogie. On trouvera le détail de ce projet sur le site de SOS Éducation.

Q. Vous avez eu l'occasion d'évoquer ces idées à de nombreuses reprises à travers l'Europe. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ph. N. Une Internationale libérale en matière d'éducation est en train de se mettre en place en Europe pour faire pièce à l'Internationale du socialisme éducatif qui existe au moins depuis un demi-siècle. Beaucoup de projets sont très avancés en Italie, en Espagne, en Angleterre (où Tony Blair, je le dis en passant, a officiellement supprimé le « collège unique »). Un certain pluralisme existe déjà en Allemagne où l'éducation est du ressort des länder, et où, par conséquent, aucun land n'a pu imposer l'« école unique » à la française ; les familles et les élèves auraient déménagé dans le land voisin... En Belgique et aux Pays-Bas aussi, en raison notamment de l'histoire religieuse de ces pays, une certaine liberté de choix existe déjà pour les parents. Enfin, en Suède, un système d'écoles libres subventionnées, mais libres de leurs programmes et de leurs méthodes, a été mis en place il y a quelques années par un gouvernement de droite ; il n'a pas été supprimé par les sociaux-démocrates lorsqu'ils sont revenus au pouvoir, parce qu'ils constataient que cet aiguillon de concurrence était excellent pour stimuler aussi l'école publique. Finalement, la France est le seul vrai pays du totalitarisme scolaire. Il le paie cher en termes de niveau et d'effondrement dans les classements internationaux.

Il y a une raison qui place à nouveau ces problèmes dans l'actualité aux yeux des gouvernants lucides. C'est que les politiques socialisantes en matière d'éducation qui ont été menées dans de nombreux pays d'Europe depuis un demi-siècle ont conduit à une sorte de faillite. Étant donné qu'elles ont eu pour seule finalité et obsession la « réduction des inégalités sociales », l'accès du plus grand nombre d'élèves et d'étudiants aux plus hauts niveaux d'enseignement, elles ont abandonné le souci de la qualité et de l'excellence de l'éducation elle-même, qui suppose distinction entre élèves, filières, classes homogènes, émulation, valorisation et récompense de l'excellence, etc., tous procédés incompatibles avec le dogme égalitariste. Elles ont donc abouti in fine à un affaiblissement scientifique considérable de l'Europe qui se décèle dans de nombreuses enquêtes internationales. Or, dans le monde mondialisé, deux autres pôles ont pris le relais de l'excellence scientifique européenne : depuis longtemps, les États-Unis, et, depuis quelques décennies, le Japon et les autres pays asiatiques, Chine, Corée, Singapour... C'est eux qui trustent les Prix Nobel et sont à la pointe de l'innovation technologique. Partant, c'est eux qui créent le plus d'emplois à forte valeur ajoutée. Mais précisément, ils n'ont pas adopté de politiques scolaires massifiantes, bien au contraire ils ont organisé une compétition scolaire et universitaire intense.

En se laissant décrocher par rapport à eux, l'Europe s'expose à perdre ses emplois et sa prospérité (puisque les nouveaux pays émergents fournissent une main d'œuvre de qualification de plus en plus proche des standards européens, pour des salaires sensiblement inférieurs). Les politiques se sentent donc interpellés : s'ils ne se décident pas à se colleter avec les gros bataillons de la gauche sur le terrain de l'éducation, ils auront face à eux des bataillons encore plus gros sur le front du chômage. La crainte, dit-on, est le commencement de la sagesse ; il n'est donc pas strictement impossible que les hommes politiques — même français ! — deviennent un peu plus sages à moyen terme.

Q. Vous prenez très fréquemment à partie la franc-maçonnerie dans ce livre. N'avez-vous pas l'impression de trop l'accuser, d'en faire une responsable trop facile ?

Ph. N. Pas du tout. Dans le livre, je me permets de mettre formellement en cause le rôle politique de la franc-maçonnerie sous la IIIe République parce que ce rôle est désormais bien connu. Avec le temps, les principales informations ont fini par percer et les travaux des historiens se sont multipliés. Il est historiquement prouvé qu'il y a eu, de la part de cette Église ou secte, une tentative de prise de pouvoir général sur notre pays pour changer en profondeur ses structures sociales, sa culture, sa morale et ses mœurs. Ce projet comportait en particulier une mainmise organisée et planifiée sur « l'École de la République » (comme ils disent), et les francs-maçons se sont placés aussi avec méthode dans de nombreux autres secteurs de l'appareil d'État (notamment la justice et la police ; ils ont essayé également, mais avec moins de succès, de s'implanter dans l'armée). Je ne dis pas que cette entreprise est bonne ou mauvaise, légitime ou illégitime, je dis seulement qu'elle a existé, que c'est un fait historiquement prouvé.

Et je constate que bien peu de Français le savent ! Car ce qui est mal, en toute hypothèse, c'est que cette action des francs-maçons n'a jamais été présentée comme telle à l'opinion publique ; les maçons ont toujours procédé de façon clandestine ou, du moins, cachée, non-publique, contrairement aux idéaux essentiels de la démocratie. Les Français n'ont jamais su où on voulait les mener. En particulier, beaucoup de lois concernant les mœurs, le code de la famille, la fiscalité ont été pensées d'abord dans les loges et sont devenues des lois en raison de l'influence des maçons au Parlement (à certaines périodes, sous la IIIe République, la moitié des parlementaires et des ministres appartenaient à l'Ordre). Or on a présenté ces lois comme résultant de l'évolution naturelle des mœurs, comme « voulues en profondeur par le pays ». Pas du tout ! Elles n'étaient voulues, au départ, que par une poignée d'idéalistes, en vertu d'ailleurs d'une doctrine philosophique respectable si l'on veut, mais extrêmement faible sur le plan intellectuel, très anti-rationnelle, fondée sur un ésotérisme invérifiable...

D'autre part, il y a eu une attaque, non moins profondément pensée et organisée, contre le christianisme. La maçonnerie peut se vanter d'avoir gagné cette guerre en rase campagne, puisqu'elle a quasiment fait disparaître l'Église de France. Elle l'a fait notamment en persécutant ses écoles et en excluant de l'enseignement des dizaines de milliers de prêtres et religieux, donc en cassant la chaîne de la transmission de la foi et de la culture religieuse, et aussi en asséchant complètement les ressources financières traditionnelles de l'Église par l'impôt progressif, les impôts sur les héritages et sur le capital, la lourdeur de la fiscalité en général. Ce plan d'extermination du catholicisme avait été élaboré par Edgar Quinet et ses disciples dès les années 1860... Il a été exécuté d'une main de maître par leurs successeurs. Or ce phénomène n'a pas eu lieu en Allemagne, ni en Angleterre, ni en Espagne, ni en Italie, ni dans les pays nordiques, pour ne pas parler des États-Unis ! L'observateur des arcanes de la vie politique peut donc saluer cette belle victoire, mais il est permis de ne pas s'en réjouir quand on voit ce qu'est devenue moralement la France d'aujourd'hui.

De ce qu'a fait la maçonnerie sous les IVe et Ve République, je ne parle pas dans le livre puisqu'il est encore impossible d'avoir des informations fiables et suffisamment détaillées sur ces questions. Je parle encore moins de ce qu'elle fait et de ce qu'elle est aujourd'hui. Il est probable qu'elle a perdu beaucoup de son pouvoir. D'autre part, je n'ignore évidemment pas qu'il y a plusieurs obédiences dans la maçonnerie, dont certaines sont modérées. Mais je sais bien que le Grand Orient a aujourd'hui encore un poids considérable dans l'Éducation nationale, et qu'il ne pèse certes pas dans le sens de la liberté.

Q. Vous semblez estimer que la droite a plus fait avancer les idées libérales et reste le plus à même de le faire aujourd'hui. Pourtant, une gauche libérale et une droite antilibérale ont toujours existé. Ne craignez-vous pas d'avoir un préjugé trop favorable en faveur de la droite ?

Ph. N. Pas plus qu'Hayek, qui s'en est expliqué dans son fameux épilogue à la Constitution de la Liberté (« Why I Am Not a Conservative »), je ne suis de « droite ». Je suis démocrate libéral, et j'ai montré dans mes livres que ce modèle et cette philosophie s'opposent autant à la vision du monde de la droite qu'à celle de la gauche. Mais nous vivons dans des démocraties où le système majoritaire induit toujours une bipolarisation. Si l'on veut participer à la vie politique, il faut donc choisir d'entrer dans un camp ou dans l'autre, et cela conduit parfois à s'allier avec des gens dont on ne partage pas la philosophie, même si, provisoirement, on a intérêt à établir avec eux un compromis tactique. Dans l'histoire, les libéraux se sont tantôt alliés avec la gauche (par exemple les libéraux italiens à l'époque du Risorgimento), tantôt à la droite (par exemple le tiers-parti d'Émile Ollivier avec Napoléon III à la fin du Second Empire). La situation en France aujourd'hui est que, dans le bloc électoral de la gauche, les libéraux ne sont représentés que par le 1% de Jean-Marie Bockel au dernier congrès du PS. On en conclut ordinairement qu'il faut que les libéraux s'allient plutôt avec l'UMP, mais il est vrai qu'au sein de celle-ci, leur poids n'est pas non plus très grand (même si, bien évidemment, il dépasse 1 %...). Beaucoup de libéraux ont été séduits par la campagne de Nicolas Sarkozy et cru qu'il pouvait rompre avec le jacobinisme commun à la gauche et au gaullisme qui se sont partagé le pouvoir en France depuis 1958. Je devine leur désarroi aujourd'hui... Et je tire, pour ma part, une autre conclusion. C'est qu'il faut prendre ses distances à l'égard de la politique politicienne et agir prioritairement au plan des idées. Il faut écrire des livres fondamentaux expliquant pourquoi seule une société de liberté est à la fois viable (sur le plan socio-économique) et vivable (sur le plan de la dignité morale). Et il faut multiplier associations, sites Internet, revues, événements divers, pour diffuser ces idées. Il faut surtout et d'urgence créer ne serait-ce qu'un seul journal vraiment libre et de qualité, qui soit capable d'inscrire dans l'« agenda » des médias et de notre classe politique les idées libérales qui en sont actuellement exclues, condition première pour qu'il y ait en France des débats intellectuels dignes de ce nom, comme il y en a tous les jours en Allemagne, en Italie, en Angleterre, aux États-Unis, comme il y en avait encore en France avant 1981. C'est sur ces terrains que mes efforts se sont portés depuis des années.

Entretien réalisé par Quentin Michon et Nicolas Rannou le 29 septembre 2009 à Paris. Vous pouvez le retrouver dans les Mélanges en l'honneur des Deux Républiques françaises, disponible en libre téléchargement sur Internet ou sur Amazon (ISBN 2810604487)


En complément, un entretien (106 minutes) du vendredi 6 avril 2007 avec Philippe Nemo autour de son livre « L’Histoire des idées libérales en Europe » (Presses Universitaires de France) :

Appel de la cause de Drummondville, les trois juges en délibéré

Il faudra encore patienter avant de savoir si la Cour d’appel entendra la cause des parents d’élèves fréquentant des établis­sements de la Commis­sion scolaire des Chênes, à Drummond­ville, et qui souhaitent que leurs enfants soient exemptés du contro­versé cours gouver­nemental d’éthique et culture religieuse (ECR).

Les juges Marc Beauregard, Yves-Marie Morissette et Lorne Giroux ont choisi de prendre la requête en délibéré. Ils rendront leur décision par écrit dans les prochaines semaines, à une date qui reste à déterminer.

Près d'une vingtaine de parents du Québec ont assisté à l'audience ce lundi matin et, selon la journaliste de la Presse présente sur place, ont vivement manifesté leur souhait que l'appel soit entendu. « Le cours d'éthique enseigne le relativisme religieux comme une doctrine. On s'oppose à ça », dit Jean Servais, qui souhaite que sa fille soit exemptée du cours.

L'an dernier, 2 300 parents ont demandé que leurs enfants ne suivent pas le cours ECR. « Mais plusieurs parents, comme moi, n'ont pas osé se lancer dans une longue bataille judiciaire, note M. Servais. C'est pour ça que la cause de Mme Lavallée est si importante. Elle et ses enfants se battent pour nous tous. » Rappelons que les frais associés à la défense des parents Lavallée s'élèvent à plus de 100 000 $, que la mère et le fils ainé ont été soumis à deux reprises à de longues séances d'interrogatoire de plusieurs heures avant le procès et qu'ils ont participé à un procès d'une semaine tenu en mai à Drummondville.

Écoutez Me Jean-Yves, avocat des parents, expliquer une des erreurs de droit qu'il invoque pour aller en appel :


Motifs de l'inscription en appel (PDF 15 pages).

Requête en rejet d'appel de la procureure générale (PDF 12 pages).

Un lundi à la Cour d'appel

Le bâtiment de la Cour d’appel du Québec est un bâtiment néo-classique à l’élégance sévère. Sa façade est composée de quatorze colonnes de style dorique en granit. Gravissant les degrés de l’escalier, le visiteur traverse d’abord l’hémicycle du porche dans l’œuvre où trônent deux grandes torchères de bronze puis les deux lourds vantaux du portail couverts de bas-reliefs allégoriques représentant la justice, le châtiment et la vérité. En haut d’un des battants, la maxime gravée « Dura lex, sed lex ».

Le contrôle de sécurité se situe à l’entrée de la salle des pas perdus. Cette grande bâtisse est quasi vide en cette matinée pluvieuse. On croise quelques avocats qui se précipitent vers leur vestiaire pour y revêtir leur toge et achever leurs derniers préparatifs. Des parents commencent à arriver, consultent le rôle affiché à côté de l’entrée de la salle d’audience : l’affaire Lavallée est la quatrième. Il est 9 h 30, on ouvre les portes.

Le bas de la salle est couvert de lambris, au fond le banc des juges et derrière celui-ci un panneau de bois qui devait accueillir un grand portait désormais absent et puis, bien haut, les armoiries du Royaume-Uni supportées à dextre par un léopard et à senestre par une licorne au pied desquels on peut lire « Dieu et mon droit ». La salle est éclairée par un grand plafonnier d’albâtre en forme de vasque parcourue de veines brunes ainsi que des appliques dans ce même style Art déco.

Les trois juges pénètrent. Ils s’asseyent. Au centre, le juge qui mènera les débats : le juge Marc Beauregard à l’ample chevelure blanche, à sa droite Yves-Marie Morissette aux cheveux de jais, et à sa gauche Lorne Giroux également chenu. Ces juges sont réunis ce matin pour décider si les affaires qui leur sont présentées sont recevables et seront entendues en appel. Les deux premières affaires sont prestement expédiées et l’appel leur est refusé. Ne sortent alors que les avocats impliqués et leur client. Aucun sympathisant apparemment. La troisième affaire traîne en longueur, un volubile avocat grec à l’accent impénétrable se défend en anglais. Il insiste lourdement sur ses diplômes. Les juges se retirent. Puis intervient la pause de quinze minutes prévues pour le matin. Les juges réapparaissent, le petit avocat grec veut rajouter quelque chose. Il parle encore. Enfin, les juges se retirent, reviennent et décident d’en délibérer plus longuement entre eux. La décision de pouvoir en appeler sera donc communiquée ultérieurement. Sortent quelques avocats et la sœur du juriste hellène qui l’avait accompagné au tribunal.

Enfin ! C’est le tour de l’affaire Lavallée. Trois journalistes sont dans la salle : Radio-Canada, La Presse et la Gazette. Pour les parents, leur avoué Me Côté. Du côté des pouvoirs publics, trois avocats : Me Boucher et la jeune Me Jobin pour le procureur général du Québec et le chevronné et toujours courtois Me Lapointe pour la commission des Chênes.

Il est près de onze heures. Le procureur Me Boucher, personnage sec aux cheveux poivre et sel, avance de manière éloquente les arguments du gouvernement du Québec pour refuser l’appel aux parents de Drummondville. Il maîtrise bien son dossier et n’affiche aucune nervosité derrière une courtoisie parfois obséquieuse à l’égard des juges et de son éminent confrère.

Pour Me Boucher, l’affaire devrait être refusée, car son objet est devenu purement théorique : le seul enfant des Lavallée encore soumis au cours d’ECR, l’ainé étant désormais au cégep, ne fréquente plus l’école publique, mais une école privée où il bénéficierait d’une exemption. Le juge Beauregard interrompt immédiatement le procureur : il est évident que l’enfant peut revenir au public à tout moment. Rien n’indique dans les documents déposés que ce sera le cas de répondre l’avocat gouvernemental.

Le procureur invoque ensuite une série d’articles de la Loi sur l’instruction publique (LIP §§ 9-12) pour prétendre que la Cour d’appel n’est pas le lieu où devrait être entendue cette contestation, mais qu’il existe un processus prévu dans la LIP pour réviser ces décisions. Le conseil des commissaires scolaires, un tribunal quasi judiciaire, serait l'instance appropriée. Le juge Morissette trouve cette interprétation « pas mal inventive ».

Me Boucher prétend ensuite que la requête d’en appeler lui est parvenue avec retard. Elle lui aurait été signifiée par huissier un jour trop tard. Il omet de dire qu’il avait reçu une version par télécopieur quelques jours auparavant. Nous y reviendrons.

Pour l’austère procureur, la cause étant devenue sans objet, la Cour doit ne plus l’entendre. Un des juges ajoute « sauf exception ». Me Boucher concède, mais il en va selon lui de l’économie des ressources judiciaires : quel droit resterait-il à débattre ? Il évoque alors l’affaire Loyola qui pourrait avoir une influence sur cette affaire. Cette évocation nous est apparue très floue. Selon le procureur, les deux causes en question seraient similaires, pourquoi faire entendre en appel deux affaires quasi identiques ?

Me Boucher de se demander alors si cette affaire ferait avancer le droit ? À qui d’autre pourrait-on l’appliquer ? Ce genre de cause ne peut s'étudier qu’au cas par cas, puisque c’est la foi sincère du requérant qui est en cause. On ne voit donc pas comment faire avancer le droit. Que reste-t-il donc ? Assister au cours d’éthique et de culture religieuse est une obligation fixée par la Loi et le Régime pédagogique. La loi n’est pas contestée par la partie adverse. Visiblement, ici, le procureur marque un point. Enfin, Me Boucher suggère que l'intention non avouée des appelants serait de remettre en cause la constitutionnalité de la Loi.

Il est passé midi et demi quand Me Boucher clôt sa plaidoirie. L’avocat des parents ne sera entendu que lorsque l’audience reprendra à 14 h.

L'après-midi

Il est quatorze heures, l’avocat des parents Lavallée, Jean-Yves Côté, s’avance et fait distribuer une série de classeurs remplis de documents aux juges et aux avocats de la partie adverse.

Me Coté, dont la voix est d’abord hésitante, indique d’emblée aux juges que les affidavits qui accompagnent les requêtes en rejet d’appel soumises par le procureur général et la commission scolaire sont grevés de multiples faussetés et qu’il faut donc les rejeter.

Il en indique plusieurs : il est inexact de dire que sa demande d’en appeler a été transmise en retard. La date mentionnée par le procureur comme le début du délai de 30 jours pour faire appel est incorrecte, car le procureur prend comme date de départ la réception d’un courriel (en deux parties!) de la part du juge qui n’était – dans les termes mêmes du juge Dubois dans une lettre ultérieure – qu’un courriel de courtoisie et en rien un moyen de signifier prévu par la loi à cet effet. Le jugement n’a été transmis par courrier postal que le lendemain et donc la requête de Me Côté a été transmise à point nommé par huissier aux différentes parties.

Autre fausseté : l’enfant Lavallée ne bénéficie d’aucune exemption dans son école privée. Il faut, en effet, bien distinguer deux choses : le droit d’exemption et le retrait. Le droit d’exemption est prévu de manière explicite par la loi, dans des termes similaires pour l’école publique et privée, et il implique que l’enfant reste à l’école, mais aille par exemple à la bibliothèque pendant la durée du cours dont il est exempté. Le retrait, par contre, comme il apparaît clairement dans une ordonnance de sauvegarde émise dans le cadre des élèves menacés d’expulsion à Granby, implique que les parents viennent « quérir leurs enfants à l’école ». Dans le cas de Mme Lavallée, elle ne bénéficie d’aucune exemption dans son école privée, mais d’une simple permission de retrait comme c’était le cas l’année passée au public. Il n’y a pas de différence à ce niveau.

Me Côté a aussi souhaité lever une équivoque, « un flou » artistique entretenu par la partie adverse : les écoles privées sont aussi tenues de donner le cours d’éthique et de culture religieuse, l’enfant des Lavallée n’y bénéficie pas d’une exemption par le simple fait d’être dans un collège privé.

Quant à l’aspect théorique invoqué par l’avocat de la procureure générale pour tenter de discréditer le recours, il est évident que l’enfant peut revenir au public à tout moment. Ce fut déjà le cas de son frère aîné, désormais au cégep, qui a alterné entre le secteur public et privé entre autres pour bénéficier du programme de sport-études. Me Côté a alors rappelé une longue série de cas accueillis par la Cour d’appel dont l’objet aurait pu paraître théorique : l’affaire Tremblay c. Daigle, par exemple, qui a été portée en appel même si l’avortement auquel s’opposait M. Tremblay avait déjà été perpétré. Ou encore l’affaire Multani où le jeune sikh avait quitté l’école publique où on lui interdisait le port de son petit poignard pour fréquenter l’école privée pendant que la cause était portée en appel.

Pour ce qui est du collège Loyola, il s’agit d’une affaire très différente. L’école ne demande pas d’être exemptée du cours d’éthique et de culture religieuse, mais comme la Loi le permet, de présenter un cours équivalent proche du cours d’éthique et de culture religieuse. Mais encore là, la cause a été entendue même si l’élève Zucchi nommé dans cette cause, était en secondaire 3, année où le cours ne se donne pas.

L’avocat de la famille Lavallée a également insisté sur la nature récurrente liée à la demande d’exemption annuelle conformément à l’article 222 – les parents devraient demander chaque année une exemption et ne pourraient la contester dans la même année devant les tribunaux – qui milite en faveur d’une décision judiciaire qui clarifierait les règles d’application de cet article. Me Côté n'élabore cependant pas.

Enfin, est-on confronté ici à un cas unique ou à portée collective ? Le procureur général prétend qu’il s’agit ici d’une affaire à juger au cas par cas puisqu’il s’agit de juger la foi sincère. Or, d’une part, le refus d’exemption de la Commission scolaire des Chênes a frappé 19 enfants en même temps après qu’elle eut entendu Me Côté faire une présentation au nom de tous ces parents. D’autre part, le juge Dubois a lui-même conféré un caractère collectif à sa décision en liant son jugement à l’opinion d’un théologien catholique, tout en admettant que la croyance sincère de la mère était bien établie, car selon lui celle-ci n’était pas suffisante. Me Côté prévoit que ce jugement pourrait s’appliquer à tous les catholiques puisque, même si un catholique a la croyance sincère que ce cours va à l’encontre de ses convictions, un théologien embauché par le gouvernement a déclaré, selon le juge Dubois, que le cours n’allait pas à l’encontre de la doctrine et de la foi catholiques.

Confronté aux arguments du juge Giroux qui faisait entendre que la demande d’exemption des dix-neuf enfants en question n’avait pas été jugée à Drummondville et que seule celle des deux enfants Lavallée l’avait été, Me Coté a rappelé que lui aussi devait garder à l’esprit l’économie des ressources judiciaires et que défendre 19 enfants aurait signifier de très nombreux interrogatoires supplémentaires et une cause nettement plus longue que ni l’État ni les familles ne pouvaient s’offrir. Dans un rare mouvement d’indignation, Me Côté a ensuite indiqué que les parents subissaient un traitement inéquitable : s’ils devaient gagner, leur victoire ne s’appliquerait qu’à eux seuls selon la partie adverse, les autres parents devant eux aussi passer en justice, mais maintenant que les Lavallée avaient perdu en première instance on refusait collectivement toute exemption en disant aux parents intéressés que l’affaire avait été jugée. Deux poids, deux mesures inacceptables.

Le seul avocat des parents a par la suite abordé la question de la « dictée d'un tiers », à savoir que les commissaires auraient abdiqué la décision d'accorder une exemption à un tiers alors que cette responsabilité leur revient. À cet effet, il a mentionné que les lettres provenant d’une commission scolaire du Saguenay étaient à peu près identiques à celles issues de la C.S. des Chênes ainsi qu'à plusieurs autres commission scolaires.

Enfin, Me Côté, les juges et Me Boucher discutèrent de la demande de l'avocat des Lavallée d’avoir une copie gratuite ou payée par le procureur général des notes du procès de Drummondville, notes déjà produites et payées par le gouvernement et disponibles pour les procureurs de l'État pendant les 2 semaines où Me Côté rédigeait sa plaidoirie alors que les procureurs avaient refusé de les partager avec l'avoué des parents. Le juge a demandé quels droits d’auteur s’appliquaient, question à laquelle l'avocat des parents n’a pas pu répondre. Par la suite, Me Boucher a indiqué qu’il ne pouvait pas partager sa copie qui était annotée et que Me Côté pouvait en obtenir une copie auprès de la sténographe pour 60 cents la page plutôt que les 3,50 $ que le gouvernement avait déboursés par page.

Le juge Beauregard demande ensuite à Me Côté : « Que devez-vous prouver ? », question un peu ambiguë. Me Côté revient sur le fait que la cause en appel a un objet bien concret et n’est pas théorique même si l’enfant Lavallée ne fréquente pas actuellement l’école publique. Il ne développe pas l’argument de fond concernant les points sur lesquels il croit que le juge Dubois a erré.

Me Côté demande si les juges veulent en entendre plus au sujet des faussetés dans le texte de Me Jobin. Le juge Beauregard déclare que non.

Le juge Beauregard veut alors lever la séance pour aller délibérer en privé. À ce moment Me Lapointe l’avocat représentant la commission scolaire demande à prendre la parole. Le juge Beauregard lui dit : « Je croyais que le procureur général avait également parlé pour vous. J’imagine que vous devez exprimer le même point de vue ». Ce à quoi Me Lapointe réplique qu’il a des points à rajouter. Le juge Beauregard accepte et lui accorde une bonne dizaine de minutes.

La séance se termine par cet étrange retour des avocats représentant le ministère de l’Éducation et la commission scolaire, alors que selon le rôle, Me Côté devait être le dernier à parler. Me René Lapointe vient à la barre dire que la commission scolaire avait suivi le processus prévu par la Loi à l’article 222 et qu’il ne voyait vraiment pas pourquoi des ressources supplémentaires devraient être dépensées pour entendre cette cause en appel et, sans doute, jusqu’à la Cour suprême. L’avocat de la commission scolaire ajoute qu’il est faux de prétendre, comme Me Côté l’a fait, que le juge Dubois a réuni l’affaire des enfants de Granby à ceux de Drummondville. L'avocat chevronné de la commission scolaire déclare que la cause de Drummondville impliquait un demandeur et la Commission scolaire. Il prétend que si c’est la cour venait à décider à la place de la commission scolaire ce qui constitue un préjudice grave, elle « détourne l’article 222 de la LIP ». La question à savoir si les élèves « subiraient un préjudice grave » a été posée. Me Lapointe indique qu'il existe une procédure claire dans la Loi et les parents n’avaient pas réussi à prouver devant les commissaires scolaires qu’ils subissaient un « préjudice grave », l'affaire était close. Il passait là sous silence les critiques que Me Côté avait mentionnées plus tôt : les commissaires n'avaient pas considéré parmi les préjudices graves l'atteinte à une des libertés protégées par les chartes : la liberté de conscience et de religion et le critère à appliquer dans ce cas : la croyance sincère des parents. Pire ils avaient même écrit que cet aspect n'était pas de leur ressort et que c'était aux tribunal de trancher. Me Lapointe a terminé son intervention en ajoutant que le juge Dubois avait décidé qu’il n’y avait pas de dictée d’un tiers. Le juge Beauregard lui demande si c’est « discutable ou clair », car selon lui la question de la dictée d’un tiers est primordiale. Me Lapointe dit que « c’est clair ».

Me Boucher en profite pour reprendre la parole et affirmer tout de go que de nombreuses affirmations de son éminent confrère de la partie adverse sont fausses. Sans préciser. Me Boucher prétend alors que tout a déjà été jugé par le juge Dubois qui aurait entendu tous les témoins particulièrement en ce qui concerne la question de la dictée d’un tiers et que, pour ce qui est de l’influence indue qu’auraient subie les commissaires pour qu’ils refusent toutes les exemptions, elle n’a pas pu être prouvée, car la seule preuve de la partie adverse était une conférence de presse qu’aurait tenue la ministre et que, comme l’a démontré le procès, les commissaires n’étaient même pas au courant de celle-ci !

Les juges se retirent alors sans donner l’occasion à Me Côté d’intervenir. Ils reviennent quelques minutes plus tard pour annoncer qu’ils se prononceront par écrit après en avoir délibéré. La salle se vide alors, ne restent plus que quelques avocats et leurs clients pour les affaires restantes de la journée. Dans les couloirs, les parents ne peuvent cacher leur déception de ne pas être fixés dès aujourd’hui et de ne pas avoir obtenu le droit à l’appel. Les journalistes de la Gazette et de La Presse s’affairent et posent des questions aux parents et à Me Coté. Ils désirent surtout savoir quand le jugement sera prononcé. Me Côté prévoit que cela pourrait prendre de quelques jours à deux semaines. Les autres avocats ont disparu. La télévision de Radio-Canada qui avait filmé les parents sortant du tribunal le matin n'est plus là en fin d'après-midi.


Directeur d'école qui donne une interprétation collective à la décision du juge Dubois






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samedi 23 janvier 2010

Assimiler les immigrants n'est pas exclure, mais inclure

Le sociologue Jacques Beauchemin revient dans une longue lettre d'opinion publiée dans Le Devoir d’hier sur le couple « assimilation/exclusion » invoqué par les partisans du multiinterculturalisme comme Gérard Bouchard.
« L’édition du Devoir du 12 janvier nous apprend que Gérard Bouchard travaillerait à la préparation d’un important symposium portant sur le modèle québécois d’intégration des immigrants. Anticipant la polémique dont ce symposium sera inévitablement le théâtre, Bouchard met au défi les détracteurs de ce modèle d’intégration (l’interculturalisme) de proposer des solutions de rechange à ce modèle plutôt que de se cantonner à sa critique. Je crois utile de dégager ce qui m’apparaît constituer l’arrière-plan de ce débat. Cette mise en contexte me fournit également l’occasion de revenir sur quelques polémiques récentes relatives à la définition du « nous collectif » québécois.

Je voudrais ainsi relier des éléments apparemment disparates, mais formant à mon sens un ensemble très cohérent, dans lequel se dessine une véritable philosophie politique ou, si l’on préfère, l’éthos des relations intercommunautaires au Québec. Cette philosophe politique me semble dominée par le consensualisme, l’ouverture à la différence, l’égalitarisme et le respect des droits fondamentaux. À l’inverse, elle est hostile aux appartenances nouées dans l’histoire et dans la culture, de même que réfractaire à l’affirmation de la majorité soupçonnée de vouloir contrevenir aux droits des minorités et de se fermer à l’expression de leur différence.

Pour le dire autrement, le discours social portant sur les rapports intercommunautaires au Québec est obsédé par l’Autre, la diversité et par un vivre-ensemble fait de reconnaissance mutuelle et d’accommodement de la différence. À l’inverse, il se méfie de l’histoire, de la mémoire, de la culture majoritaire et de l’expression d’un « nous » porteur d’une conscience historique.

Rapport Bouchard-Taylor

Le rapport de la commission Bouchard-Taylor exprime au mieux cette philosophie politique. Il ne me semble pas abusif de dire que, pour l’essentiel, le rapport rappelle à l’ordre la majorité franco-québécoise, l’invitant à davantage d’ouverture vis-à-vis des minorités, en même temps qu’il l’incite à se méfier de sa tendance au repli et à l’exclusion de l’autre.

La situation particulière des Franco-Québécois au Canada et en Amérique occupe peu de place dans le rapport. Lorsque cette réalité est évoquée, c’est pour expliquer la frilosité identitaire de cette collectivité et l’inviter à la transcender dans une représentation d’elle-même mieux assurée et moins susceptible de dérives xénophobes. L’interculturalisme que l’on promeut alors procède d’une certaine mise en retrait de la majorité. Sans surprise, le rapport insiste sur le fait qu’aucune identité ne saurait prétendre à une quelconque prééminence au Québec. Ne s’inscrit-il pas alors dans cette philosophie politique réfractaire à la majorité et suspicieuse devant ses volontés d’affirmation collective? Ne participe-t-il pas de cet éthos dans lequel l’ouverture à l’autre invite à mettre en veilleuse toute volonté d’affirmation collective?

L’enseignement de l’histoire

La réforme du programme de l’enseignement de l’histoire au primaire et au secondaire est elle aussi l’objet de critiques. L’histoire que l’on enseigne désormais est celle d’une citoyenneté partagée dans la perspective de l’aménagement consensualiste du conflit social. C’est ainsi, par exemple, que la Conquête anglaise est présentée comme un simple changement d’empire et qu’est esquivée la question, pourtant centrale dans la conscience historique québécoise, de la domination nationale qui s’instaure alors.

De même, Durham y est représenté comme un esprit libéral favorable à la responsabilité ministérielle dans l’éventuel Canada uni de 1840, alors que l’on oublie que son projet consistait également dans l’assimilation des Canadiens français. Encore ici, la dynamique politique qui traverse la condition québécoise est largement sous-estimée. C’est que l’enseignement de l’histoire s’accompagne du projet « d’éduquer à la citoyenneté ». Il faut apprendre aux jeunes de quelle manière l’histoire du Canada serait celle de la diversité qui l’a toujours traversée et celle d’une citoyenneté partagée. Dépolitisation et dénationalisation constituent le fil conducteur d’une histoire exhibant rétrospectivement la genèse du multiculturalisme canadien.

Éthique et culture religieuse

Le programme d’éthique et de culture religieuse poursuit cette même intention d’une ouverture à l’altérité dans la perspective de l’égalité de tous les univers moraux et religieux. Il s’agit de former les esprits à cette éthique sociale dont le respect de la différence constitue la pierre angulaire. Certes, l’enseignement de la tradition judéo-chrétienne bénéficie d’une certaine prééminence. Il n’empêche que l’idée même d’une telle formation puise à cet éthos égalitariste, en vertu duquel la tradition de la majorité doit s’ouvrir à celles des minorités sous peine de les exclure.

Éduquer à la diversité dans la perspective des chartes de droits et d’une éthique de la reconnaissance de tous par tous débouche sur une certaine délégitimation de la collectivité majoritaire dont on craint qu’elle fasse jouer le poids du nombre à l’encontre des intérêts des minorités. Le principe d’un encadrement juridique et éthique de la majorité poursuit sans doute de nobles objectifs, mais il jette sur cette majorité une étrange suspicion.

Démocratie

Dans cet éthos pluraliste (dans lequel s’inscrivent le multiculturalisme canadien et l’interculturalisme québécois), la démocratie n’est pas l’affaire de la majorité mais celle des minorités, ce qui lui confère une signification à la fois singulière et réductrice: celle du simple respect des droits fondamentaux. Le politique n’est plus le lieu d’une négociation difficile parce que traversé de rapports de forces, mais celui du consensus et de l’acceptation de la différence.

Mais surtout, dans cette perspective, toute position dont l’a priori n’est pas celui de la célébration de la diversité serait d’emblée antidémocratique parce qu’elle dresserait le commun contre le particulier. Lorsque Gérard Bouchard exige ainsi de tous ceux qui voudront contribuer à la réflexion portant sur le modèle d’intégration québécois qu’ils se conforment « aux exigences de la démocratie et du droit », veut-il dire qu’une position nationaliste ou républicaine, pour reprendre ses termes, ne serait pas recevable parce que son a priori serait celui de la règle de la majorité et de la primauté du commun sur le particulier ?

L’intégration des immigrants

Est-il possible, dans ce contexte de célébration emphatique de la diversité, de proposer un modèle d’intégration dans lequel persisterait la conviction que les sociétés forment des mondes de culture, d’histoire et de valeurs singulières ? Bouchard associe négativement ce modèle à celui de l’« assimilation/exclusion ». L’amalgame de ces deux notions est en lui-même significatif. Il implique en effet que d’inviter l’autre à nous rejoindre dans un monde commun et partagé en acceptant de s’y fondre, c’est l’exclure.

Mais de quoi au juste? N’est-ce pas au contraire l’inclure dans une proposition de monde commun, d’une communauté de sens? Un monde qui est alors bien davantage que celui dont les chartes de droits ou une éthique sociale de la reconnaissance des différences ne seraient que le seul ciment. La posture que Gérard Bouchard qualifie de républicaine n’est en aucune manière hostile à la diversité. Seulement, elle accueille l’intérieur d’une vision nationaliste, rassembleuse et, pourquoi pas, républicaine de la communauté. L’accueil, la tolérance et l’ouverture à la différence n’attendent pas pour se manifester les politiques interculturelles dont le rapport Bouchard-Taylor se fait le promoteur.

Notre responsabilité collective vis-à-vis des nouveaux arrivants consiste à leur proposer un monde habitable fait de culture et d’une certaine tradition éthique formée dans les remous d’une histoire particulière. Nous devons proposer aux immigrants de s’intégrer à une histoire qui les précède et dans le cours de laquelle ils sont les bienvenus, de même qu’à une collectivité francophone majoritaire qui porte de très loin son désir de durer.

Je dirai, en termes sans doute choquants au regard de l’orthodoxie pluraliste ambiante, qu’il faut inviter ceux qui se joignent à elle à consentir à ce désir de durer et à accepter la présence d’une communauté d’histoire majoritaire qui souhaite légitimement poursuivre son aventure collective. Il faut pour cela que la majorité franco-québécoise affirme sans complexe qu’elle forme le cœur de la nation et que, forte de cette conviction, elle accueille, sans jamais renoncer à elle-même, ceux qui viennent la rejoindre avec leurs espoirs et leurs talents. »
Jacques Beauchemin – Professeur au département de sociologie de l’UQAM


(Via L'intelligence conséquente)






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La gauche « laïque » parle de l'école et du cours ECR

La gauche « laïque » (y avait-il un croyant ?) organisait un colloque sur l'école et le cours ECR, école québécoise déjà victime de la mainmise de la gauche sur l'éducation et de l'imposition d'un monopole de l'Éducation cher à la gauche qui se dit «  républicaine ».
Ce colloque d'un jour, qui se déroulait dans une atmosphère tantôt bon enfant tantôt agitée, aura surtout permis à différents individus et regroupements politiques — pourtant de la même mouvance de gauche — de proposer et de défendre chacun leur modèle de laïcité à adopter : celui d'une laïcité dite « ouverte » (nomenclature récusée par les tenants de l'autre camp), qui reflète plutôt les idées du multiculturalisme mis de l'avant par le vaste chantier consultatif Bouchard-Taylor, et celui d'une laïcité qui emprunterait davantage aux idées républicaines et qui ne ferait aucun compromis sur la présence de signes religieux ostentatoires dans les institutions étatiques. « En organisant ce colloque, on voulait participer à la grande conversation démocratique sur des questions importantes. Et malgré nos positions similaires sur nos valeurs, on parvient à des réponses différentes sur la laïcité », a indiqué Normand Baillargeon, membre du collectif de rédaction de À bâbord et coorganisateur de l'événement.

Auditoire de baby-boomers

Devant un auditoire en grande majorité formé de baby-boomers [NDC : La gauche vieillirait-elle ?], les deux visions diamétralement opposées ont été défendues en début de journée par les deux invités d'honneur, Françoise David, codirigeante de Québec solidaire, et l'éminent sociologue Guy Rocher. Ce dernier a livré un plaidoyer pour rappeler que ce n'était pas à l'État de déterminer si Dieu existe, en d'autres termes, que la religion n'a pas sa place dans l'espace public. Mme David a soutenu en essence que le fait d'interdire tout signe religieux dans l'espace public ne constituait pas un tort aussi grand que celui de l'interdire et qu'il fallait davantage réfléchir aux conséquences de l'exclusion.

Le cours ECR au cœur du débat

Parmi les trois grands thèmes discutés, soit les modèles de laïcité, la religion dans l'espace public et le cours Éthique et culture religieuse (ECR), ce dernier a particulièrement déchaîné les passions. Marie-Michèle Poisson, présidente du Mouvement laïque québécois, déplore l'existence de ce cours et souhaite son abolition. Elle estime que par rapport à l'ancien système, la religion prend plus de place dans le cursus scolaire, ce qui va à l'encontre du principe de laïcité. Elle déplore également le fait que ce cours soit obligatoire, ne laissant plus la possibilité aux parents de choisir pour leurs enfants. « Pourquoi ne pas faire un programme sur les droits humains? Je préférerais un enseignement philosophique, éthique ou sociologique, mais pas religieux », assure-t-elle. Elle estime que le contenu du cours donné aux élèves du primaire ainsi que du secondaire est une forme de propagande et qu'il constitue un endoctrinement au multiculturalisme.

Conscient des limites du cours ECR, Louis Rousseau, [Note du carnet : c'est une nouvelle ! Peut-être une simple concession tactique ?] professeur en sciences des religions à l'UQAM, croit quant à lui à la nécessité d'un cours sur les religions à l'école. « Il ne faut pas confondre avec les études religieuses. La religion est un fait social et culturel. Il est important de développer des connaissances sur ces pratiques afin de mieux appréhender l'autre et diminuer les craintes identitaires » [NdC : cela reste à voir, la connaissance n'est pas suffisante pour faire aimer des différences, d'où l'idée du dialogue et de la rééducation au centre du programme], affirme le professeur. Pour lui, il est encore trop tôt pour juger ce programme. « C'est un outil formidable, mais pas parfait. Il y aura des ajustements à faire. Il faut nous donner une chance », concède Louis Rousseau, qui a déjà préparé des cours de perfectionnement pour les enseignants.

Au terme du colloque d'un jour, après quelques gentils affrontements autour du voile qui ont fait ressurgir la fibre féministe de plusieurs, tous avaient le sentiment d'avoir vidé la question.
Source





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Facal : l'école québécoise, un immense gâchis aux mains d'apprentis sorciers

On trouvera ci-dessous un extrait tiré du dernier livre de Joseph Facal Quelque chose comme un grand peuple publié chez Boréal. Rien de bien neuf pour les habitués de ce carnet, mais il est bon de voir qu'un ancien ministre reprenne le constat par tant de personnes inquiètes par l'état de l'école québécoise et le monopole du MELS en matière de programmes, de pédagogies et de diplômes. Signalons tout de suite que M. Facal ne semble pas demander la fin de ces monopoles, ce qui nous semble pourtant la manière la plus sûr d'assurer une saine concurrence et aurait sans doute rapidement tué la tristement célèbre « réforme pédagogique ».
« L'école québécoise, malgré de nombreuses exceptions, ne va pas bien, pas bien du tout, nonobstant la trajectoire en apparence sans problèmes majeurs des enfants et le dévouement des dizaines de milliers de personnes qui œuvrent en son sein. Ce n'est pas uniquement une question d'intérêt bien compris que d'y voir, mais aussi d'authentique justice sociale, la vraie, celle qui refuse que les circonstances de la naissance ou la médiocrité érigée en système empêchent le développement des talents de chacun.

La plupart des enfants obtiendront certes leur diplôme d'études secondaires. Mais on peut se demander s'il est normal, comme le notait la journaliste Michèle Ouimet, « qu'à peine arrivés au cégep, des milliers de cégépiens doivent s'inscrire à des cours de rattrapage en français et en mathématiques afin d'apprendre ce qu'il devraient pourtant savoir : les rudiments de l'algèbre et de la géométrie,les règles de grammaire, la syntaxe et l'orthographe. Même si ces étudiants détiennent un diplôme d'études secondaires, ils sont incapables d'additionner deux fractions et d'accorder les participes passés. »

Ce qui donne envie de hurler est qu'elle a écrit cela... en 1992, avant qu'on ne livre l'école québécoise aux élucubrations de la dernière fournée d'apprentis sorciers. Et encore ne parlait-elle que de l'insuffisante maîtrise des rudiments de la langue et du calcul.

Quand on fréquente les jeunes qui amorcent un parcours universitaire, on est aussi frappé par leur extrême difficulté à digérer une certaine quantité de documentation, à se l'approprier, à dégager une problématique qui leur appartienne vraiment, à mener une réflexion proprement personnelle plutôt qu'à coudre ensemble des citations dans le désordre.

Faire tolérer l'ignorance en la dissimulant

Qu'on comprenne bien où je loge : depuis la fin des années 90 se déploie au Québec une réforme de l'éducation animée par une philosophie antihumanistes, autoritaire et pseudoprogressiste, qui repose sur des théories très douteuses et dépourvues de fondements empiriques solides et dont on se demande si elles n'ont pas pour pur but, comme l'a déjà dit Lise Bissonnette, de nous faire tolérer l'ignorance en la dissimulant. Les enseignants, que le bon sens n'a pas encore désertés et qui, pour la plupart, aiment les enfants et leur métier, résistent du mieux qu'ils le peuvent. Et rebaptiser « renouveau pédagogique » cette réforme pour essayer de mieux la gérer politiquement ne change rien au fond de l'affaire.

Liquider les idées funestes qui fondent la réforme

Il faut, selon moi, liquider les idées funestes qui fondent cette réforme, dénoncer les fantasmes idéologiques qu'elles dissimulent et les complicités politiques qui leur permettent de sévir, tordre le cou à cette langue de bois prétentieuse des milieux éducatifs qui intimide les parents, clarifier les enjeux et les priorités, bannir l'improvisation, revenir aux méthodes éprouvées, s'armer de prudence devant les nouveautés sans s'y fermer, et repartir avec énergie, enthousiasme et les moyens appropriés. Voilà.

Légitimer la critique, ne plus se laisser culpabiliser

Il faut cesser également de faire passer tous les critiques de cette réforme pour des élitistes nostalgiques des collèges classiques, que ni moi ni la très grande majorité de ceux qui n'aiment pas ce qu'ils voient en ce moment n'avons connus. Qu'on cesse de réduire le débat à une « querelle de chapelles pédagogiques » (Josée Boileau, Le Devoir, 21 juin 2006) afin de renvoyer dos à dos les protagonistes, alors qu'il s'agit ici non seulement d'un débat sur les meilleures méthodes d'apprentissage, mais aussi sur les finalités de l'école, et que, de surcroît, s'accumulent rapidement les preuves de l'immense gâchis qui se déploie sous nos yeux.

Décrochage toujours aussi haut

Depuis l'introduction de cette réforme, nos taux d'abandon scolaire au niveau secondaire, qui étaient déjà effarants depuis des décennies, ont en effet continué à augmenter, alors qu'on prétendait qu'elle renverserait la vapeur. Dans les classements internationaux mesurant les apprentissages aux niveaux primaire et secondaire, brièvement évoqués au deuxième chapitre, nous glissons également.

Recul des résultats scolaires

Nous reculons aussi par rapport à nous-mêmes. Une comparaison des taux de réussite aux épreuves obligatoires d'écriture en français de 6e année du primaire en 2000 et 2005 montre que le taux de réussite en orthographe est tombé de 87 % à 77 %, qu'il est tombé de 83 % à 73 % en syntaxe et ponctuation et que le taux global de réussite, lui, a chuté de 90 % à 83 %. »






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vendredi 22 janvier 2010

« La calamité qui a dévasté Haïti réfute-t-elle l’existence de Dieu ?» — La réponse de Thomas d’Aquin

Le philosophe Jean Laberge se penche sur la calamité en Haïti, et plus généralement sur la souffrance humaine, est-ce qu'elle prouve la inexistence de Dieu ? Il apporte la réponse de Thomas d'Aquin. Il est douteux qu'on la présente lors d'un cours ECR.
Le croyant est donc confronté au problème que les philosophes ont présenté comme « problème du mal ». Comment peut-il se sortir de cette impasse ? Prenant sa défense, je ferai appel à Thomas d’Aquin (1224-1275), sans doute le plus grand penseur chrétien de tous les temps.

Dans sa monumentale Somme théologique — qui n’a pour but, il faut le dire, que d’introduire le débutant à la « science de Dieu » (la théologie) — Thomas d’Aquin considère la question suivante : « Dieu est-il l’auteur du mal ? » (1e partie, question 49, article 2). Fidèle à sa bonne habitude de la questio disputate, l’Aquinate examine à tour de rôle les arguments en faveur de la thèse et ceux qui s’y opposent. Il ose citer la Bible qui semble effectivement faire de Dieu l’auteur de tous les maux, du mal lui-même ! Le prophète Isaïe ne déclare-t-il pas, en effet, noir sur blanc : « Je suis Yahvé, il n’y en a pas d’autre. Je façonne la lumière et je crée les ténèbres. Je fais le bonheur et je crée le malheur. C’est moi Yahvé, qui fais tout cela. » (Isaïe, 45 6-7).

Aujourd’hui, la Bible ne fait plus autorité — sauf chez les fondamentalistes chrétiens —, mais ce n’était pas du tout le cas au Haut Moyen Âge, à l’époque de Thomas d’Aquin. Il fallait donc un certain culot pour que celui qu’on surnommait « le bœuf tranquille » se permette de réfuter les Écritures car, en effet, Thomas d’Aquin démontre par la suite la fausseté de la thèse sous examen : Dieu est l’auteur du mal.

Comment « le Docteur angélique » en arrive-t-il à cette conclusion plutôt étonnante ? Par un « miracle » disent les méchantes langues… Non, bien entendu, car c'est par la philosophie que l’Aquinate aboutit à sa singulière thèse. Or, qui dit « philosophie », en ce temps-là, fait immédiatement référence à celui qu’on désignait alors comme « Le Philosophe », c’est-à-dire Aristote (384-322 avant notre ère).

D’abord, la question centrale : qu’est-ce que le mal ? À cette question philosophique par excellence, vieille comme le monde, les gens répondent couramment que le mal est tout et rien à la fois, car le mal de l’un est le bien de l’autre. En d’autres termes, le mal est indéfinissable, tout relatif qu’il soit à chacun. Pour Thomas d’Aquin, au contraire, le mal est définissable : c’est l’absence du bien (privatio boni). Par exemple, la mort - nul doute le mal suprême pour nous, humains– est l’absence ou la privation de ce bien qu’est la vie. L’esclavage, la privation de la liberté ; la pauvreté, l’absence de biens vitaux, dont l’argent ; la maladie, l’absence de santé, etc.

Cette définition du mal comme absence du bien découle d’une thèse plus générale que soutient l’Aquinate, s’appuyant ici comme ailleurs sur Aristote, voulant que « le bien peut exister sans le mal, alors que le mal ne peut exister sans le bien ». En d’autres termes, s’il y a du mal, c’est qu’il y doit y avoir d’abord du bien. La seule réalité qui existe est donc le bien, c’est-à-dire, pour Thomas le croyant, Dieu. Un être maléfique — Satan, Belzébuth, Adramelech, etc. —, opposé à Dieu, existant avant ou à côté de Dieu, est donc logiquement impossible. C’est d’ailleurs pourquoi le diable ou démon est conçu en christianisme comme un être (un ange) déchu ayant reçu au préalable l’existence de Dieu. Le christianisme n’est pas un manichéisme.
La suite ici.






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Complément ECR et les questions éthiques liées au climat : L'intox autour des glaciers himalayens

On sait que l'écologie, ou mieux le plus souvent l'écologisme catastrophiste, est au centre des valeurs proposées aux jeunes écoliers captifs soumis au cours gouvernemental obligatoire d'éthique et de culture religieuse. En secondaire IV, l'année de la double dose d'ECR, par exemple, le manuel approuvé d'ECR publié par les éditions Grand-Duc, consacre environ un quart du volet éthique aux questions d'écologie comme la table des matières reproduites ci-dessous l'illustre.



Parmi les clichés colportés récemment parmi les écologistes — et les médias peu regardants qui leur servent de caisses de résonance fidèles, il y a cette prétention que les glaciers himalayens disparaîtraient sous peu. Voilà, malheureusement, que même le très réchauffiste New Scientist a dû admettre qu'il y avait quelques petites erreurs dans ces prédictions. Plus de détails dans l'article ci-dessous repris du Blogue du Québécois Libre.
Fonte rapide des glaciers himalayens : Oups, oubliez ça !
par Martin Masse

Les glaciers de l'Himalaya constituent la plus importante masse de glace sur Terre en dehors des calottes polaires. Depuis des années, leur présumée fonte rapide et leur disparition prévue vers 2035 ou même plus tôt constituent l'une des nouvelles écocatastrophistes préférées des militants fascistes verts et des médias réchauffistes du monde entier, avec les ours polaires qui se noient et les îles du Pacifique englouties dans l'océan.

Himalayan-glacier Chez nous, Le Devoir reprenait un article du Monde sur le sujet récemment. La Presse y a consacré de nombreux papiers ces derniers mois. Alors que le cirque réchauffiste se poursuivait à Copenhague, le journal belge L'Echo publiait cette dépêche de l'AFP citant un militant du World Wildlife Fund selon lequel « Les négociations de Copenhague auront d'énormes répercussions sur la vie de centaines de millions de personnes habitant à l'embouchure des rivières issues de l'Himalaya et qui sont déjà dans une grande pauvreté ».

Sur ce blogue, lutopium, un commentateur régulier, nous rapportait dans un fil de discussion il y a quelques mois les propos d'un soi-disant rédacteur scientifique anonyme qu'il connaît, ayant une formation en science, selon qui « un milliard de personnes risquent de mourir de soif » lorsque l'Himalaya aura fondu. Et notre ayatollah de déclarer que « Toute personne qui met en doute les conclusions et les avertissements du GIEC, autrement dit de la communauté scientifique, à l'égard du réchauffement climatique est soit un demeuré, soit un enragé. Et dans les deux cas, se sont des personnes complètement ignorantes et totalement irresponsables. »

Eh bien, on apprend ces jours-ci que les millions d'habitants de la région n'ont en fait rien à craindre puisque cette histoire n'est qu'un autre canular inventé par la clique de fraudeurs réchauffistes du GIEC.

Depuis un moment déjà, d'autres chercheurs émettaient des réserves à propos de la prédiction contenue dans le 4e Rapport d'étape de 2007 du GIEC selon laquelle
Glaciers in the Himalaya are receding faster than in any other part of the world (see Table 10.9) and, if the present rate continues, the likelihood of them disappearing by the year 2035 and perhaps sooner is very high if the Earth keeps warming at the current rate. Its total area will likely shrink from the present 500,000 to 100,000 km2 by the year 2035 (WWF, 2005).

[Soit en français :

« Les glaciers de l'Himalaya reculent plus rapidement que partout ailleurs dans le monde (voir Tableau 10.9) et, si le taux actuel [NDT : de fonte] devait se poursuivre, la probabilité qu'ils disparaissent en 2035 et peut-être plus tôt, serait très grande si la Terre continue à se réchauffer au rythme actuel. Leur surface totale passerait alors de 500.000 km2 à 100.000 km2 en l'an 2035 (WWF, 2005).]
Mais comme il n'était pas possible de contester les Écritures saintes au sein de la secte réchauffiste, on entendait peu parler de ces voix dissidentes.

Au début de novembre, une étude exhaustive commanditée par le ministère indien de l'Environnement et des Forêts apportait un autre son de cloche. Selon l'auteur, le glaciologiste Vijay Kumar Raina, même s'il est vrai que la couverture de glace sur la chaîne de montagne a diminué au cours du 20e siècle, soit depuis la fin du petit âge glaciaire précédent, rien ne permet de conclure qu'elle soit en voie de disparaître. Certains glaciers himalayens sont stables, d'autres s'étendent, d'autres encore rapetissent moins vite qu'auparavant.

Mais d'où vient donc la prédiction catastrophiste du GIEC ? On le voit dans la citation ci-haut, d'un rapport de 2005 du World Wildlife Fund. Or, selon des reportages publiés dès décembre par la BBC, puis par d'autres publications comme The New Scientist la semaine dernière et le Times de Londres hier, la prédiction n'est en fait appuyée sur aucune étude sérieuse.

Tout a débuté lorsqu'un glaciologue indien, Syed Hasnain, a déclaré dans une entrevue au New Scientist en 1999 que les glaciers himalayens pourraient disparaître dès 2035. M. Hasnain n'a pas la suite jamais répété cette assertion dans un article scientifique et affirme aujourd'hui que son commentaire de l'époque n'était que de la « spéculation ».

En 2005, un rapport consacré au retrait des glaciers dans la chaîne himalayenne publié par les fascistes verts du WWF reprenait toutefois le commentaire de M. Hasnain. Et hop, le même commentaire se retrouve deux ans plus tard, transformé en vérité scientifique, dans le rapport du GIEC.

Interrogé à ce sujet par le New Scientist, le principal auteur du chapitre du GIEC, le glaciologue Murari Lal, nie que le GIEC puisse s'être trompé au sujet des glaciers de l'Himalaya. Selon lui, « les auteurs du GIEC ont fait exactement ce qu'on attendait d'eux. Nous nous sommes appuyé dans une assez large mesure sur de la littérature scientifique grise [qui n'a pas été révisée par des pairs], incluant le rapport du WWF. S'il y a une erreur, elle vient de la déclaration du Dr Hasnain et non des auteurs du GIEC. »

M. Hasnain rejette quant à lui cette accusation et blâme le GIEC. Il répète n'avoir jamais mentionné la date de 2035 dans un rapport scientifique, puisqu'aucune revue scientifique n'aurait accepté une telle donnée spéculative, et ajoute qu'« Il n'est pas approprié pour le GIEC d'inclure des références venant de magazines populaires ou de journaux ».

Édifiant, n'est-ce pas ? Voilà comment la « science du climat » avance dans nos très sérieuses instances onusiennes qui étudient la question, avec les milliards de dollars dont elles disposent. Un chercheur spécule à voix haute lors d'une entrevue. Un organisme militant reprend ses propos. Et le GIEC en fait une vérité d'Évangile quelques années plus tard, sans aucune vérification. Puis, les médias complaisants du monde entier relaient la nouvelles. Des centaines de « climatologues » très sérieux ont lu le document et personne n'a relevé l'erreur, qui touche pourtant l'un des phénomènes les plus importants liés au prétendu réchauffement, autant sur le plan symbolique qu'au regard de ses potentielles conséquences sur les populations.

Notre « rédacteur scientifique » anonyme — et ses nombreux collègues qui font de la propagande réchauffistes dans nos médias — vont-ils maintenant publier une mise au point ? Qui sont les véritables demeurés et enragés dans toute cette histoire ?
Apparemment, comme le rapporte une dépêche de l'AFP, cette erreur était connue depuis plusieurs années, le GIEC a cependant décidé de l'inclure dans son dernier rapport, base de la conférence de Copenhague :
Interrogé par l'AFP lundi, un éminent glaciologue autrichien et l'un des co-auteurs du rapport de 2007, le Pr Georg Kaser, de l'Institut de glaciologie d'Innsbrück, a assuré avoir attiré l'attention de ses pairs sur cette « erreur » dès 2006.

« Fin 2006 (...) j'ai pris connaissance de cette erreur et de quelques autres. C'était après la dernière revue, mais avant la publication, donc on avait encore une possibilité de modifier » le texte, a-t-il expliqué.

« Je l'ai fait remarquer », a-t-il insisté. « Pour une raison que j'ignore, ils n'ont pas réagi », a-t-il ajouté, regrettant « un certain amateurisme » de la part de certains de ses collègues chargés de ce chapitre.
Le professeur autrichien tente ensuite d'expliquer ce chiffre de « 2035 » :
Le Pr Kaser, l'un des auteurs du premier volet [du rapport du GIEC], a également été sollicité en tant qu'expert des glaciers par les rédacteurs du 2e chapitre - celui concerné par l'erreur sur l'Himalaya.

Cette erreur, avance-t-il, pourrait n'être qu'une « coquille » reprenant de manière erronée une étude d'un scientifique russe, le Pr Vladimir Klotlyakov, tablant en 1996 sur une disparition des glaciers de l'Himalaya « d'ici 2350 ».
Le site de la Pensée unique décernait déjà son Bonnet d'âne le 3 janvier 2010 à cette prédiction en faisant le rapprochement avec l'étude Pr Vladimir Klotlyakov.

Pensée unique commentait ainsi les propos de M. Pachauri au sujet de cette prédiction sur les glaciers himalayens :
Comme de bien entendu, Rajendra Pachauri, le CEO du GIEC, a été rudement interpelé au sujet du texte ultra-alarmiste sur l'Himalaya publié dans le rapport scientifique AR4 du GIEC, sans aucun support scientifique, contrairement à ses exigences répétées. Ses réponses sont intéressantes. En voici quelques-unes à propos du rapport indépendant commandé par le Ministre Indien de l'Environnement :
« Nous avons une idée très claire de ce qu'il se passe [NDT : sans support scientifique ?]. Je ne sais pas pourquoi le ministre soutient cette recherche infondée. C'est une affirmation extrêmement arrogante. »
Par ailleurs, R. Pachauri a qualifié l'étude du Dr Raina de « science vaudou » en ajoutant que « le GIEC est un organisme sérieux dont le travail est vérifié par les gouvernements . En tout cas, et pour le moins, le gouvernement indien ne semble pas enthousiasmé...

Ceci étant, l'ingénieur diplômé des chemins de fer et docteur en économie, co-titulaire du Prix Nobel de la Paix (avec Al Gore et le GIEC), président du GIEC, R. K. Pachauri a, tout de même, une curieuse façon de s'exprimer pour un « grand scientifique climatologue » (comme disent les médias). Voilà qu'il qualifie une étude effectuée par un éminent glaciologue, d'arrogante ou de science vaudou, après avoir déclaré, il y a deux ans, que la théorie de Svensmark et coll. sur l'influence des cycles solaires sur le climat (actuellement testée au CERN de Genève) était « extrêmement naïve et irresponsable »...

Il fallait oser!
Le Times de Londres : UN climate chief Rajendra Pachauri got grants through bogus claims [over Himalayan glaciers]



Pachauri doit démissionner déclare Richard North, Pachauri répond (TV indienne)




La chaîne indienne NDTV rapporte avant Copenhague que le gouvernement indien réfute les conclusions du GIEC sur les glaciers himalayens : ils sont stables ou s'étendent même




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