Article paru dans
L'Express de Drummondville de cette semaine.
« [...]
Appelée à donner ses réactions à la suite du jugement rendu en Cour supérieure rejetant la requête des parents dans le dossier du cours d'éthique et de culture religieuse, Françoise Lavallée, l'une des plus farouches opposantes au caractère obligatoire de ce programme, affirme que ce jugement est contestable.
Cela ne veut pas dire que M
me Lavallée, mère de Suzanne, l'un des parents ayant livré bataille au plan juridique, ainsi que ceux et celles qui sont en désaccord avec ce jugement vont assurément le contester à un plus haut niveau, mais le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on y pense sérieusement.
« Ce jugement déboute, en première instance, les parents qui demandaient à pouvoir avoir leur mot à dire sur la formation morale et religieuse de leurs enfants. Il est bien évident que je suis fort déçue et consternée de cette décision qui leur impose le cours d’éthique et de culture religieuse », a d'abord exprimé M
me Lavallée qui trouve "fort peu motivée et mal avisée" cette décision.
Selon Françoise Lavallée, l'une des instigatrices de la Coalition pour la liberté en éducation (CLÉ), les parents avaient invoqué dans leur requête plusieurs motifs pour demander l’exemption de leurs enfants.
« Pour faire bref, ils s’opposaient au relativisme et au pluralisme du cours qui présente et traite toutes les religions sur un pied d’égalité, toutes aussi légitimes les unes que les autres, et ce, dès le plus jeune âge. Les parents s’opposaient également au fait que l’enseignement et les discussions en éthique puissent s’opposer à la morale catholique », rappelle M
me Lavallée en précisant que quatre témoins experts sont venus étayer leurs craintes devant le tribunal.
Or, déplore cette femme de caractère, le jugement passe sous silence ces témoignages en faveur des requérants, et ce, sans expliquer pourquoi, ce qui est étonnant à son dire.
« Ce jugement stipule simplement que la croyance sincère de la mère à l'effet que ce cours peut nuire à ses enfants n’est pas suffisante, et ce, sans plus d’explication. Il balaie les expertises qui démontrent bien que cette croyance n’est pas frivole », expose Françoise Lavallée.
Celle-ci ne cache pas qu'elle a été surprise de l’importance accordée par le Tribunal au seul témoignage du théologien Gilles Routhier.
« Pourtant au procès, il n’avait pas impressionné l’assistance par son insistance erronée sur le rôle de la Congrégation pour l’éducation catholique. Quant à l’interprétation de la doctrine catholique telle que présentée par M. Routhier, seule retenue par le juge Dubois, le théologien Guy Durand a déclaré qu’elle "frise la malhonnêteté" », soumet-elle.
M
me Lavallée en veut pour preuve le document publié en mai 2009 par le cardinal Zénon Grocholewski, président de la Congrégation pour l’éducation catholique et refusé par le juge Dubois, qui, plaide-t-elle, rappelle longuement l’enseignement de Rome : responsabilité première des parents sur l’éducation de leurs enfants, avec droit à une aide complémentaire de l’école; préférence pour l’école catholique, qui permet « d’éviter des tensions et des fractures dans le projet éducatif »; sans oublier le droit des parents dans l’école non confessionnelle à un enseignement religieux conforme à leur convictions.
Françoise Lavallée fait valoir que l’ancien ministre, Louis O’neill, également théologien, est venu témoigner dans le même sens.
« Si l’Église reconnaît l’importance de la connaissance des religions, rien ne permet de conclure, au contraire, que cela devrait se faire dès la prime enfance et encore moins dans la perspective du programme ECR. D’ailleurs, même Gilles Routhier, partisan de l’imposition du cours ECR, reconnaît dans une entrevue donnée le 1
er septembre et rapportée par le
Western Catholic Reporter qu’il y a débat quant à savoir si le contenu du cours ECR est relativiste" », rajoute cette grand-maman de Drummondville.
Jugement contestable« Je considère que ce jugement est contestable parce qu'il ne justifie pas son rejet de la croyance sincère des parents appuyés par des experts, parce qu'il s’appuie sur une interprétation fautive de la doctrine catholique et parce qu'il oublie que, même dans le cas où il y aurait débat quant à savoir si le cours est relativiste, le respect des convictions des parents et la prudence demandent de pencher pour l’exemption. On exempte pour motif religieux au cours de musique, de gymnastique, d’art plastique à la simple demande des parents, sans faire d’inquisition et imposer un passage par le tribunal. Dans ce cas-ci, des parents catholiques demandent une exemption pour motif religieux et elle est fermement rejetée d’une manière peu convaincante. Pourquoi cette différence ? », questionne Françoise Lavallée après avoir livré ce résumé de sa pensée.
Pour cette dernière, il est clair que les experts ne peuvent pas trancher à la place des parents pour dire c’est cela que vous devriez croire en votre âme et conscience.
« Le juge ne s’est pas penché sur toute la preuve si on veut faire croire que ce jugement clôt le débat sur le cours ; il n’a, par exemple, permis la production comme preuve que d’un seul manuel du primaire, pas l’ensemble des manuels et surtout des cahiers et activités en classe. Et que fait-on de notre liberté de choix et de conscience ? La démocratie est totalement bafouée comme si elle était inexistante. C’est aberrant », conclut Françoise Lavallée, qui ne semble pas avoir dit son dernier mot dans ce débat.
»