lundi 18 août 2008

Qui est Fernand Ouellet, père du cours d'éthique et de culture religieuse selon Jean-Pierre Proulx ?

Les lecteurs de ce carnet se rappelleront que le 8 janvier 2008 à 18 h 45 M. le professeur Jean-Pierre Proulx, auteur du rapport « Laïcité et religions: perspective nouvelle pour l'école québécoise », avait laissé le commentaire suivant :
« Vous me faites par ailleurs trop d'honneurs en me qualifiant de "père" du cours d'éthique et de culture religieuse.

Le groupe de travail que j'ai présidé de 1997 à 1999 a repris une idée qui avait déjà été proposée par le professeur Fernand Ouellet de la faculté de théologie de l'Université de Sherbrooke, spécialiste des religions des Indes au début des années 80. Son idée fut d’ailleurs mise en œuvre pendant un certain temps avec l'approbation du Comité catholique du CSE dans les années 1980. L'idée fut reprise par le Conseil supérieur de l'éducation dans un de ses avis de la décennie 1990 puis par les États généraux sur l'éducation de 1995-96. »
Qui est ce Fernand Ouellet et quels sont donc les principes qui devraient guider un cours de culture religieuse ou d'éducation à la citoyenneté (intégré désormais au cours d'histoire) selon lui ?

Selon André Couture du consortium Érudit, Fernand Ouellet est professeur à la faculté de théologie, d’éthique et de philosophie de l'Université de Sherbrooke, il est spécialiste en éducation interculturelle et y aborde diverses questions relatives à l’Inde moderne et à l’hindouisme.

Spécialiste de l'Inde et de l'hindouisme

Fernand Ouellet est un spécialiste de l'Inde et de l'hindouisme, il lit couramment l'hindi :

— Premchand, Délivrance, traduit du hindi par Fernand Ouellet, Paris-Montréal-Turin, L'Harmattan, coll. « Lettres asiatiques », 2000, 248 pp.

Premchand, Deux amies et autres nouvelles, traduit du hindi par Fernand Ouellet, Paris, L'Harmattan, coll. « Lettres asiatiques », 1996, 239 pp.

Premchand, Godan : le don d'une vache, traduit du hindi par Fernand Ouellet avec une préface de Kiran Chaudhry et une introduction d'André Couture, Paris-Montréal-Turin, L'Harmattan, coll. « Lettres asiatiques », 2006, 364 pp.

H. Daniel Smith, Inde-hindouisme, traduit de l'anglais par Fernand Ouellet, Visual Education Service, Yale Divinity cité dans Ressources sur les grandes traditions spirituelles et religieuses.

Relativisme

Fernand Ouellet a consacré plusieurs articles au relativisme, tel que l'indique son curriculum vitae, notamment :

— Relativisme, tolérance religieuse et compréhension interculturelle, Sciences religieuses 14/3, 1985, pp. 355-369.

— Pour éviter les pièges du relativisme culturel, Communication présentée au colloque Minorités ethniques : entre les particularismes et l'universalisme, 61e Congrès de l'ACFAS, Rimouski, mai 1993.

— Relativisme cognitif, croyances traditionnelles et sciences modernes, dans M.A. Hilly (dir.), Pluralité des cultures et dynamiques identitaires. Hommage à Carmel Camilleri, Paris, L’Harmattan, 1999, pp. 141-165.

— Tolleranza e Relativismo. Saggi sull’intercultura, (Traduction de F. Ouellet, Essais sur le relativisme, Québec, PUL, 2000 par Amina de Girolamo Sinna) Milano, Editioni
Unicopli, 2002.

En l’an 2000, Fernand Ouellet publiait un livre de 237 pages sur le sujet : Le relativisme et la tolérance, dont le journal de l'Université de Sherbrooke résumait ainsi le contenu :
« La question du relativisme soulève des problèmes très complexes qui recoupent plusieurs des enjeux fondamentaux à la coexistence, dans un même espace social, de plusieurs visions du monde, conceptions de la connaissance et systèmes de valeurs différents. Le débat sur ce sujet est très vif. Certains voient dans le relativisme une doctrine dangereuse; d’autres le considèrent comme un acquis important de l’anthropologie moderne. Fernand Ouellet apporte ici un éclairage nouveau en examinant trois questions centrales :
  • Le relativisme met-il sur le même pied les croyances traditionnelles et la science moderne ?
  • Le relativisme est-il une position moralement défendable, puisqu’il semble accorder la même valeur à toutes les conceptions du bien ?
  • Le relativisme culturel peut-il servir de point d’appui à un aménagement viable des relations interculturelles dans des sociétés pluriethniques et plurireligieuses ? »
On notera le style cauteleux universitaire qui procède par interrogatives.

Postmodernité

Fernand Ouellet a également publié sur la postmodernité, dont le relativisme est l’un des dogmes :

— Éduquer à la citoyenneté, à la religion et aux valeurs dans la postmodernité Communication présentée au congrès de l’Association pour la recherche interculturelle (ARIC), Alger, mai 2005, 20 pages.

— L’éducation au religieux dans les sociétés postmodernes, Communication présentée au colloque « La dimension religieuse de l’éducation interculturelle », Oslo, 6-8 juin 2004.

— Racisme, inégalités et postmodernité, 20 pp. Communication présentée au Symposium sur « La question raciale », IRFIQ, Québec, 28-30 octobre 1998.

— Racisme, inégalités sociales et postmodernité. Collectif interculturel, vol. IV, n° 2, pp. 69-87.

Pédagogie du conflit

Dans l’article intitulé « L’enseignement du fait religieux dans l’école publique ? », Fernand Ouellet commente ainsi les assertions d’un autre auteur sur les pratiques pédagogiques à privilégier dans le cadre d’un tel cours :
« Dans le contexte actuel, il ne suffit pas d’éduquer à la reconnaissance et au respect de l’autre. Il faut aussi apprendre à ébranler la « suffisance identitaire » et à s’intéresser à l’autre par delà les divergences et les conflits de valeurs :
« On saisit à partir de là les principes de ce que pourrait être une éducation à la citoyenneté et à la responsabilité. Le problème n’est pas d’inculquer telle valeur ou ensemble de valeurs plutôt que tel autre. Il est de permettre l’émergence d’un questionnement, d’une inquiétude qui arrache l’enfant ou l’adolescent au confort d’un plein et serein accord avec soi-même et de l’acceptation passive de l’altérité d’autrui : « Lui, c’est lui, moi c’est moi ». Il est donc moins de « construire une identité » que, à l’inverse, d’ébranler une identité trop massive et d’y introduire la divergence et la dissonance; il n’est pas de préparer à la coexistence et à la tolérance, mais au contraire, de mettre en scène l’incommensurable abîme qui me sépare d’autrui et m’oblige (au sens moral du terme) à m’intéresser à lui. C’est donc une « pédagogie du conflit » à la fois entre les individus mais aussi en chacun. » (p. 146)

La pédagogie du conflit que propose ici Galichet comme solution à la crise de légitimité des valeurs dans les sociétés contemporaines s’inscrit dans une conception de l’éducation à la citoyenneté où « l’enseignement des questions controversées » (Crick, 1998; Lorcerie, 2002, p.181-182) occupe une place centrale. Une approche de l’éducation à la citoyenneté apparaît particulièrement bien adaptée à la situation de tension entre plusieurs conceptions légitimes de la citoyenneté qui a été évoquée plus haut. »