mardi 5 février 2008

Enseignement des langues : affligeant correctivisme politique de Pauline Marois

On se rappellera que la situation fragile du français a récemment fait les manchettes des journaux au Québec. Non seulement la natalité des francophones est-elle inférieure à celles des autochtones, des immigrés, elle est également inférieure à celle des anglophones du Québec.

Ajoutons à cette déprime démographique, le fait que la majorité des enfants immigrés, forcés d'étudier en français au primaire et au secondaire, choisissent encore les cégeps en anglais dès qu’ils le peuvent et le fait que les immigrés à Montréal (mais pas à Québec !) boudent les cours de français.

Que propose donc Mme Pauline Marois, chef du Parti Québécois, pour remédier à cette situation inquiétante du français au Québec ?

Pour améliorer la situation du français, Mme Marois propose, dans un entretien au Devoir, de faire en sorte que tous les jeunes Québécois deviennent bilingues (à savoir que tous parlent anglais, pas une autre langue mondiale comme l'espagnol, l'arabe ou le chinois). Non, il ne s’agit pas d’une plaisanterie…

Citons quelques extraits de cet entretien :

« Le vrai défi qu'on a, c'est que nos enfants sortent de l'école bilingues », a déclaré Pauline Marois lors d'une rencontre éditoriale avec l'équipe du Devoir.

Selon la chef péquiste, la faiblesse de l'enseignement de l'anglais langue seconde dans le réseau des écoles publiques pousse des élèves francophones à fréquenter le cégep en anglais.

Remarquons le fait que Mme Marois pratique le correctivisme politique : la majorité des francophones ne va pas dans des cégeps anglophones, ce sont les enfants d’immigrés.

« Pourquoi pensez-vous qu'ils vont dans des cégeps anglophones dans certains cas? C'est parce qu'ils ne possèdent pas bien la deuxième langue. C'est une façon pour eux de l'apprendre », a-t-elle fait observer.

Il s’agit là d’une simple opinion de Mme Marois fondée sur son expérience familiale, comme elle l'admet en citant ses enfants par la suite. On peut tout aussi bien considérer que les jeunes immigrés déjà soumis à l'anglais grâce à la télévision, leur milieu familial, la culture de M-TV, se sentent autant à l'aise en anglais qu'en français (ou même plus!) et qu’ils décident de choisir les cégeps en anglais pour des raisons de prestige, mouvement que le bilinguisme généralisé voulu par Mme Marois ne fera que renforcer.

Il n'est pas question pour Mme Marois de donner son aval à une proposition qui refait surface dans les instances du PQ: interdire aux francophones ou aux enfants de la loi 101, ces allophones qui ont fréquenté l'école en français, l'accès aux cégeps anglophones.

On se demande bien pourquoi… Dogmatisme ? Peur du miroir comme M. Bouchard lors de son discours du Centaur ? On n’aura aucune réponse.

Pauline Marois croit qu'«on glisse dangereusement vers l'anglais» à Montréal, pas seulement dans les petites boutiques, mais dans « le centre-ville financier ». Le Québec doit « prendre un virage solidement et sérieusement» afin de franciser les petites entreprises et assurer l'intégration des immigrants «si on veut continuer à vivre en français ici en Amérique ».

On ne voit pas pourquoi les entreprises ou les immigrants devraient se mettre au français quand tous leurs interlocuteurs parleront anglais !

La chose est évidente dans le fait que les immigrants ne boudent pas du tout les cours de français à Québec, contrairement à Montréal. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas moyen de vivre en anglais à Québec, alors que la chose est facile à Montréal et le deviendra de plus en plus quand tous les jeunes Québécois seront devenus bilingues.

Afin d'assurer la francisation de tous les immigrants, Pauline Marois qu'il faut revenir à la formule des COFI (les Centres d'orientation et de formation des immigrants) que le gouvernement péquiste a abolis à la fin des années 90.

Ah, le retour nostalgique ! Rappelons qui les a abolis en 1998 : M. André Boisclair, un ministre du Parti québécois. Un peu comme Mme Marois a lancé la réforme scolaire et le renouveau pédagogique quand elle était ministre de l’Éducation, réforme qui fait couler beaucoup d’encre. Mais, de cela, il ne faut plus parler selon Mme Marois.

Selon Mme Marois, le Québec n'a d'autre choix que d'augmenter le nombre d'immigrants qu'il accueille afin de combler ses besoins en main-d’œuvre.

Il faudrait à nouveau que Mme Marois prouve qu’il n’y ait pas d’autre manière : plus grande automatisation, meilleure formation des chômeurs actuels, rallongement de la durée du travail, programme nataliste universel en faveur de la famille plutôt qu’un programme très coûteux de garderie utilisé par 50 % des enfants de moins de 6 ans de la province et tant pis si les féministes poussent des cris d’orfraie.

Dans cette optique, le PQ a appuyé le gouvernement Charest qui a décidé de hausser de 45 000 à 55 000 les seuils d'immigration au cours des trois prochaines années. Pour la chef péquiste, le manque de données sur l'intégration des immigrants, alors que le gouvernement garde pour lui des études depuis un an et demi, et le fait que plus du tiers des immigrants qui ne parlent le français à leur arrivée boudent les cours de français ne sont pas des raisons suffisantes pour renoncer à cette augmentation, comme le voudrait l'Action démocratique du Québec. «Il faut être très actifs. On ne peut pas penser que [l'intégration], ça va se faire tout seul», a-t-elle fait valoir.

On ne sait donc pas à quel point ces immigrants (qui représentent chaque année environ 0,7 % de la population d’accueil, faites le calcul sur 20 ans) s’intègrent, les jeunes immigrants boudent les cours de français, mais cela n’est pas grave. Il faut continuer à importer de plus en plus d’immigrants dont les enfants soulèvent des difficultés scolaires (et des coûts supplémentaires).

Il suffit de dire qu'on va être actif dans l’intégration. Mais cette activité ne peut quand même pas se résumer à augmenter leur nombre, imposer de plus en plus l’anglais à l’école, ne pas redresser la natalité des Québécois, Mme Marois ? Ah, j'oubliais l'arme secrète face à l'anglais omniprésent sur le continent, dans les bureaux et les classes : les COFI! On ne peut que secouer la tête devant tant de naïveté.

Rappelons que si Mme Marois veut faire de tous les Québécois des bilingues, il s’agit là de l’étape préliminaire par laquelle passe toute minorité avant son assimilation : tous ses locuteurs parlent d’abord la langue dominante avant, de guerre lasse, d’adopter celle-ci.

Ne vaudrait-il pas mieux augmenter le poids démographique et l’utilité du français pour s’assurer de l’intégration des immigrants ? Cette augmentation passe par plus de francophones travaillant en français et non l'inverse ! Si la loi 101 (sans doute renforcée) était réellement appliquée, il n’y aurait pas besoin que tous les Québécois soient bilingues. Or, notre expérience professionnelle a démontré qu’à Montréal le bilinguisme est requis de manière bien trop systématique : même pour des emplois sans aucun contact avec une clientèle anglophone externe à l’entreprise. Ces employés doivent d’abord être bilingues pour pouvoir parler en anglais avec leurs collègues anglophones, même ceux censément bilingues et formés au Québec.

Exiger que tous les élèves francophones sortent de l'école secondaire parfaitement bilingues a autant de sens que de tous les contraindre à réussir les cours avancés de mathématiques et de français sans tenir compte de leur orientation professionnelle ultérieure.

Et dire que le PQ est censément un parti nationaliste qui aurait à cœur le sort du français au Québec et non celui de simplement renforcer le poids naturel de l'anglais au Québec !

Protégez-nous des amis politiques du français…

Voir les résultats du PIRLS (lecture et compréhension) pour le Québec après le passage de Mme Marois à l'enseignement. En 2001, le Québec s'était classé sixième. En 2006, il glissait à la seizième place. Plusieurs croient que cette baisse des habiletés de lecture des jeunes Québécois coïncide avec la réforme scolaire.